Personnes âgées et pratiques addictives : dialoguer, prévenir et accompagner

À Rouen, des professionnels du secteur de la perte d’autonomie avaient repéré un besoin d’accompagnement autour du sujet des conduites addictives chez les personnes âgées. Porté en partenariat par La Boussole, structure associative spécialisée en addictologie et le CLIC des Ainés et le service Personnes Âgées du CCAS de la Ville de Rouen, le projet mené en 2017-2019 associait plusieurs modalités d’intervention, dont la formation et l’accompagnement des professionnels intervenant auprès des personnes âgées sur les pratiques addictives chez le sujet âgé et sur l’approche de réduction des risques (RDR) en addictologie.
Il a abouti à la montée des compétences des professionnels de première ligne, au développement d’une culture commune RDR et la mise en place d’interventions de prévention (collectives et individuelles) dans 2 contextes différents : celui de l’aide à domicile et dans 4 établissements gérés par le CCAS de la Ville de Rouen, à savoir des résidences autonomie. Le projet a permis également de renforcer le partenariat entre ces 2 secteurs et de mettre en place des articulations durables : interventions de prévention, interventions du CAARUD de La Boussole auprès de résidents (aller-vers), participation aux commissions du médico-social, etc.
Il s’agissait d’un projet original en territoire rouennais, peu de projets existant en 2017 permettant de tisser des liens entre le réseau spécialisé de l’addictologie et celui de la perte d’autonomie.

09/05/2023

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Laudrel Stéphanie
Chargée de projet
prevention@laboussole.asso.fr

Bardin Marion
Chargée de prévention
prevention@laboussole.asso.fr

Présentation de l’intervention  

Présentation des structures

Dans le cadre de ces missions au sein du Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) de la Ville de Rouen, Mme Petit coordonne différents dispositifs qui relèvent du service Personnes Agées :

  • le CLIC (Centre Local d’Information et de Coordination) des ainés de Rouen et le CLIC du sud de l’agglomération qui ont pour missions d’informer, d’orienter et de proposer un accompagnement social personnalisé aux Rouennais de plus de 60 ans et de mettre en place des actions collectives de prévention à la perte d’autonomie. Il s’agit de lieux d’échanges et de liaison entre les différents intervenants (familles, professionnels et bénévoles), dans le cadre desquels est organisée une coordination des professionnels qui interviennent au domicile dans le cadre de la perte d’autonomie.
  • quatre résidences autonomie, qui représentent environ 280 logements individuels autonomes, non médicalisés. Il s’agit de logements privés équipés d’une salle de bains et d’un coin cuisine, au sein d’une résidence qui propose des services collectifs (surveillance, animations et activités quotidiennes, service de restauration le midi, etc.)[1]. Dans chaque résidence est présente une équipe composée d’un-e responsable, d’un ou une assistante administrative et d’un ou une animatrice.

Le service Personnes Agées comporte également : un Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD), un Service de Soin Infirmier à Domicile (SSIAD), une équipe mobile d’évaluation à domicile (EMED), une équipe spécialisée Alzheimer, etc.

Ces différents acteurs sont regroupés au sein de la MAIA Rouen-Rouvray (Méthode d’Action pour l’Intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’Autonomie) qui associe tous les acteurs du territoire « Rouen Rouvray » engagés dans l’accueil et l’accompagnement des personnes de plus de 60 ans et de leurs aidants.

La Boussole est une association loi 1901 qui porte un projet de prévention, d’accompagnement et de soin des addictions[2]. Elle gère 4 pôles, à savoir 3 établissements médico sociaux et un service prévention/formation :

  • un Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) : consultations, consultations jeunes consommateurs.
  • un Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction de risques pour Usagers de Drogues (CAARUD), qui coordonne un lieu d’accueil « la Boutik » et des activités en milieu festif
  • un pôle hébergement avec un dispositif d’Appartements de Coordination Thérapeutiques (ACT), un dispositif d’Appartement Thérapeutiques Relais (ATR) et un dispositif Appartement de coordination thérapeutiques hors les murs, qui propose un accompagnement médico-social s’effectue sur le lieu de vie des personnes et non plus exclusivement dans le cadre d’un hébergement.
  • un service prévention et formation[3] : il propose des actions de prévention auprès de différents types de publics (jeunes, publics des secteurs du handicap et de la perte d’autonomie, du secteur de l’hébergement, etc.) ; un appui en méthodologie de projet pour tout acteur du territoire souhaitant développer un projet de prévention des addictions et un pôle formation qui vise à développer et renforcer les compétences des acteurs de première ligne en matière de prévention, de repérage des pratiques addictives et d’orientation. Le service a également pour mission d’animer le réseau d’acteurs spécialisés en addictologie du territoire de démocratie sanitaire de Rouen.

