Réduction des Risques autour des consommations d’alcool en CHRS

L’Equipe Mobile Addiction Précarité (EMAP), anciennement équipe mobile d’addictologie, est rattachée au CSAPA du Griffon (ARIA-OPPELIA). Elle est composée d’une équipe pluriprofessionnelle : médecin, psychologue(s) et infirmière. Ces professionnels interviennent auprès de CHRS de la région lyonnaise et sont mobilisés pour accompagner ces structures sur toute problématique liée au champ des addictions.
L’EMAP intervient notamment pour accompagner la mise place de dispositifs de réduction des risques liés à l’alcool dans ces structures. Ceux-ci peuvent suivre différents scénarios et inclure : la proposition d’accompagnements individuels des résidents par l’EMAP, l’accompagnement des structures à la mise en place d’une cogestion de la consommation d’alcool avec les résidents, ou l’accompagnement des structures à la mise en place de l’autorisation de consommer dans les structures. Dans le cadre de leurs interventions, ils proposent également la formation et la sensibilisation des professionnels des structures.

28/11/2022

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Richen Xavier
Médecin addictologue

Rifaud Claudie
Infirmière

Thomas Maxence
Psychologue clinicien
mthomas@oppelia.fr

Présentation de l’intervention

Présentation de la structure

Le Centre de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA du GRIFFON) de l’association ARIA, propose des accompagnements pour toutes les addictions. Ses missions principales sont l’accueil, le partage d’informations, l’évaluation médicale, psychologique et socio-éducative, l’orientation, la prise en charge et la réduction des risques. Dans le cadre de ses missions, le CSAPA du GRIFFON pilote depuis 2010 un dispositif d’équipe mobile en addictologie. Ce dispositif était animé par une équipe de trois professionnels : un médecin addictologue, une infirmière et un psychologue. L’équipe est depuis 2021 composée d’une quatrième personne, psychologue également, et se nomme désormais EMAP : Equipe Mobile Addiction Précarité.

Contexte

A la fin des années 2000, dans le cadre de réunions et d’échanges informels, les professionnels (responsables, travailleurs sociaux, éducateurs spécialisées, psychologues, infirmiers) de plusieurs centres de soins (CSAPA, Centres Hospitaliers Universitaires) et centres d’hébergement, notamment des Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS), ont partagé avec le CSAPA du GRIFFON rencontrer des difficultés importantes face aux problématiques d’addictions à l’alcool : violences, résidents blessés, abandons de suivis et de sevrage ou encore pertes de logement. Face à ces constats, le CSAPA du GRIFFON, fort de son expérience en alcoologie, a créé l’équipe mobile en addictologie (EMAP) pour proposer des accompagnements adaptés aux professionnels des structures et aux usagers.

Objectifs

Le premier objectif de l’unité mobile en addictologie est de proposer des dispositifs de rencontre puis de soins pour toutes conduites addictives (toxicomanie, jeux d’argent, tabac) et donc, notamment pour l’alcool.

Son second objectif est d’amener la notion de soin sans abstinence. En d’autres mots, il s’agit de proposer aux personnes et aux professionnels des stratégies d’accompagnement autre que le sevrage, en faisant avec les consommations d’alcool. Cela intègre la sécurisation des personnes, résidents des CHRS, vis-à-vis de leurs consommations d’alcool.

Calendrier

Principaux acteurs et partenaires

Principaux éléments saillants

Elaboration du projet

En septembre 2010, les professionnels et responsables des CHRS de Lyon en ont été informés de la création de l’équipe mobile en addictologie et de ses missions. Il leur était proposé de solliciter l’EMAP s’ils étaient confrontés à des difficultés liées à des problématiques addictives, dont notamment liées à la consommation d’alcool : violence, vie en communauté menacée, blessures, arrêts de suivis addictologiques, reventes de médicaments (en particulier de traitements de substitution), absences d’usagers répétées, etc. Ces différentes difficultés avaient été identifiées en amont par les professionnels de CHRS, partenaires du CSAPA du GRIFFON. L’objectif initial de l’EMAP était de proposer une combinaison d’accompagnements des structures et des résidents, dans une approche médico-psycho-sociale incluant des accompagnements psychologiques (consultations) qui devait permettre un arrêt des consommations et/ou des nuisances liées. Lors des premières interventions de l’EMA, il s’est rapidement avéré que cela ne fonctionnait pas : la majorité des personnes ne parvenaient pas à réduire ou diminuer leurs consommations.

