PRIMAVERA : Programme d’éducation préventive en milieu scolaire

Oppelia est une structure associative nationale regroupant différents établissements spécialisés dans les soins et la prévention en addictologie. Elle est à l’initiative et déploie depuis 2015 un programme intitulé PRIMAVERA dont l’objet est de favoriser la prévention des conduites à risques et addictives auprès des enfants et des collégiens dans un suivi sur 4 ans entre le CM1 et la 5éme. Le programme aborde les questions de tabac, d’alcool, d’écran et plus largement ce qui touche à la question des prises de risques. Il met l’accent sur le développement des compétences psycho-sociales. Il a fait l’objet d’une étude randomisée démontrant son efficacité. Au-delà des résultats intrinsèques auprès des publics destinataires de l’action, les acteurs de l’addictologie interviewés soulignent certains points. Ils rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre de leur programme, notamment en lien avec l’Education Nationale (approches éducatives différenciées, problématique de planification…). Ils mettent en avant que sa mise en œuvre a autant d’effets positifs sur leurs propres pratiques d’intervention que celles des enseignants qui s’y impliquent.

21/07/2022

Defrance Corinne
Coordinatrice de programmes Oppelia - IPT
c.defrance@oppelia.fr

Sédano Isabelle
Directrice Oppelia - CSAPA Horizon 02
isedano@oppelia.fr

Claire Crausaz
Educatrice spécialisée Oppelia Passerelle 39
ccrausaz@oppelia.fr

Roméro Yohann
Educateur spécialisé Oppelia Passerelle 39
yromero@OPPELIA.FR

Présentation de l’intervention

Contexte

Les programmes interventionnels dit probants ou prometteurs de prévention [1] sont de plus en plus mobilisés par des acteurs de la prévention et de la promotion de la santé souhaitant s’appuyer sur les données probantes pour enrichir leurs pratiques. Le Projet PRIMAVERA en fait partie [2]. Il s’agit d’un programme interventionnel de prévention des conduites à risques et addictives, élaboré par des professionnels du champ de la prévention, à partir de leurs expériences de mise en œuvre de projets en milieu scolaire. Il contribue à la promotion d’un environnement favorable, en prévention des conduites addictives, en développant notamment les compétences psycho-sociales (CPS)[1] des enfants et adolescents. 

Oppelia, une structure nationale[2] 

L’Association Oppelia est née en 2007. Elle est issue du regroupement d’associations gestionnaires de petits établissements de services spécialisés dans les soins et la prévention en addictologie. Dans une logique de mutualisation des moyens, de partage d’expertises mais aussi pour renforcer leur positionnement dans le champ des politiques publiques liées à la gestion des addictions, ces organisations, bien implantées localement et à l’identité forte, se sont unies car elles souffraient de cette fragmentation sur le territoire. Oppelia est constituée aujourd’hui de 19 structures réparties sur autant de départements. Elle a pour objet d’apporter une aide aux personnes (et leur entourage) rencontrant des difficultés (psychologique, sociale, médico-sociale, sanitaire) liées à l’usage de substances psychotropes.

A l’origine du projet : différentes sources d’inspiration  

  • Il existait en France l’ARPAE (Association de Recherche de Promotion et d’Approche Expérientielle) pendant français de l’AQGE : Association Québécoise de Gestion Expérientielle) qui a commencé avant les années 2000 à infuser ce type d’approches. La rencontre avec le Président André Therrien de l’AQGE a été déterminante. Il développait au Québec le projet PRISME s’adressant aux collégiens qui, sur chaque année du collège, visait le développement des CPS, la compréhension du mécanisme des addictions et les risques liés à certaines pratiques. Isabelle Sédano a pu se former à cette approche (2004) et l’a développée dans le département de l’Aisne.
  • Dans ce même département, la mise en place d’une action de ce type auprès d’enfants plus jeunes a permis la création et le déploiement d’un programme intitulé « A vos marques, prêts ? Santé ! » pour les CM1/CM2. L’association « Santé des enfants, santé des adolescents dans la Somme », mise en place par des infirmières scolaires a développé des actions sur des thématiques similaires (basées sur un programme Québécois GymSAT : « Gymnastique sensibilisation aux toxicomanies »). A la Réunion, PRISME s’est développé et a adapté son modèle pour favoriser la liaison école-collège.
  • Actions originellement sectorisées (maternelle, primaire, collège), l’objet de PRIMAVERA a été de retravailler cet ensemble pour faire un programme permettant de suivre les enfants de 9 à 12 ans sur deux niveaux d’établissements. En effet, le changement d’établissement est identifié par les promoteurs de l’action comme une situation de potentielles nouvelles prises de risques. C’est dans cet élan que le projet actuel s’inscrit. Ce sont donc plusieurs programmes qui ont été fondus en un outil unique. 

