Good Behavior Game (GBG) : un jeu du comportement adapté

Good Behavior Game (GBG) est une stratégie de gestion du comportement en classe dont l’objectif est d’apaiser le climat scolaire à l’école élémentaire et d’éviter ou retarder l’entrée dans les consommations de substances psychoactives. Cette stratégie permet aux enseignants de renforcer les compétences psychosociales de leurs élèves tout en enseignant les matières académiques. Ce programme fondé sur des données probantes (d’origine américaine) est porté en France par le Groupe de Recherche sur la Vulnérabilité Sociale (GRVS). L’Association Addictions France s’est impliquée dans son déploiement au sein des académies de Normandie, Créteil, Versailles, La Réunion, Reims et Strasbourg. GBG a une incidence positive sur le comportement des enfants et leurs relations avec les adultes. L’exploration locale en Normandie montre également que le GBG favorise un contexte apaisé qui permet la mise en œuvre de pratiques enseignantes efficaces. Un déploiement efficace du GBG implique cependant une organisation importante avec les acteurs de l’Éducation Nationale en amont de la mise en œuvre, notamment en matière de mobilisation des équipes pédagogiques.

Présentation de l’intervention

Contexte

Les programmes interventionnels probants ou prometteurs en prévention [1] sont mobilisés par les acteurs impliqués en santé et ou en prévention qui souhaitent s’appuyer sur les données probantes. Le programme GBG en fait partie. Il est notifié dans le cadre du répertoire des interventions efficaces et prometteuses en prévention et promotion de la santé de Santé publique France (SpF) [2]. Il s’agit d’« une stratégie de gestion du comportement en classe élémentaire, qui a pour but d’apaiser le climat scolaire. Les enseignants intègrent le renforcement des compétences psychosociales[1] (CPS) dans les stratégies pédagogiques qu’ils utilisent pour enseigner les matières académiques » [2]. Des études référencées montrent une réduction des consommations de substances psychoactives des jeunes ayant suivi ce programme durant l’enfance[3].

Association Addictions France

Association nationale reconnue d’utilité publique, elle est structurée en région. Ex ANPAA[4] (Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie), elle intervient dans le champ de la prévention des conduites addictives. Ses activités englobent la prévention auprès des publics jeunes, des publics en situation de vulnérabilité, et des actions de prévention par les pairs, de réduction des risques et des dommages, d’« aller vers ». L’association possède également une activité ambulatoire dédiée à l’accompagnement des personnes et de l’entourage via des Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) ou des Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues (CAARUD). Parallèlement, elle met en place des formations auprès des professionnels et bénévoles des structures partenaires sur ces questions.

En région Normandie, Addictions France possède un service de prévention-formation réparti en antennes départementales pour répondre aux besoins des populations en matière d’addictologie. Le déploiement des Programmes Probants, dont GBG, bénéficie d’une coordination régionale soutenant la quinzaine de professionnels de la structure impliqués. GBG est financé depuis 2018 par l’Agence Régionale de Santé de Normandie dans le cadre d’un appel à projet[5].

GBG : Le déploiement au niveau d’Addictions France-Normandie

  • Porté en matière de déploiement international par l’American Institutes for Research (AIR), c’est le Groupe de Recherche sur la Vulnérabilité Sociale[6] (GRVS) qui a œuvré entre 2015 et 2017 pour sa mise en place sur le territoire Français via un essai pilote dans l’académie de Nice.
  • Addictions France Normandie s’est intéressée à la possibilité de le développer sur son territoire. La logique a été le renforcement de stratégies cohérentes avec ses ambitions et pratiques, notamment le développement des CPS dès le plus jeune âge. Selon Mme Bossé : « pour travailler le parcours de santé de l’élève en prévention des pratiques addictives, on se devait d’accompagner des projets avec des méthodes de prévention validées ».
  • Entre 2018 et 2020, Addictions France Normandie a pu répondre à différents appels à projet (AAP) lui permettant de déployer différents programmes probants sur 5 ans (GBG, TABADO – 2018, Unplugged – 2020). La mise en œuvre effective de GBG a débuté lors de la rentrée scolaire de septembre 2018.

