Transcription textuelle de la vidéo : Portail CAPS – Présentation de la démarche CAPS par Christine Ferron

Christine Ferron (Déléguée Générale de la Fnes)

Ce que je vais vous présenter en deux temps c’est le contexte national autour de la capitalisation des expériences en promotion de la santé et les enjeux et puis également rapidement vous présenter la démarche. C’est bien une présentation que j’ai préparée avec Benjamin ici présent. Alors pour ce qui concerne le contexte national et les enjeux je voudrais simplement déjà commencer par rappeler que la capitalisation de l’expérience elle s’inscrit bien dans la reconnaissance de l’expertise expérientiel. Une reconnaissance c’est important de le rappeler qui ne va pas de soi et n’est jamais allée de soi, qui s’inscrit en rupture avec une longue histoire de domination du modèle biomédical dans le secteur de la santé et dans le monde politique c’est à dire la recherche clinique et ses modèles l’évidence based medicine (la médecine fondée sur les preuves), le rapport traditionnel médecin patient etc. Nous avons vécu en France un tournant dans les années 80. L’épidémie de sida les revendications des patients constitués en association progressivement avec une valorisation croissante de l’expertise patients et des revendications de ces patients de ces associations en termes de transparence de toutes les informations de participation à la formation et à la recherche à des fins d’accès au droit et de plaidoyer politique, médiatique, communautaire, professionnel. Des besoins, des demandes, des attentes des patients de respect de reconnaissance de participation de transparence de partenariat qui entraient en contradiction avec la domination de l’expertise scientifique sur l’ expertise de la population et celle des professionnels de terrain. D’où la nécessité de donner toute sa place à l’expertise expérientiel des acteurs et de la population. Il ne faut pas se le cacher ça fait partie des enjeux. Il existe des enjeux de pouvoir autour de la hiérarchie des connaissances qui est établie.

Rosanvallon écrivait en 2021 « La connaissance est traversée par un conflit. Elle est devenue un terrain essentiel de la lutte sociale entre puissants est faible entre gouvernants et assujettis ». Autrement dit, celui qui a le pouvoir de dire ce qui est probant et ce qui ne l’est pas a le pouvoir sur les acteurs et sur les actions. Dans le champ de la promotion de la santé nous avons vu depuis quelques années la mise en avant des données probantes issus de la recherche forcément limitée à des milieux des populations des thèmes qui se prêtent particulièrement bien à des évaluations scientifiques sur le modèle expérimental. Le problème de ce fonctionnement c’est lorsque ces données probantes issus de la recherche deviennent le cadre de financement unique pour les institutions et notamment pour les agences régionales de santé, alors qu’on sait très bien que depuis longtemps « the absence of evidence is not the evidence of an absence ». Tant il est vrai que de nombreuses actions menées sur le terrain pourraient être qualifiées de probantes ou prometteuse mais faute d’évaluation ou de publications scientifiques ne sont pas reconnues comme telles. Cela nous renvoie à l’iceberg des données probante diffusées par l’agence de développement de la santé au Royaume-Uni. Cet iceberg qui illustre très bien le fait que finalement les données probantes issues de la recherche et des évaluations publiées ne constituent que la partie émergée d’un iceberg, dont la partie la plus importante est composée des données probantes et des enseignements tirés de l’expérience des praticiens et des décideurs activement impliqués dans la mise en place et la réalisation d’actions et de programmes dans leur domaine. La promotion de la santé basée sur les preuves elle va justement se constituer à partir de l’association des connaissances issues de la recherche de l’expérience de la population et des compétences des professionnels dans un contexte politique institutionnel, organisationnel et social spécifiques. Une donnée sera d’autant plus probante en promotion de la santé qu’elle s’appuiera sur l’ensemble de ses ressources et la capitalisation de l’expérience en promotion de la santé elle se situe précisément à l’intersection entre ces trois types de connaissances. Alors une définition générale de la capitalisation dans une perspective de promotion de la santé, ‘est « Transformer le savoir issu de l’expérience en connaissance partageable ». C’est le valoriser au même niveau que le savoir issu de la recherche et en complémentarité avec lui. La démarche de capitalisation mobilise la communauté, renforce les compétences individuelles et collectives, contribue au changement social et s’inscrit dans une perspective de valorisation de l’ensemble des acteurs et à ce titre elle s’inscrit bien sûr dans une perspective de promotion de la santé. Alors la démarche de capitalisation des expériences donc ça a été rappelée donc je vais passer rapidement sur cette diapo. Elle s’inscrit bien dans l’initiative Inspire-ID structurée autour de plusieurs axes que je ne rappellerai pas ici. Sauf à rappeler simplement que l’un des axes est consacré justement au développement de la recherche interventionnelle piloté par l’institut de recherche pour la santé publique et que la formation qui était initialement un troisième axe est aujourd’hui transversale aux deux précédentes et piloté par l’école des hautes études en santé publique.