Contexte

Les professionnels du territoire (assistantes sociales, gestionnaires de cas, etc.) étaient confrontés à différentes difficultés dans les accompagnements individuels des personnes âgées quand survenait une problématique de consommation. Un manque de connaissances en addictologie (connaissance des ressources sur le territoire, d’éléments de compréhension des pratiques, d’outils existants, etc.) avait été ainsi identifié, et son corollaire : un besoin de formation, pour proposer un accompagnement adapté aux personnes. Les professionnelles qui intervenaient dans les résidences autonomie du CCAS étaient confrontées aux mêmes difficultés que les professionnelles du domicile.

Au domicile comme dans les établissements, les pratiques addictives relevées concernaient principalement la dépendance à l’alcool et le mésusage de médicaments. Ceci converge avec les tendances nationales, les troubles de l’usage de l’alcool et de benzodiazépines étant les conduites addictives les plus fréquemment observées au sein de la population vieillissante (1). On estime qu’une consommation quotidienne d’alcool dépassant le ½ litre de boisson type vin concerne 15% des plus 65 ans (enquête PAQUID). En cours de projet, cela a conduit à mettre un accent particulier sur la réduction des risques liés à l’alcool (RDRA).

L’intervention du secteur addictologique en direction du public personnes âgées était peu développé à Rouen alors. De plus, il avait été constaté par le CLIC et les responsables des résidences autonomie que les personnes âgées qui manifestaient des conduites addictives ne se rendaient pas sur les structures spécialisées (en CAARUD, CSAPA, etc.). Le diagnostic territorial de la MAIA Rouen Rouvray pointait des difficultés d’accès aux soins en général de ce public, alors même qu’il cumule différents facteurs de risque sanitaires et sociaux.

Objectifs

Le projet visait à développer une meilleure prise en compte de la problématique des conduite addictives en ayant une approche de prévention (action sur les facteurs de risque tels que la vulnérabilité psychologique et la vulnérabilité physiologique), de soins et de réduction des risques.

L’objectif principal du projet était ainsi de renforcer le partenariat entre le Service Personnes Agées du CCAS et les professionnels de l’addictologie, afin de favoriser la prise en compte et améliorer l’accompagnement des pratiques addictives dans les accompagnements proposés aux personnes âgées sur le territoire de la MAIA Rouen-Rouvray ( à domicile – professionnels du CLIC de Rouen et en établissement – résidences autonomie).

Objectifs spécifiques[4]Objectifs opérationnels
1- Développer une culture commune chez les professionnels du secteur gérontologique
2- Amener ou renforcer la démarche de réduction des risques dans les accompagnements
3- Renforcer les actions de prévention collectives autour des pratiques addictives
4- Accompagner la démarche de gestion des consommations dans les projets d’établissement des résidences autonomie
1- Organiser des sessions de formation ou sensibilisation à destination des professionnels du territoire
2- Mettre en place des actions de prévention et/ou de réduction des risques au sein des résidences autonomie de la ville de Rouen et en lien avec le CLIC des aînés
3- Inscrire la prévention des pratiques addictives dans les projets d’établissement
4- Valoriser le projet sur le territoire

Calendrier

2016 : conférence « Alcool et médicaments chez le sujet âgé » coorganisée le 27 mai 2016 par le CLIC de Rouen, l’ARS Normandie, le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Rouen et La Boussole  

2017 – 2020 : projet « Personnes âgées et pratiques addictives »

  • 2018 : Premier cycle de formations assurées par la Boussole
  • 2018/2019/début 2020 : Formations, Sensibilisations, Accompagnement, actions de prévention et de RDR  

– Poursuite des actions dans les structures du Service Personnes Agées du CCAS de Rouen

Principaux partenaires

Le projet a été financé par la Mildeca et l’ARS Normandie (en réponse à un appel à projet) et a bénéficié également d’une subvention de la Conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie.

L’ARS Normandie a été impliquée complètement en amont de ce projet, puisqu’elle a participé à la conférence qui a lancé le projet.

Principaux éléments saillants

Élaboration du projet

Des difficultés repérées au niveau des professionnels qui interviennent auprès des personnes âgées

Les conduites addictives de personnes âgées dépendantes, tout particulièrement celles liées à l’alcool, posaient différentes difficultés aux équipes qui repèrent également des situations qu’elles estiment « à risque » au regard de la problématique du maintien à domicile et de la perte d’autonomie.