GBG : les grandes caractéristiques du programme (3)

GBG : en pratique

« C’est un programme qui facilite la mise en œuvre d’un contexte favorable à une meilleure efficacité des pratiques pédagogiques et au développement des CPS des élèves du CP au CM2, en intervenant sur une modalité de jeux, par la dynamique de groupe et le collectif. L’enseignant formé réalise toutes les semaines deux à trois jeux GBG avec la classe. Il est coaché par une équipe de professionnels d’Addictions France tout au long de l’année scolaire. Tous les quinze jours, le coach intervient pour analyser la pratique du GBG en classe, afin de donner toutes les clés de réussite pour pratiquer le GBG en autonomie.

C’est un jeu qui a pour objectif de favoriser le renforcement positif du groupe classe, mais également des individus notamment des élèves les plus en difficulté. C’est respecter quatre règles posées dans la classe, qui ont vocation à développer les CPS parce qu’elles sont transposables, généralisables et illustrées, dans chaque contexte d’activité, par des exemples et des contre exemples concrets, verbalisés par les enfants eux-mêmes. La logique, c’est de rassembler des élèves qui auraient un niveau un peu plus élevé que d’autres, et de changer les équipes pour à chaque fois élever le niveau en termes d’apprentissage et de pédagogie positive. En disant qu’il peut y avoir des échecs, on facilite la participation de tous. Des rituels de félicitations par les jeunes et aussi par l’enseignante valorisent le fait que chacun ait sa place et puisse bénéficier d’un apprentissage en renforçant les compétences de tous.

Si l’enseignant a décidé de faire un cours de mathématiques, il va poursuivre ce cours en le déclinant en apprentissage collectif. Il va créer des groupes de deux-quatre élèves, énoncer une consigne, dire qu’on sera dans le cadre d’un jeu GBG, et demander aux élèves de respecter les règles, les faire participer en tant qu’acteurs autour de ces règles. Il va noter une durée qu’il aura été déterminé à l’avance en fonction du moment de l’année et du type d’activité. Après les séances, il va ensuite au tableau commenter le niveau de respect des règles, féliciter l’ensemble des participants, du groupe, sur le respect de celles-ci et porter une attention particulière sur une règle qui n’a pas été respectée, sans jamais cibler un élève, en disant : « Qu’est-ce qu’on pourrait faire pour que la prochaine fois cette règle collectivement soit respectée ? ». Le GBG va leur permettre de mettre en place des séances de travail de groupe caractérisées par une meilleure coopération et une meilleure implication dans la tâche. »

Charlène Bossé | Responsable Régionale de prévention, Addictions France

 

GBG : pilotage & mise en œuvre

Après le déploiement de l’essai pilote financé puis validé par SpF, le GRVS supervise aujourd’hui le déploiement de GBG à travers différentes académies. Addictions France est le partenaire opérationnel pour les académies de Normandie, de Créteil et Versailles, de La Réunion, de Reims et de Strasbourg. Le projet est piloté nationalement par une cheffe de projet à la direction nationale des activités (DNA) d’Addictions France. Elle assure la structuration du programme (modèle économique, RH, kit de déploiement en cours de construction), la coordination nationale des 4 régions impliquées à ce stade, le lien avec le GRVS, le lien avec les institutionnels et l’animation du réseau. Addictions France coordonne également des axes expérimentaux mis en place dans les régions : délégation partielle du transfert de compétences, conception de la plateforme de formation digitalisée par GRVS. En Normandie, une coordination prend en charge une quinzaine de professionnels intervenant dans le champ de la prévention dont cinq professionnels impliqués dans le programme GBG. Elle anime des réunions sur le déploiement du programme, son implantation, fait le lien avec l’ARS, l’Education Nationale (EN), le GRVS[7] et la supervision nationale.

Formation

Lors de l’implantation du programme dans une école, l’ensemble de l’équipe éducative valide l’engagement dans le projet. Cela permet de statuer sur la mise en place de la formation faite collégialement. Durant cette formation, sont abordés la partie étude et recherche du projet, les bénéfices du déploiement des programmes probants. L’équipe pédagogique fait également l’expérience de l’activité et des outils GBG, exprime ses freins, les limites qu’elle perçoit en matière de mise en œuvre. Sont présentés également des vidéos témoignages d’autres enseignants formés au GBG qui le pratiquent avec leur classe[8]. Une fois le cycle d’un an terminé, l’école est identifiée comme « école GBG ». Addictions France Normandie revient tous les ans afin d’évaluer avec chaque école ses besoins pour la suite, faire la proposition d’un coaching spécifique pour un.e enseignant.e nouvellement arrivé.e, renforcer la dynamique dans l’école.