PRIMAVERA : Résumé du programme

PRIMAVERA : Son déploiement  

Toute structure souhaitant le déploiement du programme sur son territoire va contacter les référentes nationales ou la Fédération Addiction. Ce temps permet d’expliciter en quoi il consiste, les pré-requis pour s’y impliquer, les partenaires nécessaires à solliciter. Une journée de présentation peut être mise en place auprès de différents professionnels des organisations, pouvant engendrer l’organisation d’une formation. A l’échelon local, une fois formés, les acteurs doivent identifier un collège de secteur et les écoles attenantes. Une fois identifiés, une formation a lieu au niveau des enseignants, dans l’objectif de développer un langage commun sur les conduites à risques et addictives, connaitre cette thématique et son environnement de prise en charge, se mettre dans l’esprit du programme, la posture, les valeurs, s’approprier les outils. Dans l’idée d’un transfert de compétence vers les enseignants qui doivent à terme animer seuls les séances, des temps de préparation de ces dernières et de débriefing à leur issue sont inscrits dans le processus de mise en œuvre, principes auxquels les promoteurs/trices de PRIMAVERA ne dérogent pas. Les acteurs d’Oppelia restent dans un rôle de supervision et de soutien dans le cadre du développement du projet sur ces 4 années.

Exemple de déploiement : Oppelia – Passerelle 39  

La structure, implantée dans le Jura, est composée d’un CSAPA, d’un CAARUD et d’une Consultation Jeunes Consommateurs (CJC). Les acteurs impliqués sur le développement de PRIMAVERA font partie de l’équipe dédiée à la CJC. Passerelle 39 est missionnée pour porter l’ingénierie du programme au niveau de la région Bourgogne-France-Comté. Elle met en place deux formations par an dans la région (une à destination des enseignants co-animateurs, l’autre à destination des professionnels des CSAPA/CJC souhaitant mettre en œuvre le programme), des supervisions d’accompagnement et anime les comités de pilotage régionaux.

Après le développement du programme auprès d’un collège de secteur et ses écoles attenantes en 2017, le projet s’est étendu à deux autres secteurs et trois autres collèges de référence sur l’année suivante. Pour ce faire, l’équipe s’est étoffée (4 professionnels aujourd’hui) avec le soutien financier de l’Agence Régionale de Santé souhaitant le déploiement du projet sur le territoire. Dans une logique d’appel à projet, Passerelle 39 a également commencé, parallèlement, à développer d’autres programmes probants.

Elle arrive cette année à la fin du suivi d’une de ces premières cohortes pour PRIMAVERA.

PRIMAVERA : les séances avec les enfants

C’est l’approche expérientielle (inspiré de KOLB[3]) qui sert de guide au promoteur de ce programme dans le cadre de son développement. L’activité auprès des enfants se déploie autour de 4 grandes étapes :

« La méthode pédagogique expérientielle consiste à faire jouer les enfants, parce que le fait que ce soit ludique implique davantage dans la séance, c’est attractif. Ils peuvent être mis en compétition, mais la plupart du temps c’est coopératif. Ils vivent une expérience, avec un support qui est plutôt ludique… Un plateau de jeu, une activité physique. On va avoir un support de jeux dans lesquels ils investissent leur corps. On n’est pas forcément dans la réflexion, mais on peut aussi l’être, parce qu’il va falloir argumenter les propos, il va falloir dire ce qu’on pense à un moment donné, individuellement ou collectivement. C’est la première étape.

La seconde étape : le binôme (l’enseignant et le chargé de prévention) va questionner les enfants : « Racontez-moi, qu’est-ce que vous avez compris ? Qu’est-ce qui s’est passé ? C’était facile ? difficile ? Est-ce que vous avez réussi, ou pas ? ».