  • Risques perçus par les équipes : impact médico-social des conduites addictives (diminution des activités, isolement, et.) ; accélération ou majoration de la perte d’autonomie en raison des conduites addictives et notamment de la consommation d’alcool ; crainte d’une  « mise en danger au domicile », c’est-à-dire d’une majoration de risques directs et indirects pour la sécurité de la personne causés par la conduite addictive ou l’alcoolisation du sujet âgé (risques de chutes, risques liés à des gestes du quotidien mal réalisés en état d’ébriété ou d’alcoolisation massive comme celui d’un « incendie provoqué par une cigarette mal éteinte », etc.).
  • Impact sur les projets d’entrée en EHPAD (situations récurrentes) : le projet d’entrée en établissement peut être à la fois anticipé du fait de la perte d’autonomie, mais compliqué en raison de refus médicaux d’admission (liés à la conduite addictive) et « parce que les établissements [du territoire] sont très réticents à l’accueil des personnes qui souffrent d’addictions » (V. Petit).
  • Difficultés rencontrées au quotidien dans l’aide au domicile (privé ou au domicile dans les résidences autonomie)  : aggravation de la perte d’autonomie imputée aux conduites addictives ; impact pour les professionnels de cette aggravation (ex : situation d’incontinence) ; enjeu de l’approvisionnement en alcool des personnes (courses effectuées par les aides à domicile) ; etc.
  • Difficultés rencontrées en résidence autonomie : la « gestion du collectif » (S. Laudrel), c’est-à-dire les perturbations de la vie en collectivité par les personnes alcoolisées et la gestion d’épisodes de « crise aigüe » (alcoolisation massive d’un résident entrainant nuisances sonores, problèmes d’hygiène, etc.) ; isolement de résidents ayant des conduites addictives (rejet) ; difficultés relationnelles entre résidents, pressions et conflits autour de l’approvisionnement en alcool (demandes, arnaques) ; etc.

De plus, les professionnels (qui sont en majorité des professionnelles) exprimaient se sentir « seules » face à ces situations. Ces situations sont par ailleurs complexes en raison de la dimension éthique des enjeux, comme celui de la conciliation du respect des libertés individuelles et des préoccupations de protection de la personne ou de sécurité collective dans les établissements. Elles sont également confrontées à la demande des aidants en recherche d’appui face à un proche souffrant d’addiction.

Pour les situations rencontrées en établissement, les situations « aigües » mobilisent très lourdement les équipes et « peuvent générer de l’épuisement des équipes » selon Valérie Petit, responsable du CLIC des ainés et des résidences autonomie. Ces situations mobilisaient également beaucoup du temps de coordination des équipes, car les équipes pouvaient être en désaccord sur la façon de réagir et d’accompagner un résident dans ces cas-là.

2016 : la conférence « Alcool et médicaments chez le sujet âgé »

En 2016, une conférence est organisée par le CLIC de Rouen avec le soutien de l’ARS Normandie autour du thème « Alcool et médicaments chez le sujet âgé ». Elle avait permis d’aborder plusieurs enjeux liant addictions et sujets âgés (refus de soin, des enjeux éthiques pour les professionnels et les aidants familiaux, etc.). Elle avait permis de faire se rencontrer des professionnels du CLIC et des professionnels de l’addictologie (La Boussole, CHU Rouen, etc.). Les besoins repérés par les professionnels du CCAS se sont trouvés confortés par les échanges durant la journée, et, selon Valérie Petit, cette journée a acté pour le CCAS « qu’il fallait travailler au développement du partenariat avec l’addictologie – dans le même esprit que ce qu’on avait travaillé avec les professionnels de la psychiatrie – et monter un projet avec La Boussole ». Suite à cette conférence, ont émergé 2 perspectives :

  • réfléchir à l’échelle régionale à un projet sur les addictions (perspective portée par l’ARS) et
  • réfléchir à la construction de modules de formation, pour accompagner les professionnels du CLIC et soutenir une acculturation à la réduction des risques.

Le projet « Pratiques addictives et personnes âgées »

Le projet, co-conçu avec la Boussole, a comporté plusieurs volets et s’est construit « petit à petit » et « assez librement », pour s’adapter aux besoins des professionnels et des résidents qui ont émergé, tenir compte des réticences exprimées et inclure des stratégies d’action supplémentaires. Il devait permettre de renforcer les compétences des professionnels pour mieux accueillir et mieux accompagner les personnes âgées ayant des conduites addictives et travailler sur la réduction des risques et des dommages (RDRD) au sein des résidences autonomie. Ces volets étaient :

  • Formation et sensibilisation de différents groupes de professionnels, appui aux professionnels
  • Interventions collectives auprès des usagers (résidences autonomie, domicile) de prévention et RDRD et Interventions individuelles de RDRD (permanences CAARUD)
  • Renforcement et pérennisation des partenariats

Volet Formation et sensibilisation

La Boussole était en charge de l’ingénierie de la formation (fil rouge, recrutement des intervenants, etc.) La première session de formation s’adressait aux responsables des résidences autonomie et aux intervenants des différents services du CCAS à domicile et en résidences, de professions variées (assistantes sociales, infirmières, etc.). D’autres sessions plus courtes ont été organisées ultérieurement à la demande des professionnels concernés.

Par ordre chronologiquePublicContenu
Formation– professionnels du CLIC des aînés, du CLIC du sud de l’agglomération, de la MAIA Rouen Rouvray,

– responsables des résidences autonomie de la ville de Rouen

– 2 professionnelles du SSIAD et de l’EMED

14 professionnels formés
Objectif : acquérir des savoirs en addictologie et renforcer les liens partenariaux avec les structures spécialisées en addictologie qui interviennent sur le territoire.