Principaux enseignements

Résultats observés

De manière générale, l’étude du GRVS (4) a montré des résultats positifs en matière d’amélioration des comportements des enfants entre eux et avec les adultes, des impacts sur le climat de classe. Au bout de 3 ans de déploiement, Addictions France Normandie a formé et coaché les équipes pédagogiques de 5 écoles différentes (une douzaine d’enseignants par école). Les résultats en fin de cycle montrent que 80 à 85% des enseignants pratiquent le GBG conformément aux exigences identifiées par les études internationales comme étant susceptibles de garantir les bénéfices attendus.

De manière plus globale, les différents indicateurs (% d’enseignants qui respectent les éléments-clés du programme et les gestes professionnels GBG, évaluations des élèves, etc.) montrent un impact positif de l’action sur les enfants comme sur les adultes le mettant en œuvre. Les contributeurs ont pu notamment mettre en avant différents effets.

Les effets perçus par les acteurs

Concernant les enfants

« C’était marrant de voir des petits CP être capables de dire pourquoi ça n’avait pas fonctionné, d’expliciter leur procédure, d’être capables après de chercher des solutions. C’est super beau. Et en REP+, ça veut dire un langage, un vocabulaire adapté, des phrases construites… Mine de rien on part quand même de loin. Là on prenait ce temps pour faire de l’oral, de l’expression orale, de la réflexion, de l’argumentation… Tout ce que nous demandent les programmes et qu’on ne prend peut-être pas le temps de faire. Ça a été très riche pour la classe ». 

Séverine Le Brun | Professeure des écoles

« Chaque année dans les classes, il y a des élèves timides qui ont du mal à prendre la parole. Ils font un, deux, trois GBG, et quand le GBG est devenu une routine de la classe, je vois émerger des leaders et des médiateurs. Typiquement : D, dans son groupe, les élèves se disputaient pour un bâton de colle, et ils n’avançaient pas dans le travail. Elle disait : « Maintenant, c’est ton tour, et après ce sera ton tour, et après c’est moi qui colle. On avance sur le travail » On voit des élèves qui se révèlent dans le jeu, […] et des enseignants qui sont surpris ».

Raphaëlle Dubois | Addictions France 

 

Les enfants sont décrits comme prenant plus de responsabilités, produisant de l’entraide. Ils apprennent à se mettre d’accord. Le travail de groupe en GBG favorise des conditions de travail propices aux apprentissages sociaux et académiques, permettant aux élèves de progresser dans l’argumentation de leurs choix et dans la concertation avec leurs pairs. C’est l’enseignement explicite des comportements sociaux qui permet aux élèves de mieux comprendre les attentes des adultes. S. Le Brun précise qu’elle a observé des élèves « expliquer quelque chose en maths qui me semblait ahurissant, mais l’enfant comprenait, alors que moi me pensant très explicite, il n’arrivait pas à comprendre. Parfois, entre enfants, ils arrivent à mieux expliquer qu’un adulte, à se comprendre ».  Ainsi, la mise en œuvre du GBG facilite le tutorat.

Concernant l’enseignante :

Pour Mme Le Brun, son implication dans GBG a eu plusieurs effets :

  • L’observation active des comportements durant les séances à des conséquences variées : meilleures visions des difficultés, travail ciblé sur ce qui n’est pas compris, analyse des comportements plus que du rendu scolaire,
  • Si le programme demande beaucoup de temps à mettre en œuvre, l’investissement est récupéré par une moindre gestion des conflits (dans et en dehors de la classe),  
  • Formatrice de futurs enseignants, elle véhicule à ses pairs certaines notions : la posture de l’enseignant, la valorisation positive à mettre en œuvre, l’incitation à travailler en équipe.