Basculement

La première structure à avoir fait appel à l’EMAP est La Chardonnière[1]. Ce CHRS, situé en milieu rural, accueille des consommateurs d’alcool, isolés et en situation de grande précarité. Alors que la consommation d’alcool était interdite au sein de La Chardonnière, des usagers parcouraient plusieurs kilomètres pour s’acheter de l’alcool et le consommer sur le trajet. En revenant ivres au centre, il était fréquent qu’ils se blessent, se battent et prennent des risques sur la route. Afin de réduire ces dommages, les professionnels de La Chardonnière ont autorisé la consommation d’alcool dans une salle du centre. Ils ont alors sollicité l’EMAP en novembre 2010 pour les accompagner dans le cadre de cette expérimentation d’autorisation de consommation d’alcool.

« C’est pour ça que c’est un basculement. On s’est dit : Mais en fait, si ! On peut soigner des personnes qui ont un problème avec l’alcool, avec de l’alcool ! Ce n’est pas paradoxal. C’est-à-dire qu’on peut les aider autrement. Il était clair qu’en proposant à des personnes un sevrage, on les déséquilibrait complètement, et somatiquement et psychiquement. Du coup, on les mettait, probablement, plus en danger que si on essayait de travailler autrement.« 

Maxence Thomas, psychologue clinicien

A la suite de cette expérience, l’EMAP et les professionnels de La Chardonnière ont constaté l’amélioration de la situation au centre et des usagers (diminution des dommages, amélioration des suivis, diminution des états d’ivresse). L’EMAP a alors changé de stratégie afin d’accompagner la mise en place de cogestions d’alcool avec les résidents. L’accompagnement des résidents se fait désormais avec la consommation d’alcool et non à sa place.

Les accompagnements proposés par l’équipe mobile du Griffon

L’EMAP recueille lors de premiers temps d’échanges avec les professionnels et les responsables d’une structure intéressée les principales difficultés constatées par les professionnels et propose différents types d’accompagnements possibles. Il y a trois scénarios types :

  • Scénario 1 : l’EMAP propose des accompagnements individuels au sein d’une structure dont le fonctionnement reste inchangé.
  • Scénario 2 : l’EMAP accompagne la structure dans l’autorisation de la consommation d’alcool au sein de la structure de façon supervisée : la cogestion, et y propose des accompagnements individuels.
  • Scénario 3 : l’EMAP accompagne la structure dans la mise en place de l’autorisation de la consommation d’alcool sans dispositif de supervision supplémentaire.

Premier scénario : le fonctionnement de la structure reste inchangé.

Dans ce cas, la structure ne modifie pas son règlement et ne crée pas de dispositif de cogestion. L’EMAP intervient comme elle avait prévu de le faire initialement, en proposant des accompagnements individuels auprès des résidents et en sensibilisant les professionnels des CHRS concernés. Des discussions avec les résidents, les professionnels et les directions sont alors réalisées afin d’identifier les accompagnements qu’ils souhaitent mettre en place : entretiens individuels et collectifs, médiation thérapeutique (activités artistiques), consultations psychologiques et médicales. Des réunions d’informations, de sensibilisations et des formations sur les problématiques addictives sont proposées aux professionnels. L’EMAP participent également aux réunions cliniques afin de conseiller les professionnels. D’autres stratégies sont proposées : groupes de parole, petits-déjeuners, théâtre, sorties à l’extérieur, repas ou fêtes.

Deuxième scénario : La structure décide de mettre en place une cogestion de l’alcool avec les usagers.