Durée : 3,5 jours

Contenu : socle de connaissances de base en addictologie 
– concepts clés, lien entre addiction et santé mentale chez les personnes âgées, les addictions sans produits, posture professionnelle en addictologie
–  l’approche de réduction des risques et des dommages (RDRD), l’approche de prévention par les compétences psychosociales (CPS),
–  outils, intervention de professionnels de l’addictologie (La Boussole, CHU Rouen, association Insersanté), vignettes cliniques (lien avec les problématiques concrètes de terrain) ;
– Présentation des dispositifs existants sur le territoire : CSAPA, CAARUD, etc. et de personnes ressources pour les professionnels
Sensibilisation– responsable de l’animation des résidences autonomie
– les quatre animatrices des résidences autonomie
– intervenants en résidence autonomie
11 professionnels sensibilisés
Objectif : sensibilisation de l’ensemble des intervenants des résidences aux pratiques addictives, donner les connaissances minimales pour pouvoir aborder ces problèmes d’addiction et permettre aux animatrices de mettre en place des animations autour de la RDRD

Durée : 2 demi-journées

Contenu : connaissances de bases et approche de RDRD & approche de prévention par les CPS
– travail autour de l’outil « les mots de l’âge »
Sensibilisation– Professionnels du domicile : aides à domicile et infirmières du SSIAD

17 professionnels sensibilisés
Objectif : sensibilisation et appui aux professionnels du domicile :

Durée : 2 demi-journées

Contenu : connaissances de bases en addictologie, le repérage et l’accompagnement des pratiques addictives (posture de RDRD).

Les porteurs du projet notent qu’il a été plus difficile de mobiliser les professionnels du SSAD du SSIAD pour les temps de formation et/ou de sensibilisation, en raison de leur mode d’organisation de travail (peu de disponibilités, peu de temps d’équipe auxquels greffer une formation). Selon V. Petit, « même si c’était plus compliqué à organiser, ces professionnelles étaient très demandeuses aussi, parce qu’elles sont plus isolées, de fait. » Le projet a également abouti à la création d’un module pour les professionnels du territoire à l’extérieur du CCAS (auxiliaires de vie, aides-soignantes), qui n’ont pas pu bénéficier des formations/sensibilisations.

Les temps de formations ont permis de travailler sur la posture des professionnels vis-à-vis des personnes âgées et pas seulement sur les conduites addictives.

« On aborde la RDRD par la posture, par le fait de décentrer la consommation et de revenir sur la personne. Ce sont des choses qu’on amène progressivement. On revient aussi sur le fait que la personne n’est pas que sa consommation. Et que ce qui pose problème pour les professionnels, ce n’est pas ce qui pose problème pour la personne. On s’attache à tous ces éléments : recentrer sur la personne, la fonction de la consommation à moment donné.»

Stéphanie Laudrel, chargée de projet La Boussole

Les temps de formation et de sensibilisation ont constitué des temps d’échanges de pratique, « très forts », entre les assistantes sociales, les gestionnaires et les infirmières autour de cas cliniques. En plus des contenus prévus, une large place a été faite à la discussion de situations ou de cas individuels amenés par les professionnels. Ils portaient sur : des situations de chutes de personnes âgées, des situations de sevrage plus ou moins brutal et subi d’une personne âgée consommatrice d’alcool vivant à domicile (arrêt brutal d’approvisionnement par ses enfants, etc.) mais aussi de cas liés au tabac (consommation de tabac et oxygénothérapie). La question de la responsabilité légale a été également abordée en formation afin de clarifier les responsabilités entre obligation légale et responsabilité de signalement d’une mise en danger, entre responsabilité du professionnel et responsabilité collective qui relève de la décision d’équipe.

L’évaluation des temps de formation a permis de faire ressortir un fort besoin de la part des professionnels d’être accompagnés face à un nombre important de situations complexes à gérer.

Au sein des résidences autonomie, la formation des responsables et des animatrices a conduit à ce que le sujet soit discuté en réunions d’équipe. D’autres professionnels de ces structures (auxiliaires de vie, agents d’entretien, etc.) ont ensuite demandé à être formés à leur tour. La Boussole y a répondu en se déplaçant sur chaque établissement, pour de nouvelles présentations et temps d’échange sur les problématiques d’addiction.

Ces temps ont permis de renforcer les liens et la culture commune entre professionnels du service personnes âgées du CCAS.

Volet Accompagnement et interventions auprès des usagers

Le volet formation a été complété par un accompagnement renforcé dans les résidences autonomie pour poursuivre le processus de formation.

CadreActionDétail
4 résidences autonomieMise en place d’actions de prévention et réduction des risquesAppui à l’animation d’actions de prévention collective au sein des résidences par un animateur de prévention spécialisé de La Boussole (voir partie suivante).
2 résidences autonomie Intervention individuelleMise en place de permanence du CAARUD de la Boussole au sein des résidences ayant identifié des besoins en RDRD alcool (voir La RDRA dans les résidences autonomie).
CLIC de RouenIntervention collectiveOrganisation de 3 séances en 2019, coanimées par le CLIC et La Boussole, avec utilisation de l’outil « les mots de l’âge » pour l’animation des séances et pour thématique principale le développement des CPS, incluant les questions de l’isolement et les addictions.