Ce programme l’a vraiment aidée, le GBG lui a permis d’organiser des sessions de travail de groupe qui se déroulaient dans de meilleures conditions pour les élèves comme pour elle-même, d’organiser des travaux de groupe de façon plus fréquente ce qui a eu un impact sur sa pratique d’enseignante. C’est quelque chose qu’elle met en œuvre quotidiennement aujourd’hui. C’est devenu un outil de travail en complément d’autres outils. Elle admet ne plus avoir de problème de conflit. Enfin,le programme et sa démarche lui ont permis d’établir un langage commun avec les enfants. Il lui suffit de dire qu’ils sont dans une démarche GBG pour qu’ils comprennent comment ils doivent travailler.

Du point de vue des acteurs d’Addictions France

Les programmes probants peuvent faire peur aux partenaires du fait de leur complexité. Il peut être nécessaire de passer par d’autres étapes (formation, accompagnement sur d’autre type de projet). R. Dubois souligne que la progression des enfants indique assez clairement si l’enseignant pratique entre deux séances de coaching. Un des axes de travail est souvent la capacité de ces derniers à être explicite dans leurs consignes. Inscrits dans cette démarche, certains se révèlent dans cet entrainement à l’explicitation.

Facteurs facilitants

Qu’ils soient internes ou externes au projet, de même qu’au niveau du promoteur de mise en œuvre et de son environnement, les contributrices identifient différents facteurs favorisant son déploiement.

Des éléments environnementaux externes à Addictions FranceDes ancrages au niveau d’Addictions France
– Le rapport Reynaud (2014)[9] met en avant la nécessité de travailler sur les CPS pour développer les facteurs de protection, caractéristiques et conditions permettant aux jeunes de mieux faire face à des situations à risque
– Une ARS désireuse de s’impliquer dans la dynamique des programmes probants (implantation et déploiement) proposant des financements ad hoc
– Choix des départements cibles et des écoles en cohérence avec des éléments identifiés par l’ARS : zones prioritaires REP+, territoires ayant de mauvais indicateurs de santé Une politique de prévention en Normandie organisée en Pôle (PPCA : Pôle de prévention compétent en addictologie), piloté par l’ARS – appui Promo santé Normandie (IREPS)[10]
– Des enseignants en REP+[11] très sollicités pour être formés. De fait, les écoles ont l’habitude de s’organiser pour les remplacements nécessaires à ces absences pour formation
– Au niveau national : une orientation stratégique de l’association avec une personne dédiée à cette mission
– Une dynamique locale en matière de déploiement, notamment pour travailler le parcours de santé de l’élève en matière de prévention des addictions
– Des travaux préliminaires sur le territoire sur la question des aspects probants des projets, sur la démarche qualité en prévention, entrainant une culture commune au sein de l’équipe
– L’arrivée de nouveaux types de professionnels dans la structure, issus de masters en promotion de la santé, d’ingénierie de projet, pour renforcer les compétences disponibles au regard des exigences des programmes probants
– Une culture de la modalité d’intervention par CPS (pour ne pas avoir une approche centrée uniquement sur le produit)
Des facteurs facilitants la mise en œuvre, externes à Addictions FranceDes facteurs facilitants la mise en œuvre, internes à Addictions France
– La mobilisation des écoles et des équipes pédagogiques. Elles peuvent avoir identifié certaines difficultés, essayé d’y répondre, être en recherche de nouvelles stratégies
– Inscription de la formation des professionnels dans le cadre du plan académique de formation
– Objet de discussion et d’échange entre les membres de l’équipe éducative (projet d’équipe)
– La relation privilégiée entre l’enseignant et le coach (pas de retour à l’équipe – confidentialité)
– La posture de valorisation des coachs vis-à-vis des enseignants (non jugeant sur leur pratique pédagogique) – Ils ne sont pas là pour prendre la place des enseignants mais pour les aider dans leur choix et leurs stratégies au regard de la pratique du GBG
– Le choix d’une école avec une équipe soudée qui a la volonté de conduire un projet collectif
– Le modèle participatif et progressif de la formation est soutenant. Les enseignants explorent le programme de la même manière que les enfants vont le vivre  
– Plusieurs régions impliquées, une chargée de projet nationale permettant un partage d’expérience
– Intégration dans la demande de financement de la formation des professionnels (tout niveau : coordination ou professionnels dédiés à mettre en œuvre)
– La présence des antennes d’Addictions France sur un territoire régional permettant de garder la proximité avec les acteurs locaux, les écoles et les académies
– Des critères d’inclusion des écoles : zones accumulant des facteurs de vulnérabilité, qu’elles soient REP+ ou rurales, diagnostic issu de leur connaissance du terrain, le volontariat des équipes et leur évaluation d’être en capacité de mettre le programme en œuvre
– Accord avec l’ARS et l’EN concernant les sites d’intervention
– Les coachs forment les enseignants qu’ils vont accompagner, ce qui facilite l’adhésion. Ils interviennent en binôme dans une école pour éviter d’être isolés mais aussi partager leurs constats. Ils n’ont pas de mission exclusive sur GBG (1/3 tiers de leur temps). Ils sont dotés d’outils : manuel d’implantation, grille d’auto-analyse. C’est l’intégration de la pratique du GBG qui est analysée. Il n’y a pas de remise en cause de la pédagogie mise en place par l’enseignant.