Alors le dispositif de coordination de la démarche de capitalisation des expériences je vous le présente ici sous la forme d’un schéma qui présente la coordination du dispositif réalisé dans le cadre d’un co-pilotage SFSP / Fnes, en lien avec les nombreux partenaires de la démarche CAPS et les instances parties prenantes qui sont pour la plupart présentes dans le cadre de ce webinaire. Donc, un co-pilotage qui consiste également à animer, coordonner les activités du groupe de travail national capitalisation qui, lui-même, anime et coordonne des travaux menés dans le cadre de trois groupes : le comité éditorial du portail, un groupe centré sur les questions de formation et de déploiement de la formation à la capitalisation et un groupe valorisation de la capitalisation.

Ce dispositif national a produit de nombreuses réalisations : un guide méthodologique et un cahier pratique. Le portail, qui fait l’objet du présent webinaire. Un module de formation initiale et continue des capitalisations thématiques et la création, la mise en place d’une communauté de pratique, en partenariat avec l’EHESP. La capitalisation elle répond à la question du comment faire elle a pour vocation de décrire finement les contextes les modalités d’élaboration des projets et leurs objectifs les publics etc. Elle a pour vocation de décrire également les savoirs des acteurs et auteurs des programmes qu’ils soient professionnels, publics etc. Les savoirs issus des activités menées, les stratégies déployées à partir d’un recueil de données très détaillé, mené auprès des acteurs et d’une analyse de celui-ci. Il peut ainsi s’agir de professionnels spécialisés en promotion de la santé mais aussi de professionnels d’autres champs dont les interventions seront ainsi analysées. Les autres champs peuvent être le champ du sanitaire ou du soin le champ social, le secteur éducatif ou médico-social celui du développement durable de l’éducation populaire etc. Le principe de base c’est que les acteurs sont bien au centre de la démarche et que la capitalisation s’appuie sur leurs récits, leurs expériences et aussi sur l’objectivation de leurs pratiques et sur l’observation de ce qu’elles produisent.

La capitalisation des expériences a des finalités diverses et complémentaires. Une finalité pédagogique pour les porteurs de projets capitalisés. C’est un temps réflexif sur leur pratique. C’est un moment d’auto-formation il y a aussi une finalité informative pour tous les acteurs de la santé avec le partage de connaissances sur les projets les stratégies dont il est utile de tirer des enseignements. Une finalité stratégique et politique pour donner à voir la déclinaison pratique des politiques nationales et locales de santé et pour éclairer les possibles évolutions nécessaires à ces politiques publiques. Et enfin une finalité scientifique avec la production d’un corpus de données potentiellement utiles à la recherche et la contribution possible à des démarches de recherche. C’est une méthode en cinq grandes étapes : la première étant évidemment le cadrage de la démarche entre l’accompagnateur en capitalisation et le porteur du projet qui va faire l’objet de la capitalisation ; un recueil d’informations ; une analyse des données recueillies puis la rédaction et la validation d’une fiche de capitalisation et la diffusion des fiches dans le cadre du portail. Je ne vais pas passer beaucoup de temps sur cette fiche de capitalisation puisqu’elle vous sera à nouveau présentée dans le cadre de la présentation du portail que va faire Benjamin. Des projets de capitalisation sont en cours. Ce sont des projets thématiques portés actuellement par la SFSP sur différents thèmes : prévention tabac, dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus réduction des risques liés à l’alcool, parcours des personnes en situation de précarité face au cancer. De nombreuses autres démarches sont portées par les membres du groupe de travail caps et notamment ceux du réseau de la Fnes.

À partir de ces nombreuses démarches sont construites des analyses transversales qui mettent en évidence les grands enseignements, les points communs, les éventuels points de discussion mis en perspective avec les données scientifiques sur les sujets concernés. La capitalisation des expériences vise à la construction d’une politique nationale de promotion de la santé par la prise en compte d’expérience portant sur les publics, les stratégies, les contextes locaux et par une montée en généralité, en s’intéressant aux modalités de mise en œuvre des actions hors des protocoles expérimentaux, en se positionnant en complémentarité des données issues de la recherche. La capitalisation prend tout son sens au croisement de la politique de la recherche et de l’action de terrain.

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