Dans ce deuxième scénario, l’EMAP accompagne les professionnels de la structure afin de mettre en place un dispositif où la consommation d’alcool est autorisée au sein de la structure, mais de façon supervisée : la cogestion. C’est le scénario qui tend à se développer le plus. En plus des accompagnements proposés dans le cadre du premier scénario, des rencontres sont organisées avec les professionnels et les usagers pour déterminer le type de cogestion d’alcool qu’ils souhaitent mettre en œuvre. Lorsque les modalités d’une cogestion sont discutées, il est fréquent que des résidents s’y opposent, craignant que ce dispositif favorise une consommation importante d’alcool et nuise alors à la vie en communauté au CHRS. L’EMAP déconstruit ces craintes en informant que dans les structures où des cogestions ont été réalisées, il est rare que des incidents surviennent à cause de consommations excessives d’alcool. En effet, l’EMAP a constaté que la cogestion ne perturbe pas les objectifs des personnes qui souhaitent réduire leurs consommations, être abstinentes, ou stabiliser leurs consommations.

Des modalités de cogestion variant suivant les CHRS et les espaces disponibles.

Certaines structures proposent une salle avec un bar, ouvert trois ou quatre fois par jour à des heures fixes durant lesquelles les résidents peuvent venir consommer leur alcool. D’autres CHRS préfèrent mettre en place des suivis de consommation individualisés. Dans ce cas, la personne achète et stocke la quantité hebdomadaire ou mensuelle d’alcool qu’elle consomme et la confie aux travailleurs sociaux qui lui distribueront deux à trois fois par jour, selon le protocole établi. Cette modalité demandant une gestion importante, elle est principalement choisie par des structures ayant peu de résidents qui souhaitent cogérer leurs consommations.

Pour définir les modalités de la cogestion, les usagers vont s’entretenir avec les professionnels de l’EMA afin de définir la quantité d’alcool qu’elles consomment quotidiennement, ainsi que leurs objectifs vis-à-vis de leurs consommations. S’appuyant sur ces éléments, un contrat de gestion accompagnée des consommations d’alcool, comprenant une aide pour réguler les consommations, est proposé au résident. Il s’agit de mettre en place un cadre sécurisé de consommations. Cela signifie, par exemple, d’éviter que les résidents soient dans des conditions qui favorisent de possibles surconsommations : seul avec leurs consommations, hors du centre et avec de grandes quantités à disposition. Ainsi l’alcool n’est pas en libre-service mais distribué. C’est le résident qui définit la quantité d’alcool dont il a besoin. La quantité d’alcool donnée quotidiennement équivaut à la quantité nécessaire à la personne pour qu’elle soit en « zone de confort », c’est-à-dire dans un état ou elle n’est ni en état de manque, ni d’ivresse. La cogestion peut également s’appliquer aux traitements de substitution. Dans ce cas-là, les médicaments sont conservés dans le coffre des infirmiers, qui les distribuent à intervalles réguliers, selon les prescriptions. 

Troisième scénario : La consommation d’alcool est autorisée à l’intérieur du centre, sans cogestion, mais avec régulation.

Dans ce scénario, la structure met en place de nouvelles règles qui permettent aux résidents de consommer de l’alcool lorsqu’ils le souhaitent. Les lieux où il est possible de consommer sont définis par l’équipe et les résidents. Il s’agit le plus souvent des chambres des résidents et des lieux de vie en collectivité (cuisines, salon), mais pas tout le CHRS.

Pour les structures qui choisissent les deuxième ou troisième scénarios, les objectifs principaux sont la réduction des risques et des dommages liés à la consommation d’alcool ainsi que la promotion des échanges autour de la consommation d’alcool.

« Le fait que l’alcool ne soit plus interdit, et donc qu’il ne soit plus tabou, dans les institutions, dans les CHRS, permet aux travailleurs sociaux d’apporter la question. Parce que les travailleurs sociaux, ils sont garants du règlement de fonctionnement. Si c’est interdit, l’alcool, pourquoi les résidents iraient parler de l’alcool, de leur consommation, avec les travailleurs sociaux ? »

Xavier Richen, médecin addictologue

LA RDRA en pratique

Les grands principes des interventions de l’EMA

Lorsque l’EMAP intervient au sein d’une structure, plusieurs principes sont au cœur de son intervention :