Difficultés rencontrées 

Malgré des effets positifs dus à la qualité du projet, des acteurs le mettant en œuvre et d’éléments environnementaux favorables, un certain nombre de difficultés est tout de même souligné. 

Concernant le déploiement des projets probants :

La particularité, selon les contributrices, c’est que le programme soit mis en place par les enseignants eux-mêmes (sans intervention d’un tiers) auprès des élèves : « Avec GBG, les gestes professionnels permettent le renforcement des CPS et font partie intégrante de la pratique pédagogique » Cela peut demander beaucoup plus d’implication à l’équipe que pour d’autres programmes. C’est une démarche qui peut impacter à moyen et long terme les pratiques des professionnels.

La durée de vie des appels à projet (AAP) finançant ce type de projet est limitée. Il y a un risque financier notamment en matière de pérennisation.  A Addictions France, la stratégie a été de ne pas financer à 100% les postes sur cette mission. 

Une des limites reste la suivante : quand tous les programmes probants auront été explorés, considérant que les AAP classiques ne financent jamais la partie évaluative (ce qui permettrait de maintenir l’aspect probant du projet sur le long terme, d’en développer de nouveaux), que sera-t-il possible de faire ensuite ?

Concernant les relations avec l’Education Nationale

C. Bossé souligne que « quand bien même les programmes probants sont vraiment intégrés dans les rapports de l’Education Nationale comme des programmes validés, reconnus internationalement, ce fut plutôt difficile d’implanter les PP au sein de l’EN la première année. Depuis la première implantation, le contexte est devenu favorable ». Les refus furent nombreux la première année. Certains enseignants peuvent être inquiets du temps d’investissement nécessaire, de la charge de travail, de la notion d’observation dans sa pratique par un tiers (difficile pour certains enseignants d’avoir quelqu’un dans sa classe, démarche qui n’est pas dans leurs habitudes). « Après trois années, nous avons une liste d’attente des écoles ayant une communauté éducative partante pour le développement du GBG. Le plaidoyer et l’engagement de l’association a porté ses fruits. »

Les enjeux de déploiement des PP semblent insuffisamment connus mais également assez peu communiqués au sein de l’institution. Les professionnels d’Addictions France soulignent que beaucoup d’enseignants ne connaissent pas le terme CPS quand bien même ils le pratiquent quotidiennement. Un plaidoyer existe mais il est peu communiqué et peu connu par les professionnels de l’Education Nationale.

De plus, S. Le Brun souligne que les contextes d’annonce ne sont pas toujours favorables à un bon accueil par les équipes, que ce soit sur la forme (annonce en juin avant les vacances scolaires) ou le fond : « ça nous est tombé dessus un peu comme ça. On a été choisis en école pilote au départ, mais c’est une demande très forte de la rectrice. Et quand il y a une demande très forte du haut, il faut que ça se fasse. Donc on a été désigné volontaire d’office ».

Les processus de mise en œuvre de l’action peuvent également être un vrai parcours du combattant. C. Bossé explique qu’elle avait statué sur une implantation au sein de son territoire en 4 mois. Celle-ci en a durée 8. Il y a deux versants dans la mise en œuvre de GBG : le versant santé (qui relève des infirmières conseillères techniques) et pédagogique : « On doit demander en fait à chaque fois des accords à l’ensemble des professionnels de l’EN et ça prend beaucoup de temps ». Cela peut grandement complexifier le processus.