La troisième étape, c’est la généralisation : « Qu’est-ce qu’on peut en retirer de tout ça ? Est-ce que vous avez déjà vécu des choses similaires ? Qu’est-ce qui se passe quand on fait cela dans la vie ? »

La quatrième et dernière étape, c’est : « On a vu que par exemple dans le jeu de bonbons que convaincre c’était quelque chose qui était plus facile quand il fallait en manger plutôt que de convaincre de pas en manger… Que vous aviez réussi à mettre en place des techniques durant le jeu… ». On fait une synthèse, et puis on se dit : « Comment on peut réinvestir les choses dans la vraie vie ? » 

Corinne Defrance | Oppelia – KAIROS & IPT

Ces quatre étapes sont le fil rouge de cette méthode pédagogique expérientielle, quels que soient les jeux, les outils, les supports. Elle va permettre aux animateurs de faire en sorte que les enfants s’impliquent et puissent réinvestir des choses qu’ils ont apprises. Selon les promotrices du programme, ils le réinvestissent parce que c’est une récurrence, ils apprennent à réfléchir de la sorte. A chaque séance, il y a un retour sur les précédentes, de la reformulation, de la re-mémorisation. D’année en année, cela facilite l’imprégnation, la compréhension. « Le plaisir d’avoir appris d’une certaine manière fait qu’on mémorise mieux les choses – qu’ils anticipent les situations dans lesquelles ils vont se retrouver ».

Les animateurs se doivent cependant d’être garant du respect, de l’écoute et du non jugement entre les enfants. Les supports de jeu permettent un « paravent ». Selon Mme Defrance, cela permet de dire ce que l’on pense de ce qui se passe émotionnellement chez soi sans pour autant livrer ses émotions. La parole devient alors support de travail. Et c’est à travers cette parole que la notion de risque de manière générale va être questionnée. Cela aide les enfants à comprendre comment on se positionne, comment on travaille l’affirmation de soi et le savoir dire « non », la conscientisation du choix qui est fait et des risques potentiels. Selon les contributrices, l’importance est qu’ils sachent autant pourquoi ils disent oui que pourquoi ils disent non, comment on fait des choix, des choix seuls, des choix en fonction de telles ou telles données.

Tout cela est soutenu par une approche positive, ce qui n’est pas souvent le cas, selon les contributrices, à l’école où l’on est le plus souvent jugé, où les défauts sont majoritairement plus soulignés que les qualités. Par exemple, un exercice permet à l’enseignant d’énoncer devant la classe les qualités d’un élève. L’enfant peut alors se sentir considéré autrement que par des notes ou sur la base de son comportement.

Principaux enseignements

Résultats observés

Le programme a fait l’objet dans l’Aisne d’une étude randomisée par l’INSERM et l’OFDT pour en évaluer la pertinence[4] et a été reconnu comme efficace[5]. Amélioration du climat de classe, meilleure compréhension des enfants entre eux, meilleure acceptation de la différence sont des effets constatés. Les intervenants de Passerelle 39 identifient dans les groupes d’enfants accompagnés l’émergence d’une confiance en soi et le développement d’une relation à l’autre plus empathique. Les interviews montrent différents effets sur les promoteurs le mettant en œuvre.

Les effets sur les promoteurs de PRIMAVERA

Un des effets majeurs pour les acteurs d’Oppelia est aujourd’hui de penser leurs actions en mode « programme ». Qu’ils soient sollicités par un établissement face à l’émergence d’un produit qui inquiète[6] ou pour tout type de sollicitations provenant de l’Education Nationale (EN), leur idée reste de structurer un programme de prévention sur la durée. Les acteurs disent que cette variété apporte du « relief » à l’ensemble de leur pratique : plus de programmes entraine plus d’expérience en termes de stratégies, d’acquisition de compétences, renforce leur boite à outils, leurs options de travail, inspire à la création.  

« Ces programmes probants, ça vient nous inspirer en CJC. Toutes les actions ne sont pas dissociées. Il y a tout le temps des liens. Quand je suis en consultation, le fait d’avoir développé des programmes ou d’avoir fait des ateliers, je vais apprendre beaucoup de ce que les jeunes, les partenaires peuvent nous dire. En suivant des jeunes pendant un certain temps, on apprend beaucoup et ensuite on peut le restituer, même en consultation en individuel. Et vice versa. Toute l’expérience qui est vécue aussi dans les entretiens, on va pouvoir s’en servir pendant les ateliers ».