  • L’accueil inconditionnel et non-contraignant aux entretiens, aux réunions en groupe, aux consultations.
  • Les accompagnements au sujet de l’alcool se font avec la poursuite des consommations et visent en priorité à diminuer les dommages (violences, blessures pour soi et pour autrui) vécus par les personnes.
  • La personne est au centre du dispositif. C’est elle qui définit les modalités de son accompagnement : la quantité d’alcool dont elle a besoin quotidiennement, les problèmes qu’elles souhaitent résoudre en priorité, le type de consultations qu’elle souhait suivre. En effet, pour l’EMAP ce sont les résidents qui connaissent le mieux, de par leurs expériences, les effets, positifs et négatifs, du produit sur leur quotidien.

Les accompagnements proposés par l’EMAP : les accompagnements individuels

Les accompagnements proposés aux résidents par les professionnels de l’EMAP visent à les aider à mieux gérer leur consommation d’alcool sur le temps long. Il s’agit pour l’EMAP de mettre en place un travail de réflexion avec les personnes accompagnées et de définir un cadre sécurisé de consommation, coconstruit avec les professionnels des CHRS.

Des rendez-vous formels et informels sont proposés aux résidents des structures. Dans le cas des rendez-vous formels, des permanences sont mises en place, avec ou sans rendez-vous dans la structure concernée. Les résidents sont informés des horaires et peuvent s’inscrire ou se rendre au bureau lorsqu’ils le souhaitent. En ce qui concerne les rendez-vous informels, les professionnels de l’EMAP profitent de leurs déplacements pour des rendez-vous et permanences pour déambuler dans les structures. Les résidents peuvent ainsi évoquer avec eux leurs problèmes et urgences. De même, à la fin des groupes de parole, l’EMAP reste disponible. Lorsque des résidents ne se présentent pas au rendez-vous, les professionnels de l’EMAP circulent dans les structures. Cela permet aux résidents encore hésitants de les aborder lorsqu’ils se sentent prêts.

« C’est vraiment le maître mot : être abordables. Si c’est le psychologue, en général, [les résidents] ont très peur, parce que ce sont des gens qui connaissent les psychologues depuis qu’ils sont tout petits. Mais quand ils voient que c’est quelqu’un d’abordable, qui n’est pas derrière un bureau, qui peut discuter d’un match de foot, de n’importe quoi, ils viennent parler plus facilement, avec beaucoup moins d’appréhension. »

Claudie Rifaud, infirmière

Durant les entretiens, les professionnels de l’EMAP n’évoquent pas directement la question des addictions, sauf si la personne la souhaite. Dans un premier temps, il s’agit de recréer du lien avec les personnes et de discuter des sujets qui importent à ces dernières. Les entretiens peuvent alors porter sur de nombreux sujets, qu’ils soient sociaux, familiaux, médicaux, ou psychologiques. En partant des priorités partagées par les personnes accompagnées, les professionnels tissent avec elles un lien de confiance et favorisent ainsi leur liberté de parole.

Lorsque les personnes se sentent prêtes et le souhaitent, l’EMAP les orientent vers des structures de prises en charge telles que les CMP ou les CSAPA. Pour l’EMA, un temps important est souvent nécessaire pour que les personnes soient orientées vers ces structures. En effet, l’EMAP a constaté que les situations d’échec étant très dommageable pour le suivi et la confiance en soi des personnes accompagnées, il est très important que l’orientation se fassent dès lors que la personne est en capacité d’en assumer les contraintes (respect des horaires, patienter en salle d’attente, gestion du stress).

Les accompagnements pour les professionnels et responsables des CHRS

La transformation du fonctionnement de la structure vise à mettre à disposition des résidents un espace sécurisé de gestion des consommations.Cela implique une modification des règlements intérieurs ainsi que la sensibilisation et formation des professionnels sur les conduites addictives.