Des adaptabilités en contexte 

Du point de vue du coach GBG

Selon R. Dubois, la mise en place du programme GBG au sein des établissements scolaires est facilitée :

  • Par l’implication des IEN, des coordinateurs d’éducation prioritaire, des conseillers pédagogiques et dans le cadre d’une dynamique partenariale de territoire
  • Par l’adhésion des enseignants au programme à la suite d’une présentation du projet par les coachs à l’ensemble de l’équipe pédagogique en amont du lancement
  • Par un portage du programme par l’ensemble des enseignants d’une même école
  • Par une équipe pédagogique à la recherche d’outils pour améliorer le climat scolaire et/ou qui souhaite travailler la question des CPS.

« Les premières implantations ont été les plus complexes. Aujourd’hui, la maitrise du programme, une meilleure interconnaissance des partenaires, ainsi que l’expérience acquise par l’ensemble des acteurs, permettent des implantations favorables pour la pérennisation du programme. La rencontre avec les enseignants est une étape clé, on ne peut pas faire sans. Au-delà de leur présenter le programme, l’objectif est de répondre à leurs questions et de lever les potentiels freins à la mise en place du programme. Après cette présentation on leur demande de nous faire une réponse collective sur la mise en place du projet ». 

Raphaëlle Dubois | Addictions Fr. Normandie

En tant que coach GBG, R. Dubois explique qu’avant sa toute première séance, elle est venue passer plus de temps que celui imparti, pour vraiment s’immerger dans une classe, voir les enfants au « naturel » (hors GBG), mieux connaitre le métier d’enseignant, ses méthodes de travail, comprendre l’organisation d’une journée, afin de mieux accompagner les enseignants sur le programme.

Du point de vue de l’enseignante coachée

Après 1 an de coaching, S. Le Brun dit avoir gardé l’essence de la démarche, notamment le principe de valorisation des élèves.

Elle a pu aussi adapter des outils pour que les enfants s’approprient plus facilement la démarche.

S. Le Brun n’a pas réalisé beaucoup de jeux secrets pendant l’année d’accompagnement et n’en fait plus aujourd’hui. D’une part parce que cela ne l’intéressait pas pédagogiquement, d’autre part parce que les enfants lui faisaient remarquer qu’ils avaient compris qu’ils faisaient l’objet d’une observation sans que cela soit explicitement dit à l’oral.

« Les niveaux de voix, on les avait simulés en classe, on avait pris des photos pour que ça soit un marqueur pour eux, que ça soit facile de se repérer. Niveau de voix zéro, un, deux. Que ça ait du sens pour eux. Pour des petits, si on met de l’image, il faut qu’elle leur parle. L’image on l’a construite ensemble. Il y avait des images proposées par GBG, mais nous on les a refaites, on les a construites ensemble. C’est de l’éducation morale et civique. C’est vraiment construire ensemble les règles de la classe, les outils de la classe, pour vivre ensemble toute l’année. Tout simplement. Et du coup l’appropriation elle se fait. Les enfants ont besoin d’avoir des outils qu’ils ont construits, qu’ils ont réfléchis avec l’enseignant. Même si c’était déjà construit, mais on les rend acteurs là-dedans ». 

Séverine Le Brun | Professeure des écoles

L’enseignante précise qu’elle s’est mise en posture d’observation dans d’autres moments de la vie de l’école, comme dans les déplacements des enfants dans les couloirs. L’idée étant de pouvoir porter une attention différente sur les enfants.

Concernant les « jeux secrets », le terme a été changé, les enseignants avaient du mal à s’approprier ce terme et la pratique associée. On parle aujourd’hui d’« observations secrètes », l’objectif est de réaliser un diagnostic en dehors des temps du jeu pour évaluer la progression des enfants en ce qui concerne la généralisation des comportements attendus en dehors du jeu, pendant le temps scolaire classique.

Bilan

De nombreuses difficultés liées au contexte épidémique ont été rencontrées par l’équipe d’Addictions France, comme l’impossibilité de venir temporairement en classe analyser la pratique du GBG. Les vulnérabilités repérées en temps normal (isolement des enfants) pouvant avoir des impacts sur leur comportement (postures conflictuelles) ont été majorées avec la situation COVID.