Ouvert à la population âgée du territoire (invitation par le CLIC)

Le CLIC poursuit de façon autonome les interventions collectives. Selon Marion Bardin, une piste d’approfondissement de ces interventions avait été rapidement identifiée, à savoir travailler davantage « le continuum avec l’accompagnement et la réduction des risques ». En 2019, les interventions permettaient bien en effet de faciliter la prévention auprès du public du CLIC peu touché jusqu’alors, mais sans pont vers une prise en charge ou un accompagnement à domicile RDRD comme cela a pu être mis en place au niveau des résidences.

Renforcement et pérennisation des partenariats

Afin de préparer la poursuite du travail autour de la prévention des pratiques addictives et de la RDRD, le projet a abouti à la signature d’une convention de partenariat entre le CLIC des ainés et La Boussole au premier janvier 2019, qui inclut différents axes : participation des professionnels de l’addictologie lors de l’admission en résidence autonomie, sollicitation des partenaires spécialisés pour des avis, des entretiens, une aide à l’accompagnement, orientation vers le soin, etc.

La RDRD au sein des résidences autonomie

La formation et l’accompagnement proposés par La Boussole ont permis de mettre en place :

  • des interventions collectives et ateliers de RDRD à destination des résidents.

Ils ont eu lieu dans chacune des 4 résidences, selon des formats variés, adaptés aux besoins de chaque structure et en fonction des attentes des résidents. Ils étaient co-construit en amont avec les animatrices des structures. Durant les temps de formation, la Boussole a constaté que les animatrices de certaines résidences autonomie s’appropriaient peu les actions de prévention qui leur étaient proposées, car « certaines résidences mettaient déjà en place beaucoup d’actions », notamment sur les compétences psychosociales et le repérage des troubles et pathologies psychologiques. L’appui a consisté à incorporer à ces actions des éléments un peu plus spécifiques aux pratiques addictives et à la RDRD.

Les animations collectives mises en place ne portaient pas spécifiquement sur la RDRA ou la RDRD, mais dans une logique de promotion de la santé, permettaient d’aborder : gestion des émotions, estime de soi, communication interpersonnelle, etc. et en partie sur le regard porté sur les consommations et la place des usages dans le collectif. Elles ont pu être construite avec l’outil « les mots de l’âge »[5]. Elles avaient pour objectif « de favoriser un espace de parole et d’échanges en lien avec les pratiques addictives » (S. Laudrel). La mobilisation des résidents a été importante, bien que variable selon les structures (entre 6 et 25 participants).

« Sur une résidence, en particulier, on avait plusieurs personnes, un petit groupe qui consommait beaucoup d’alcool sur une même période. Sur cette résidence-là, on avait vraiment la volonté de faire une intervention plutôt collective, qui associerait l’ensemble des résidents, pour échanger sur toutes les difficultés que ça pouvait poser dans le groupe. Et puis, c’est sur cette résidence que nous avons finalement mis en place une action ‘individuelle’. L’animatrice avait fait remonter que les quelques personnes qui consommaient posaient des problèmes dans le collectif et, en fait, quand on a interrogé les résidents, il s’est avéré qu’[ils] n’étaient pas forcément plus gênés que ça. Mais, en revanche, les personnes concernées avaient envie d’aller vers une démarche plus individuelle, de prise en charge.  »

Valérie Petit, responsable du CLIC
  • des interventions d’aller-vers en structure

Dans une des résidences, des permanences du CAARUD assurées par un éducateur spécialisé ont été mises en place. Cette modalité d’accompagnement n’était pas prévue initialement, mais a été intégrée au projet comme modalité nouvelle d’accès à l’offre en addictologie. Elle a été portée par le CAARUD plutôt que le CSAPA en raison des compétences d’aller-vers de cette structure. Ces permanences ont été précédées de temps d’atelier collectif, qui ont permis aux animatrices de préparer la venue du CAARUD et de travailler en amont avec les résidents repérés.

Trois résidents ont bénéficié de « consultations » sous forme d’entretiens réguliers, qui se poursuivent Ces résidents ont exprimé leur satisfaction quant à l’accompagnement proposé, personnalisé et « souple », et quant au fait que « quelqu’un vienne sur place à [leur] rencontre »au lieu d’un rendez-vous à l’extérieur. La continuité dans la durée de l’offre d’accompagnement ainsi créée est également appréciée : « et parce que c’est toujours la même personne, elles peuvent engager un travail sur la durée » (V. Petit). Ces accompagnements ont permis aux résidents suivis de « mettre en place des stratégies pour éviter la stigmatisation par le collectif », comme un travail sur les moments de consommation, pour mieux concilier leur usage et la vie en collectivité. Pour un résident en 2020, ces interventions ont abouti à une prise en charge au CHU de Rouen, pour des consultations en addictologie.