Yohann Roméro | Oppelia – Passerelle 39   

Mais cette stratégie d’action par programme nécessite une adaptation et une articulation face aux freins potentiels : impossibilité de former tout le monde ; Spécialisation des fonctions ; Complexité en matière de planification sur le temps scolaire ; Charge de travail augmentée liée à la préparation des interventions…

Les effets perçus au niveau des autres acteurs

Les promoteurs notent l’intérêt d’avoir un objet de travail commun avec leurs partenaires. Une des clés de réussite est d’établir une relation d’équivalence, de réciprocité entre les enseignants qui ont la connaissance du terrain, la manière dont le programme peut s’y déployer et les intervenants PRIMAVERA qui ont la connaissance d’un programme qu’ils ont créé et qu’ils maitrisent. Au niveau des enfants, la récurrence de travail d’une année sur l’autre permet à ces derniers de se souvenir de ce qui est fait, des intervenants, d’influer progressivement sur leurs aptitudes, ancrant la démarche. Les promoteurs perçoivent comme effets au niveau des enseignants que cela leur permet de découvrir leurs élèves autrement (Exemple : des enfants discrets se révèlent plus actifs). Ils sont amenés à réutiliser certains outils dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Ils identifient que les enfants ont besoin de ces temps d’expression libre pour construire leur pensée, trouver une autre place et être acteur de leur apprentissage, favorisant ainsi le développement de leurs CPS, invitant les enseignants à se questionner sur leurs propres CPS. 

Difficultés rencontrées

Les contributrices/teurs énoncent un certain nombre de difficultés sur lesquelles il est complexe d’agir :

« Les heures « PRIMAVERA » peuvent être des heures de cours comme des heures libres. C’est toute une organisation dépendant du positionnement du Principal. Pour certains professeurs, ça sera des heures de cours, sans compensation, pour d’autres des heures complémentaires payées. D’un établissement à l’autre, il peut y avoir (ou pas) une bonification salariale qui soit faite parce qu’il y a cet investissement. Ce n’est pas un détail en soi. On se rend compte que certains professeurs très motivés au départ lâchent au bout de deux-trois ans, parce justement : manque de considération, de prise en compte du travail effectué plus ou moins de manière bénévole ».

Isabelle Sédano | Oppelia – CSAPA Horizon 02

Il peut exister des biais dans les choix d’intervention liés à l’outillage des territoires en matière de diagnostic des populations. Les promotrices/teurs de PRIMAVERA sont souvent plus sollicité.e.s par des quartiers dits sensibles bénéficiant d’une politique de la ville avec des données (Contrats Locaux de Santé ou de Santé Mentale) qui donnent une meilleure mesure de la santé des populations au détriment de secteurs ruraux ou semi-ruraux. Les territoires ne sont d’ailleurs pas dotés de la même manière, ce qui peut influer l’implication et l’appui du rectorat. Pour les Hauts-de-France (l’Aisne), les contributrices font état d’une enquête faite systématiquement par les infirmières à l’entrée au lycée qui a entrainé la motivation du rectorat à se mobiliser sur cette question.

Facteurs facilitants & stratégies de mise en œuvre

Convaincre de l’intérêt de la démarche est donc le challenge principal des acteurs de PRIMAVERA. Ils ont en appui pour cela les résultats de leur recherche. Si la complexité du programme peut questionner, les promoteurs/trices rassurent les enseignants en expliquant les expériences des autres territoires, en valorisant les résultats de la recherche. Au-delà de la formation, ils soulignent qu’ils seront à leurs côtés dans les temps d’animation, sur des réunions en interne des établissements, auprès des parents, qu’ils les aideront à s’approprier les concepts de CPS, qu’il y a de plus un intérêt majeur à suivre des enfants sur plusieurs années. Les acteurs d’Oppelia soulignent qu’ils jouissent d’un climat d’intervention favorable, avec un appui de leur direction mais aussi de leurs Agences Régionales de Santé respectives. En fonction des différents publics et face à certaines difficultés, différentes stratégies sont développées :

Intervenants PRIMAVERAEtablissementsEnseignantsEnfants/Ados
Garder les mêmes interlocuteurs sur plusieurs annéesGarder les mêmes interlocuteurs sur plusieurs annéesGarder les mêmes interlocuteurs sur plusieurs annéesTravailler au rythme d’apprentissage des enfants
Faire du lien avec les CJC pour :

