Pulsio Santé

Pulsio santé est une application développée par Stimulab dans le cadre d’une recherche action. L’application destinée aux jeunes permet d’autoévaluer leurs risques en fonction de leurs consommation de substances psychoactives et d’obtenir une orientation adaptée et personnalisée. Elle facilite les liens d’échanges entre professionnels et jeunes en cas de besoin de prise en charge et d’interventions brèves. La capitalisation illustre les pratiques de développement de l’application en collaboration avec des jeunes mais identifie des pistes de recommandations pour l’implantation de l’application dans de nouveaux contextes.

Présentation de la structure

Stimulab est une start-up créé en 2014 dont la « la mission « est d’aider les personnes concernées à mieux connaître leurs facteurs de risque – ou même leur maladie – et à adapter leurs habitudes afin d’améliorer leurs comportements santé, leur qualité de vie et de réduire les risques de complications. En relais des recommandations d’un professionnel de santé (médecin traitant, oncologue, diabétologue, médecin du travail,) Stimulab propose un soutien humain à distance par des éducateurs formés, des informations et des conseils personnalisés, une plateforme intuitive sur ordinateur et mobile, adaptés à la situation et aux besoins de chacun. Les patients partagent aussi le vécu d’autres patients et de professionnels de santé » [1]

Présentation de l’intervention

Le programme « Pulsio Santé » structuré autour du développement et de l’appropriation d’une application de prévention des conduites addictives a été pensé et conçu par une recherche-action en direction du public jeune. Ce public étant le plus réceptif aux nouvelles technologies.

Celle-ci s’intègre à la fois dans le volet des addictions, et dans l’utilisation de nouvelles technologies. L’application proposée permet aux jeunes (public ici ciblé par le programme) leur permet de graduer leurs risques liés à la consommation de tabac et de leur proposer une orientation vers un professionnel pour adopter selon leur échelle de risque des solutions adaptées (intervention brève,  ….). C’est un triptyque : repérage (par les jeunes eux-mêmes), orientation et prise en charge qui est ici en action.

« Stimulab propose une auto-évaluation, prise de conscience et, derrière, on ne veut pas s’arrêter à l’information. Nous, on estime qu’on n’a pas réussi le parcours si on a juste informé. Ensuite, l’idée, c’est : mise en action. Comme je disais, cependant, de manière graduée. Donc, ça peut aller, en fonction du risque : de l’intervention brève à une proposition plus spécialisée. »

Cet élément s’inscrit dans les recommandations de Santé Publique France sur l’articulation entre le repérage et une ou plusieurs propositions d’orientation vers un service spécialisé quant aux addictions.

Objectifs

Faciliter le repérage précoce des conduites addictives au substances psychoactives dont le tabac par des intervenants de premières lignes dans les Universités Nantaises et dans les services de santé au travail inter-entreprises en Pays de la Loire.

Principaux acteurs et partenaires

Principaux éléments saillants

Point de départ/ émergence de l’action

Le point de départ relève de plusieurs paramètres.

Le constat était fait – par le service addictions du CHU de Nantes, ainsi que par de nombreuses études scientifiques – que certaines personnes touchées par les addictions (notamment le Tabac) venaient très ou trop tardivement en consultation. Ce non-recours aux ressources de santé peut provenir soit d’un manque de connaissance de leur problématique, soit par manque de connaissance des structures.

Ainsi, se posait la question du « parcours » de la personne qui dans le domaine des addictions pouvaient être « chaotiques » dans son suivi. L’utilisation du numérique constituait une piste à explorer pour soutenir et aider l’usager dans sa démarche, en l’inscrivant par le biais d’une application à la fois dans la connaissance de son risque, mais aussi en lui proposant une orientation vers un professionnel. L’idée étant à la fois de le rendre autonome et acteur et de renforcer le lien avec une ressource locale (en l’occurrence un professionnel).

Le souhait de réaliser cette recherche-action sur le territoire Nantais résulte de l’implantation d’un membre de Stimulab sur celui-ci ; de la présence du Professeur Vénisse au Chu de Nantes (service addictologie) qui a pu permettre le lien avec différents partenaires (Service de Santé Université de Nantes, Service de Santé au travail, Csapa)

Outre ce terreau favorable pour expérimenter l’outil et le programme, l’ARS a soutenu la démarche par un apport financier en lien avec l’appel à projet Fond Tabac et ce sur une durée de deux ans et demi.

Principaux enseignements

L’élaboration de l’action

Celle-ci s’ancre dans une philosophie générale :

« Notre but, finalement quand on a voulu créer Pulsio Santé a été de dire : comment aujourd’hui, nous pouvons grâce à nos outils numériques, venir enrichir un lien humain qui existe entre des professionnels et des usagers. Non pas en remplacement, mais plutôt en complément…Il y a tout l’entre-deux. C’est ce fossé là que l’on veut remplir…avec des outils qui vont venir aider, soit à évaluer, soit à accompagner, soit aider à la décision, le jeune mais aussi le professionnel ».