Pour ce faire, des réunions préparatoires et de suivis sont organisées avec les équipes des structures. Il s’agit d’accompagner les équipes dans l’évolution de leurs pratiques et de leur transmettre les principes de la RDRA. L’EMAP se rend disponible autant que possible (par mail, SMS, téléphone, à travers des échanges informels) pour répondre à leurs questionnements relatifs à l’autorisation de consommation d’alcool. Ces temps permettent également de tisser des liens avec les équipes, facilitant le l’accompagnement du projet et le suivi des résidents.

Les formations et sensibilisations en addictologie réalisées par l’EMAP permettent aux travailleurs sociaux et aux éducateurs spécialisés des structures d’aborder la problématique de l’addiction avec les résidents. En effet, quand l’alcool ne pouvait pas être consommé au sein de la structure, le sevrage ou une orientation vers un CSAPA étaient les principaux outils à leur disposition. L’intervention de l’EMAP leur permet d’apporter des nouvelles réponses aux difficultés relatives aux consommations d’alcool (trouver la zone de confort de l’usager, accompagner la personne en lui permettant de consommer de l’alcool, évoquer les principaux risques et dommages prioritaires, proposer des suivis par le médecin addictologue ou par le psychologue de l’EMA).

Pour sa part, le personnel soignant des structures assure aussi la gestion des traitements prescrits par le médecin addictologue de l’EMA. En effet, lorsque la personne le demande, ou lorsque le médecin l’estime utile, la prescription des traitements peut être encadrée par un infirmier.

Groupe Ressources Addiction Précarité (GRAP) : la création d’un réseau

A la suite des accompagnements, des travailleurs sociaux de CHRS ont fait part à l’EMAP de leur souhait d’échanger sur leurs difficultés et expériences. Ils souhaitaient s’informer des différentes modalités de mise en œuvre de cogestion, apprendre des expériences de chacun, et construire un espace de réflexion collective. Pour répondre à ces demandes, l’EMAP a créé le GRAP en 2019. Si le groupe était composé uniquement de travailleurs sociaux à ses débuts, d’autres professionnels les ont rapidement rejoints (psychologues, infirmiers, éducateurs spécialisés). Le groupe se réunit toutes les 6 semaines dans un des CHRS accompagnés. Cela permet : de visiter chaque structure, de connaitre les intervenants, les différents fonctionnements et organisations spatiales. De plus, mieux connaitre les spécificités et organisations des différentes structures permet aux professionnels d’orienter les personnes hébergées vers la structure au fonctionnement qui leur conviendra le mieux.

Afin de nourrir les échanges, il est demandé à deux professionnels intéressés par la problématique des addictions de chaque structure de participer aux réunions. Si les responsables des structures n’étaient pas présents lors des premières réunions, ils ont rapidement souhaité participer. Pour l’EMA, cette implication des directions favorise l’adoption des dispositifs de cogestion par les directions. Ces réunions ont permis de faire émerger des problématiques et de réfléchir à des solutions communes.

Ainsi, les professionnels présents ont partagé à plusieurs reprises le souhait d’apporter des nouvelles réponses aux souhaits des résidents de diminuer leurs consommations de tabac. Le GRAP a permis d’impulser la création d’un partenariat entre les CHRS et l’association La Vape Au Cœur. Cette association informe les résidents sur l’utilisation les cigarettes électroniques comme outil de réduction de la consommation de tabac. Dans ce cadre, l’association distribue gratuitement des cigarettes électroniques aux résidents qui le souhaite, conseille sur les produits à utiliser et propose des interventions de sensibilisation et d’information dans les structures.

Principaux enseignements

Résultats observés

Sur les 7 CHRS accompagnés à date (2021), deux structures mettent en place des cogestions d’alcool de manière régulière. Deux centres le font de manière ponctuelle, en fonction des résidents qui en expriment le besoin. Trois CHRS ont, quant à eux, décider de bénéficier d’accompagnements individuels de l’EMA, tout en maintenant l’interdiction de consommation d’alcool au sein des établissements.