  • de prendre en compte la problématique des conduites addictives dans les projets d’établissement.

Le renforcement de la démarche de RDRD au sein des résidences autonomie s’est traduite par l’élaboration d’une fiche-action spécifique « Prévention et gestion des conduites addictives » à l’occasion de la réécriture des projets d’établissements. Ces derniers incluent désormais le repérage des consommations (à construire) et l’orientation des personnes âgées vers les structures d’addictologie. La consommation d’alcool reste autorisée dans les logements privés mais pas dans les parties communes des résidences.

Dans le cadre des projets personnalisés qui peuvent être construits avec les résidents (non obligatoire), le thème de la santé peut être abordé et la dimension « consommation de produits psychoactifs » y est désormais intégrée. Les équipes peuvent aussi proposer un accompagnement pour aider les résidents qui en expriment le besoin à réduire leur consommation d’alcool, leur proposer des stratégies de modération des consommations et/ou mettre en place un projet avec l’équipe qui intervient autour de ce résident (accord avec les aides à domicile de la résidence sur le plan d’achat de boissons, par exemple). Dans les structures où des permanences du CAARUD ont été mises en place, La Boussole est recontactée pour poursuivre ces interventions.

La RDRD pour les équipes : pratiques et postures professionnelles

Au niveau des croyances et des représentations, les équipes ont pu évoluer sur l’attente systématique de sevrage pour une personne âgée ayant une consommation d’alcool jugée problématique par la ou le professionnel-le. « Beaucoup de professionnelles raisonnaient exclusivement en termes d’abstinence », se rappelle V. Petit. Les discours que tenaient ces professionnels de première ligne (auxiliaires de vie, etc.) en faisaient une injonction pour les personnes concernées (du type « il faut qu’il arrête de boire, mais complètement »). Ses fonctions de supervision des équipes l’amènent à constater « une évolution dans leurs discours, dans la perception de cette problématique et dans l’approche des différentes réponses possibles » face à ces situations.

La transmission par la formation de connaissances sur les mécanismes de l’addiction, sur les effets physiologiques de l’alcool (risques en cas d’arrêt brutal, par exemple) et les fonctions de l’alcool pour une personne (fonction antidépressive, etc.) leur ont permis également de développer une meilleure compréhension des problématiques liées à la consommation d’alcool, et de mieux prendre en compte la personne plutôt que de ne voir que la consommation. Cela a permis d’interroger leurs objectifs en tant que professionnelles et de confronter leurs attentes aux attentes des personnes âgées, qui ne souhaitent pas forcément arrêter la consommation d’un produit.

Un enjeu permet d’illustrer l’évolution des postures et des pratiques : celui de l’ « approvisionnement » en alcool de personnes âgées dépendantes. Il s’agit d’un enjeu important, auquel étaient confrontées de façon récurrente les aides à domicile pour qui cela pouvait devenir un dilemme moral. Face à une demande d’une personne âgée qui n’est plus autonome pour faire ses courses et qui demande à son aide de lui acheter de l’alcool, ce professionnel doit-il répondre à cette demande ? Doit-il y répondre favorablement même s’il juge que la consommation est excessive ou problématique, ou que la personne âgée devrait arrêter de boire en raison de divers risques identifiés par le professionnel ?

V. Petit fait le récit des évolutions observées : « Auparavant, c’était plutôt : « pas du tout », c’est-à-dire le professionnel n’achetait pas du tout d’alcool. La logique c’était « si on veut qu’il arrête ou qu’elle arrête de boire, on n’approvisionne pas ». Mais, tout d’abord, on sait très bien que les personnes qui ont envie ou besoin de boire, elles vont trouver une autre source d’approvisionnement, qui est parfois beaucoup plus précaire que l’aide à domicile. Après leur formation, [les professionnelles] ont commencé à s’interroger : « ok, je peux peut-être acheter de l’alcool, mais je vais peut-être discuter avec la personne sur la quantité, essayer de contractualiser avec la personne pour l’aider à gérer sa consommation, à aborder les choses avec ». Et ça, ce n’était pas du tout dans les cultures auparavant. »

La formation a permis ainsi aux professionnelles d’acquérir les principales notions de la posture de RDRD, qui se sont traduites par des changements observés au niveau des pratiques : moins de jugement, une communication avec les personnes différentes, recherche et imagination de solutions d’accompagnement en termes de réduction des risques ou dans la gestion de la consommation, etc.

Ont aussi été observées des évolutions au niveau des réflexions en équipe, qui font une part plus importante à l’analyse des situations de consommation jugées problématiques (en raison de la mise en danger ou des difficultés posées à l’équipe dans l’accompagnement), dans une démarche compréhensive.