Ainsi, il faut bien ici considérer Pulsio santé, au travers d’une application numérique, comme un programme du « lien » et d’aide à la décision et à la rencontre. De même, l’autre élément clef dans la réalisation de l’action est de le présenter auprès des professionnels comme étant un outil qui ne vise pas à changer leur pratique, mais bien ancré dans leur pratique quotidienne.

« On a voulu et on continue de vouloir, plutôt s’intégrer dans des pratiques existantes en essayant de les enrichir, plutôt que de dire vous allez faire quelque chose de nouveau ».

Ce sont ces différentes postures initiales qui ont structuré l’organisation générale du programme.

Le premier temps de réalisation de l’action a consisté à l’élaboration de l’application[2]. Celle-ci s’est faite en relation avec des jeunes et ce dans un processus continu. Tout d’abord, une trentaine de jeunes, à partir de réseaux divers, ont été invités à travailler, critiquer, amender et questionner l’outil afin de l’adapter aux réalités de ce public. À la suite de ce travail, l’outil a été mis en service avec les partenaires pour une phase test. L’objectif était de mesurer le degré de réception des jeunes quant à l’utilisation. La troisième étape a été la réalisation de focus-group de jeunes tant sur le volet application qu’orientation.

De la même façon, la singularité du programme, outre ce volet participation est de cerner pour chaque jeune, le degré de risque, l’orienter vers un professionnel et lui proposer une échelle graduée de « solutions » à sa problématique. Ainsi, la rencontre entre le professionnel et le jeune se fait sur la base des résultats des test, chacun ayant connaissance au préalable de ces derniers. De fait, il existe un « gain de temps » dans la prise en compte de la problématique tabac, s’ancrant aussi dans les dynamiques de la jeunesse, en recherche d’immédiateté.

Les stratégies développées

Les stratégies développées s’inscrivent tant dans le développement de l’outil (conception, graduation des risques, orientation et rencontre avec les professionnels) que dans les partenariats que nous avons évoqués précédemment.

Pour garantir la diffusion du dispositif, deux comités ont aussi été mis en place : un comité éthique/scientifique, regroupant une vingtaine de personnes (scientifiques, professionnels) se réunissant deux fois par an. Ce comité avait pour but de garantir la scientificité du projet, répondre à certains questionnements notamment dans la mise en œuvre. La non-implication directe dans le programme permettait à ce comité d’être un « lieu-tiers ». Un comité de pilotage fut aussi créé regroupant l’ensemble des parties prenantes (SUMPS, Service de santé au travail, …) et se réunissant une fois environ tous les trimestres, pour appréhender la démarche, et opérationnaliser celle-ci.

Les stratégies de déploiement de l’outil peuvent varier selon les contextes d’implantation.

Ainsi dans le cadre du milieu universitaire, où il existe un flux continu d’étudiants, le service de santé universitaire a multiplié les « points de contacts » avec les étudiants pour leur proposer l’outil.

  • Lors de l’envoi de la convocation pour la visite médicale, ajout d’une phrase sur la création d’un nouvel outil d’auto-évaluation des risques tabagiques.
  • Lors d’évènements (par exemple rencontre avec les étudiants en médecine en septembre 2019) ou de stands de prévention, permettant l’inclusion dans le dispositif d’auto-évaluation.
  • Par la sensibilisation des Etudiants Relais Santé
  • Une piste en cours de réflexion concerne le Service Sanitaire.

Dans le cadre du milieu de la santé au travail et des apprentis, le process est légèrement différent car il existe un caractère obligatoire à la visite médicale. De fait, c’est lors de celle-ci que l’outil d’auto-évaluation est proposé.

Dans les deux contextes d’implantation, la présentation de l’outil s’inclue dans les pratiques des professionnels sans charge supplémentaire de temps de travail. Elle permet en outre de s’inclure dans une démarche de santé publique.

Si l’auto-évaluation constitue une première phase, la question de l’orientation et de la rencontre avec les professionnels reste aussi un élément déterminant dans la réussite du projet. D’une façon générale, certains blocages sont intervenus de la part des professionnels, de peur de l’afflux de demande de rencontre par les jeunes. Si cette situation pouvait bousculer leur représentation de la jeunesse sur leur « faible appétence » à une prise en charge, celle-ci pouvait constituer un frein au développement du programme.

De fait, plusieurs stratégies ont été mises en œuvre pour contourner cette difficulté et renforcer l’écosystème du projet.