Afin d’évaluer leur action l’EMAP a listé plusieurs indicateurs : nombre de structures impliquées ; nombres de professionnels concernés ; nombre de personnels formés ; questionnaires d’évaluation en fin de formation ; nombre de résidents concernés ; taux de passages aux urgences, de traumatismes, de fin de prise en charge en CHRS, de perdus de vue, de personnes ramenées par la police/gendarmerie, de décès. Cependant le temps disponible des professionnels de l’EMAP et des partenaires ne permet pas de collecter suffisamment de données pour produire une évaluation complète du dispositif. L’EMAP s’est rapprochée d’équipes de recherche pour envisager une évaluation plus approfondie de son impact.

L’EMAP a pu observer que :

  • Le nombre de demandes de formations et de réunions d’échange augmente.
  • Dans plusieurs CHRS, l’implication des directions au sein des réunions de travail a permis de mettre en place des cogestions d’alcool.
  • A la suite des formations, des réunions d’échanges d’information et des réunions cliniques, les équipes accompagnées se sentent plus outillées et en confiance pour travailler les problématiques d’addiction.
  • Le fait d’intervenir dans différentes structures d’un même territoire permet de suivre des personnes qui ont résidé dans plusieurs CHRS.
  • Le nombre de résidents souhaitant être orienté vers un sevrage est très faible.
  • Les consommations des résidents accompagnés se sont lissées et sont mieux réparties dans le temps.
  • La situation de plusieurs résidents s’est améliorée : orientation vers un CSAPA, obtention d’un logement, diminution des dommages subis.

Freins et leviers

Les leviers et conditions de réussite des interventions

  • L’architecture des lieux a toute son importance. La disponibilité de lieux dédiés, de salles pour des entretiens, d’espaces de confidentialité, facilite l’organisation des rendez-vous et l’émergence de discussions informelles.
  • La confiance et la multiplication des liens entre les professionnels des structures et de l’EMAP permettent à l’équipe d’avoir une place au sein des structures et d’être mieux intégrée aux réflexions des équipes. Par ailleurs, la transmission d’informations sur la situation et les orientations des patients entre l’EMAP et les professionnels (travailleurs sociaux, éducateurs, psychologues, infirmiers) des structures permet un meilleur suivi des personnes. La présence d’une médecin au sein de l’EMAP permet également de garantir le secret médical des résidents.
  • La régularité des passages au sein des structures, même pour un temps court, permet de préserver le lien avec les résidents, de les rassurer et de montrer la disponibilité de l’équipe. L’objectif est de prévenir de possibles ruptures, les résidents des CHRS ayant souvent déjà vécu des ruptures multiples dans leurs parcours de vie. L’EMAP veille à être présente dans chaque structure au moins une fois toutes les 6 semaines, pour du temps de rencontre avec les résidents (temps clinique).
  • La capacité à s’adapter et à aller voir les personnes « là où elles sont » est fondamentale pour proposer des accompagnements adaptés à des personnes en très grande précarité. Dans le même temps, pour le médecin addictologue de l’EMA, « cette disponibilité et cette souplesse » impliquent de consacrer un temps important aux déplacements, parfois pour des personnes qui ne seront pas présentes. La capacité de l’équipe à gérer ces déceptions et à accepter ces situations permet d’accompagner ceux qui sont les plus en difficulté, et demande « beaucoup de flexibilité et d’envie de pratiquer autrement. »

La tenue d’un colloque, en invitant les responsables des établissements, afin d’expliquer les principes et les dispositifs proposés par l’EMAP a grandement participé à promouvoir la démarche. Lors de cette rencontre, un juriste est intervenu au sujet de l’illégalité de l’interdiction au sujet de l’alcool dans les règlements de fonctionnement des CHRS. Il a ainsi pu rassurer les responsables des structures sur les démarches de cogestion et d’autorisation de consommer de l’alcool en CHRS

Freins limitant l’impact de l’EMA

  • La réticence et le peu de temps que les directions peuvent consacrer à l’élaboration d’une cogestion peuvent empêcher ou ralentir sa mise en place.
  • Les professionnels de l’EMAP n’ont pas le temps de construire et de réaliser une évaluation du dispositif.
  • Le remplacement fréquent des professionnels au sein des structures accompagnées oblige l’EMAP à consacrer un temps important à la formation et à la sensibilisation de nouveaux professionnels.

[1] https://www.fndsa.org/centres/la-chardonniere-chrs.html