Selon les contributrices d’Addictions France, il faut porter attention à différents points :  la durée d’implantation, les profils des coachs à recruter, le fait que les intervenants d’Addictions France aient une bonne connaissance de l’organisation de l’Education Nationale (5). C. Bossé souligne qu’il y a un changement de curseur à opérer : « Nous sommes des acteurs de promotion de la santé, nous allons aller vers des interlocuteurs de la santé pour pouvoir présenter notre projet. Mais un PP impacte aussi la pédagogie, il impacte les établissements, et la santé ce n’est pas la portée d’entrée à prendre avec l’EN. La thématique prioritaire, c’est la pédagogie. C’est de l’intérêt du programme au bénéfice de la pédagogie et de l’élève dont il est question ».  

Enfin, les facteurs de réussite diffèrent selon la place de l’interviewée :  

Pour l’enseignante, cela lui a appris à « beaucoup plus valoriser, notamment les bons comportements, à ne plus être dans la négation, développer mon observation ». Cela a permisde recréer du lien entre les équipes enseignantes, remobiliser et redonner du sens à la pratique. « On lutte contre le harcèlement, le repli sur soi, on évite aux enfants de se liguer les uns contre les autres ». Cela doit permettre de sortir « la tête du guidon », requestionner les méthodes et les pratiques.

Pour la coach : « s’appliquer à soi-même les valeurs du GBG : voir les points positifs, ce sur quoi on a envie de progresser, prendre du recul, donner du sens, exprimer ses émotions, avoir le sentiment d’être utile. C’est valable pour les enfants, les enseignants et les coachs ». Il s’agit ici véritablement d’être au côté des enseignants. « Avec le programme GBG, les bénéfices sont visibles et concrets pour tous les acteurs ».

Le GRVS www.grvs06.org détient l’expertise du GBG en France. L’Association Addictions France a conventionné pour déployer le programme sur le plan national le programme au sein de plusieurs régions

Tous les acteurs qui souhaitent déployer le programme GBG doivent préalablement contacter les structures qui accompagne le déploiement. ACCUEIL@addictions-france.org

[1] « Savoir résoudre des problèmes, communiquer efficacement, avoir conscience de soi et des autres, savoir réguler ses émotions : telles sont quelques-unes des compétences psychosociales (CPS) des personnes. Depuis trente ans, de nombreux programmes de prévention s’appuyant sur leur développement ont été mis en œuvre à travers le monde. Elles sont reconnues comme un déterminant clé de la santé et du bien-être, sur lequel il est possible d’intervenir efficacement. Ce type d’intervention est déployé de manière relativement récente en France » : https://www.santepubliquefrance.fr/docs/les-competences-psychosociales-definition-et-etat-des-connaissances

[2] https://www.santepubliquefrance.fr/docs/programme-good-behavior-game-gbg-ou-le-jeu-du-comportement-adapte

[3] The Good Behavior Game and the Future of Prevention and Treatment – PMC (nih.gov)

[4] https://addictions-france.org/actualites/en-2021-lanpaa-devient-association-addictions-france-2193/

[5] Les projets de la structure sont financés pour une partie par un Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens – CPOM et pour une autre part dans le cadre d’appels à projets pour les projets probants : GBG, TABADO, Unplugged.

[6] https://grvs06.org/good-behavior-game-gbg/

[7] https://addictions-france.org/actualites/good-behavior-game-gbg-en-normandie-2441/

[8] https://www.dailymotion.com/video/x5skcbo

[9] Laure Reynaud, Développer les compétences psychosociales : https://www.youtube.com/watch?v=0NzhZcVzI5s

[10]https://www.oscarsante.org/normandie/action/detail/42868?filtres%5Bintitule%5D%5Bop%5D=AND&filtres%5Bintitule%5D%5Bq%5D%5B%5D=PPCA&libre=&from=0&size=20&types%5B%5D=etp&types%5B%5D=sante&types%5B%5D=travail&modeResultats=tableau&sortArray%5B%5D=pole+de+prevention+competent+en+addictologie+(ppca)+%3A+structuration%2C+coordination+et+mise+en+oeuvre+des+actions+de+prevention+des+pratiques+addictives+sur+le+territoire+du+pays+d%27auge.&sortArray%5B%5D=2018&sortArray%5B%5D=action%2342868

[11] https://www.education.gouv.fr/l-education-prioritaire-3140