Des formes d’accompagnement sont « encore à imaginer », selon V. Petit, qui constate que désormais les équipes vont plus facilement vers la recherche de solutions de RDRD là où les situations « de blocage » dans les accompagnements généraient de l’impuissance précédemment. Les professionnels ont également accès à des ressources supplémentaires : solliciter des professionnels d’addictologie qui pourront éclairer, orienter, trouver des pistes nouvelles. La montée en compétence individuelle des professionnelles de première ligne est ainsi soutenue par les échanges en équipe et par un accès plus direct à des interlocuteurs spécialisés qui peuvent les appuyer face aux situations les plus complexes.

Principaux enseignements

Résultats observés

Le projet a permis, selon Valérie Petit, de « commencer à acculturer les équipes » du CCAS à l’approche de réduction des risques, d’enrichir les solutions d’accompagnement d’une personne âgée à disposition des professionnelles et de fédérer ces équipes face à cet enjeu qui était précédemment source d’isolement majorant les difficultés rencontrées.

L’analyse des forces et des faiblesses faite par les acteurs au terme du projet permet de relever les points suivants :

  • Développement d’une culture commune d’accompagnement des pratiques addictives sur le territoire : forte transmission suite aux formations dans les structures, forte mobilisation des professionnels non initialement formés qui ont été à leur tour formés/sensibilisés ; changements observés dans les représentations et dans les pratiques (voir partie précédente) ; augmentation du nombre d’orientations vers des structures spécialisées ; besoin d’un accompagnement au-delà du temps de formation pour mettre en pratique les notions de RDRD acquises ; présentation du projet dans différentes instances de coordination personnes âgées et forte communication sur le territoire etc.
  • Renforcement de la démarche de RDRD au sein du service Personnes Agées : intégration de l’approche RDRD au niveau institutionnel aux projets d’établissements des résidences autonomie ; conventionnement du partenariat qui permet de l’inscrire dans la durée ; élaboration d’interventions individuelles d’aller-vers en addictologie en réponse à un besoin identifié dans les résidences autonomie ; etc.
  • Renforcement des actions de prévention : peu de mise en place d’ateliers de prévention collective en raison d’une offre déjà existante ; initiatives nouvelles au niveau du CLIC ; etc.

Le projet a ainsi bien contribué au renforcement du partenariat entre le secteur médico-social de la perte d’autonomie et celui de l’addictologie et ce, dans la durée et à différents niveaux. La participation des professionnels de l’addictologie aux commissions d’admission des résidences autonomie (pour donner leur avis sur les demandes, recommandations sur l’étayage médico-social ou en addictologie à prévoir, etc.) illustre une des façons dont le projet a permis de mettre en place et d’ancrer une collaboration renforcée entre secteurs, au bénéfice des accompagnements des futurs résidents.

Durant ce projet, l’alcool a été le produit sur lequel le focus le plus important a été porté en raison des problématiques rapportées par les professionnels.

Impact pour les personnes âgées

Le projet ne comportait pas de volet d’évaluation auprès des personnes âgées auprès desquelles interviennent ces professionnels (bénéficiaires finaux). Il s’agit d’un axe d’amélioration identifié par les porteurs du projet. Toutefois, pour les quelques personnes âgées consommatrices d’alcool qui ont pu bénéficier d’un accompagnement spécifique (CAARUD), a été constaté un retentissement sur leur consommation et leur bien-être, en termes de gestion de la consommation, d’amélioration de l’estime de soi et d’impact sur leurs relations avec les autres résidents et la vie en collectivité.

Pistes identifiées par les porteurs du projet

Le projet qui a vocation à être prolongé, sous condition de trouver les ressources pour. Parmi les pistes :

  • Continuer à renforcer les compétences des professionnels : formation à l’entretien motivationnel, etc.
  • Travailler sur la formation des auxiliaires de vie à domicile et la formation ou l’accompagnement des aidants familiaux de personnes ayant des problèmes d’addiction.

Freins et leviers

Différents leviers ont été identifiés par l’équipe pilote du projet, qui a été contributrice de cette capitalisation, dans le cadre d’une capitalisation menée tout au long du projet (voir schéma ci-dessous). Le besoin d’accompagnement face à des situations rencontrées par les professionnels a été un fort levier d’adhésion au projet. C’est sur ce point, l’accompagnement à la résolution de cas pratique face à des situations impliquant des pratiques addictives, que la demande a été la plus forte.

AxesConditions indispensablesLeviersAxes d’amélioration
Partenariat– Co-construction du projet entre le CLIC des aînés et La Boussole

– Rencontres régulières entre le CLIC des aînés et La Boussole
– Forte demande de la part des professionels de la perte d’autonomie

– Forte adhésion du service prévention et du CAARUD de la Boussole (pour un public nouveau)

– Appui sur le réseau du territoire (secteur spécialisé)

– Collaboration entre La Boussole et Ville de Rouen antérieure (Atelier Santé Ville de la Ville de Rouen notamment)

– L’expérience acquise grâce au partenariat engagé par le CLIC avec le secteur de la psychiatrie
 
Conduite du projet– Modalités (axes) du projet multiples et adaptation aux besoins qui ont émergé des professionnels

– Mobilisation forte au niveau institutionnel

– Soutien financier (ARS, conférence des financeurs)

– Formation des encadrants en premier lieu
– Processus d’évaluation et de capitalisation inscrits dès le démarrage du projet et prévues à différents stades– Impliquer les bénéficiaires finaux (personnes âgées) dans une évaluation

– Travail préparatoire avec l’ensemble des équipes : les encadrants ET les professionnelles (pour faciliter leur projection dans le projet)  
Formation– Travail sur les représentations

– Travail sur la posture professionnelle en RDRD
– Intervention des professionnels des dispositifs locaux d’addictologie durant la formation (création de liens)– temps de sensibilisation trop courts par rapport aux besoins des professionnels.