  • Si le professionnel de santé, ayant notamment inclus le jeune dans le dispositif reste le référent de la personne, il est informé du suivi de la personne par une autre structure et/ou professionnel. De fait, le professionnel de santé passe dès lors dans un rôle de coordination avec d’autres professionnels.
  • La seconde stratégie est aussi de permettre d’autres formes de « rencontres ». Par exemple, les infirmières du service de santé étudiant, peuvent proposer aussi des téléconsultations.
  • La troisième a été d’inclure un autre partenaire, le CSAPA, pour mieux faire connaître les différentes ressources sur les territoires à ces différents professionnels qui pour certains en ont une connaissance limitée.

III – ÉVALUATION

Méthode d’évaluation

La méthode d’évaluation repose sur deux critères, l’utilisation de l’appli (connaissance de leur degré de risque, orientation vers des professionnels) mais bien aussi la question de la rencontre avec et chez les professionnels.

La mise en œuvre du programme a permis de toucher beaucoup de jeunes et de partenaires dans un laps de temps très court. C’est un outil performant avec un prisme large de public.

Chaque acteur du programme devient « ambassadeur » et « relais » de celui-ci. Cette dynamique constitue à la fois un indicateur de pérennisation de l’outil, de son ancrage dans le contexte local et dans les pratiques.

Ainsi, 80 % des jeunes à risque ont accepté le partage des résultats de leur auto-évaluation au professionnel qui les a inclus. Pour ces jeunes, il y a donc une volonté de « partage » de leur problématique et l’outil permet de maintenir le lien avec les personnes, en leur proposant une rencontre avec un professionnel.

Ce point montre l’articulation nécessaire entre application/information et rencontre.

« Ce n’est pas que les jeunes ne savent pas ou ne veulent pas prendre en compte leur risque et trouver des solutions, ce qui importe est le lien qui peut être mis en place et c’est ce dernier qui est important, donc ici la rencontre. De fait, la question est : comment pouvez-vous mettre des ressources pour aider ceux qui en ont besoin ? ».

L’un des axes qu’il convient à ce jour de mieux évaluer mais nécessitant des enquêtes complémentaires est celui des jeunes qui ne se rendent pas au rendez-vous ou qui quittent la démarche en cours. Ainsi, quels sont les éléments et évènements de contexte qui pèsent sur ces jeunes et qui entravent ce recours aux professionnels ? D’une certaine façon, cette question met en perspective la nécessité de s’intéresser aux publics « invisibles », aux moyens de les toucher, de les accompagner ? Nous rejoignons ici les interrogations de politique publique autour du « non-recours », aux questions des trajectoires et parcours qui pour les jeunes ne sont plus linéaires mais empreint d’incertitudes, mais aussi aux questions d’inégalités sociales.

Les principaux résultats

Ceux-ci s’appuient sur le déroulé du programme :

  • La nécessaire participation des jeunes à l’élaboration de l’outil. Cet aspect rejoint aussi les dynamiques sur la participation comme processus et non comme moyen dans le champ de la promotion de la santé.
  • Le fait que les jeunes et ce même à risque accru ont le souhait d’échanger et de créer des communautés de partage avec autrui.
  • Le fait que ce programme permet de toucher de nombreux publics (jeunes, professionnels) dans un laps de temps assez court.
  • Chaque parti prenante du programme est en position d’acteurs et d’auteurs de l’action.
  • L’importance de travailler sur la question du « lien » personnel entre jeune et professionnel. Ainsi, il est montré que si l’information est importante dans le champ de la prévention, celle-ci ne suffit pas, il est nécessaire d’entreprendre et de créer des temps de rencontre entre jeune et professionnel.
  • Dans le domaine de la prise en charge du parcours des personnes, l’outil par sa conception permet l’orientation et la rencontre avec les professionnels. Ce dernier point permet un « gain de temps » pour aborder la problématique et la recherche de solutions, les personnes (professionnel et jeune) savent pourquoi elles sont là et mettent en place des solutions adaptées, sans passer par la phase de « conscientisation » de la problématique tabac.
  • S’insérer dans les pratiques des professionnels et non vouloir y apporter un changement radical ou une charge supplémentaire.

Reproductibilité du programme

Le programme est reproductible en prenant en compte les paramètres évoqués précédemment. Il est nécessaire de bien appréhender les questions de contextes locaux (présence de professionnels, leurs connaissances des structures existantes,). De même, il est essentiel de ne pas sous-estimer la charge de coordination en direction des professionnels. De fait la création d’alliance entre porteur de projet et des personnes ayant un leadership tant dans le domaine des addictions et/par la connaissance du public jeune s’avère nécessaire. Le programme peut aussi être – au regard de l’expérimentation menée – portée conjointement par Pulsio santé et un acteur local. Cet aspect permet de s’inscrire dans une dynamique Bottom-up.


[1] Site web https://stimulab.fr/

[2] Les questions posées quant à la perception du risque tabagique étaient tirées à la fois d’études internationales et de l’expérience pratique acquise lors des consultations addictions à Nantes.