>Favoriser la création d’un environnement favorable

>Créer des passerelles entre les activités de la CJC et les programmes
Mise en place de conventions pour :
>Montrer aux financeurs qu’il y a une base solide d’un travail collaboratif
>Donne de la légitimité 
>Garantit la continuité en cas de changement de principal
Travail préliminaire de rencontre et de présentation du projet avec l’ensemble des parties prenantes (enseignants, infirmières scolaires, parents…)Créer des liens de confiance avec les enfants/adolescents pour permettre à ces derniers d’établir des relations de confiance avec les adultes, parler de leurs préoccupations, voire leurs expérimentations
Au moment de l’implantation du programme :

>Repérage d’un territoire avec un collège ou plusieurs collèges qui sont alimentés par des écoles de secteur

>Aller vers des collèges avec qui ils ont déjà travaillé où la confiance est établie
La proximité avec le rectorat permet de :

>Cibler de manière plus précise des territoires ou la volonté des chefs d’établissements est engagée

>Une volonté du rectorat d’impulser, d’accompagner, de donner des moyens pour pouvoir le faire
Le modèle de la formation :

>Les enseignants expérimentent eux-mêmes les outils qu’il vont mettre en place

>La découverte se fait par une mise en situation puis une analyse décortiquée d’une séance
Montrer dans les établissements aux jeunes qu’ils peuvent être aidés, que les conduites addictives et à risques est un sujet qui peut être abordé en classe dans un cadre approprié, sécurisant

Concernant la place des parents, les écoles ont plus ou moins de résistance à les associer. Selon les contributeurs/trices, c’est le point le plus aléatoire. Sachant à quel point ils jouent un rôle déterminant dans la santé des enfants, des jeunes, dans leurs consommations, leurs expérimentations, les stratégies sont alors d’en parler en conseil d’école, d’inviter les parents à certaines séances, de les solliciter dans le cadre du bilan d’année.

« Une chargée de prévention de mon équipe fait en sorte que certains exercices du livret des enfants soient faits à la maison. Au fur et à mesure des séances, ça prend de plus en plus. A chaque séance elle demande s’ils ont pu le faire avec leurs parents, ce qu’ils en ont dit. S’il n’y a que la moitié des enfants qui l’a fait au début, à la fin de l’année tous les enfants ont fait les exercices avec leurs parents. C’est une manière de les associer »

Corinne Defrance | Oppelia – KAIROS & IPT    Des solutions émergentes de l’expérience

« On n’avait pas la cartographie. C’est quoi l’inspection académique ? Ça s’organise comment ? C’est quoi la place des conseillers pédagogiques ? Des Inspecteurs de l’Education Nationale (IEN) ? Qui fait quoi ? A qui s’adresser ? On n’avait pas le mode d’emploi. Petit à petit, on a mis dans la boucle de plus en plus de monde, mais en partant du bas (des enseignants vers les directions). Nous avons eu un conseiller pédagogique, enseignant, qui est retourné à l’inspection académique : ça a été le maillon qui nous a permis de faire le lien, de débloquer des situations. On a eu un allié. Quelqu’un de terrain qu’on connaissait et qui nous a aidés à nous mettre en lien avec les bons services ». 

Claire Crausaz | Oppelia – Passerelle 39

Dans la mise en œuvre, les éducateurs spécialisés de Passerelle 39 ont exprimé leur difficulté à se situer dans un environnement professionnel qui n’est pas le leur (l’EN), où il est complexe d’y voir clair, de comprendre les rôles et interactions entre acteurs, de savoir à qui se référer si une difficulté est rencontrée (refus d’un enseignant de faire la suite, recherche de remplaçant.e.s).

Dans le cadre des formations, les chargés de prévention notent avoir eu du mal à se sentir légitimes pour aller former des enseignants. Pour Claire Crausaz, c’est une formation interne sur les cycles du langage des addictions qui a été levier. Il a pu être identifié qu’il était important d’être formé à PRIMAVERA mais aussi qu’aborder les questions de représentations sur les conduites addictives et de clarifier les postures des acteurs de l’addiction pouvaient être un levier. Les résultats de la première formation les ont confortés dans cette stratégie. La mise en œuvre des suivantes, agrémentées de retour terrain, à renforcer leur légitimité à intervenir dans le cadre de la formation des enseignants. 

La mise en place et le déploiement de PRIMAVERA nécessite d’être formé. Si les acteurs mentionnent que le document de référence pose les bases du travail (activité principale, thème, objectif), il ne définit qu’une manière de faire. Il a fallu pour les acteurs de Passerelle 39 plus le structurer, baliser le processus. Si des outils sont proposés, il y a mille façons d’animer les séances, plus vivantes que cela n’est décrit. Il est également possible d’utiliser des techniques avec lesquelles on est plus à l’aise. Cela a été vécu comme une possibilité de mieux investir le projet, ne pas être dans une simple duplication sur les territoires mais vraiment d’une dynamique d’appropriation locale. Les promoteurs de PRIMAVERA mais aussi certains enseignants ont donc fait des aménagements selon les établissements :

  • Modification de certaines séances parfois redondantes ; Fusion et apport d’une séance supplémentaire sur une thématique peu ou pas explorée sur proposition de l’enseignant,
  • Recherche de méthodes pour renforcer l’expérience vécue par les enseignants afin qu’ils comprennent au mieux l’intérêt de l’expérience qui va être vécue par les enfants,
  • Rédaction par une enseignante d’une histoire introductive pour certaines séances.

Bilan & facteurs de réussites

Le projet a déjà fait l’objet d’un certain nombre de valorisations. Dans le cadre d’un récit d’expérience produit en 2018 [3], une schématisation a mis en exergue sa contribution aux cinq axes de la promotion de la santé définis par la charte d’Ottawa. L’idée du programme est bien de démontrer qu’intervenir seulement au moment où émergent les problématiques ne suffit pas. Il est nécessaire d’intervenir en amont ou au moment où cela peut être initié. Il semble nécessaire d’expliciter que parler de certains produits, ce n’est pas forcément « donner envie de » tout en soulignant que cela n’empêchera pas certains adolescents, malgré tout, d’expérimenter.  Pour conclure, les acteurs interviewés mentionnent des points d’appui pour la réussite du déploiement de PRIMAVERA :  

  • Le premier contact est un moment clé, déterminant. C’est à ce moment que les protagonistes vont s’apprivoiser, essayer de se comprendre, s’écouter mutuellement, se mettre d’accord sur ce qu’il peut être fait ensemble ou pas. C’est à partir de ce moment que nait l’engagement réciproque. Il faut être attentif à ne pas se précipiter dans la mise en œuvre.
  • Au regard des enfants, ils se positionnent comme tiers éducatif non jugeant qui favorise l’acquisition et le développement de compétences par un apprentissage ludique.  
  • A la question de savoir si le primaire est un lieu pour aborder des questions autour du tabac ou de l’alcool, les contributeurs disent oui : « Les enfants sont dans le même monde que nous. Ce sont des choses qu’ils voient autour d’eux. Ils sont témoins des mêmes choses dans la vie de tous les jours. Du coup, ils ont plein de questions ». Et il faut pouvoir les aider à trouver et construire leurs réponses.
Tous les acteurs qui souhaitent déployer le programme PRIMAVERA doivent préalablement contacter :
Pour Oppelia : Mme Corinne Defrance c.defrance@oppelia.fr ou Mme Isabelle Sédano isedano@oppelia.fr
Pour la Fédération Addiction : Alexis Grandjean, a.grandjean@federationaddiction.fr ou infos@federationaddiction.fr 

[1] « Savoir résoudre des problèmes, communiquer efficacement, avoir conscience de soi et des autres, savoir réguler ses émotions : telles sont quelques-unes des compétences psychosociales (CPS) des personnes. Depuis trente ans, de nombreux programmes de prévention s’appuyant sur leur développement ont été mis en œuvre à travers le monde. Elles sont reconnues comme un déterminant clé de la santé et du bien-être, sur lequel il est possible d’intervenir efficacement. Ce type d’intervention est déployé de manière relativement récente en France » : https://www.santepubliquefrance.fr/docs/les-competences-psychosociales-definition-et-etat-des-connaissances

[2]  https://www.oppelia.fr/

[3] https://www.innovation-pedagogique.fr/article6342.html

[4] Pour des contraintes financières, le projet de recherche s’est limité à 3 ans de déploiement (du CM2 à la 5éme) dont la dernière année a été amputée de son questionnaire suite aux conséquences de l’épidémie de COVID 19.

[5] Primavera-Evaluation-2022.pdf (oppelia.fr)

[6] PTC « Pete ton crâne » : https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/hautes-pyrenees/tarbes/petes-ton-crane-on-vous-dit-tout-sur-cette-drogue-de-synthese-responsable-du-malaise-d-une-lyceenne-a-tarbes-2520716.html