– renforcer les analyses de situations ou de cas en formation

– focus alcool, mais nécessaire de travailler sur tous les produits même ceux qui moins d’impact sur le collectif
Interventions Ateliers– Rencontres préalables avec les résidences autonomie afin de déterminer les besoins – Adaptation au terrain : valorisation et articulations ateliers thématiques existants 
Accompagnement– Poursuite du travail de sensibilisation par un accompagnement structure par structure – Travailler par service– Implication des responsables – Adaptation : modalités d’aller vers qui ont pu être imaginées en cours de projet – Demande d’intervention au sein des équipes (besoin d ‘appui)– Participation des équipes des résidences autonomies en amont des temps de sensibilisation
Pérennisation – Inscription dans les projets d’établissement et les projets de service de la thématique conduites addictives

– Mise en place d’une référente thématique sur les résidences autonomie (addictions/santé mentale)
 

 

FOCUS : Stratégies au niveau de la conduite du projet

La conduite de projet a fait l’objet d’une attention particulière de la part des partenaires pilotes, afin de construire une stratégie de construction d’une culture commune autour des pratiques addictives en procédant par étapes.

– Former d’abord les encadrants : cela visait ainsi à impliquer les responsables des structures, afin qu’ils puissent engager leurs équipes sur ce projet-là en en étant convaincus, porter le changement et contribuer à diffuser une culture dans leurs structures.

– Travailler la rencontre des cultures professionnelles, notamment autour de l’approche de RDRD : pour une équipe qui n’a pas ou peu de notions de RDRD, ou dont les représentations sont encore très ancrées dans une vision de résolution des problèmes centrée sur l’arrêt des consommations, la rencontre de professionnels spécialisés en addictologie, au curseur d’exigence élevé en terme de RDRD, peut faire l’effet d’ « un choc ». Cela nécessite une préparation en amont pour que les temps d’échanges et de formation soient fructueux.

– Lever la crainte d’une spécialisation autour du public personnes âgées ayant des conduites addictives : le projet visait à améliorer l’accueil et l’accompagnement des personnes âgées ayant des conduites addictives déjà accueillies dans les résidences et accompagnées à domicile. Pour Mme Petit, il est important de veiller à la mixité des publics accueillis au sein des résidences, en respectant la vocation sociale de ces établissements publics en accueillant une part de personnes âgées présentant soit des conduites addictives, des troubles psychiques, etc.  tout en veillant à « préserver l’équilibre des structures et les équipes pour faire en sorte qu’elles ne s’épuisent pas ».

Les principaux freins rencontrés durant le projet ont concerné :

– la disponibilité des professionnels pour l’organisation des formations : celles des professionnels de l’aide à domicile pour participer aux formations/sensibilisations, celle des intervenants en addictologie pour fixer le calendrier de la formation principale.

– le montage financier du partenariat, à l’issue du temps du projet financé par la Mildeca et l’ARS Normandie (partie formation) : il a fallu rechercher d’autres financements.

– au niveau des ateliers de prévention sur les conduites addictives, la nécessité de composer avec les autres problématiques que souhaitent aborder les animateurs en résidence autonomie, qu’ils jugent parfois prioritaires comme les troubles psychologiques ou cognitifs.

– la trop faible durée des temps de sensibilisations :

« On a quand même vu, quand on a rencontré les équipes, que le temps de sensibilisation de deux demi-journées, était trop juste. Quelque chose s’était vraiment passé chez des responsables des résidences autonomie, en termes de démarche, de posture de RDRD, etc. Quand il n’y a eu que deux demi-journées – et qui ne portaient pas que sur la réduction des risques, en plus – … il y avait encore des représentations qui pouvaient bloquer, et, notamment quand on venait pour savoir quels étaient les constats spécifiques à la résidence autonomie, les besoins en termes d’animation collective, on avait souvent : « Oh, mais, les personnes qui consomment, on les identifie, il faudrait vraiment qu’elles soient là » Il y avait des discours comme ça, où il fallait absolument toucher par des actions collectives, des personnes qui consommaient, qui étaient identifiées..  »

Stéphanie Laudrel, chargée de projet La Boussole

Éléments à partager

Le projet a permis de mettre en évidence plusieurs autre enjeux à prendre compte afin d’améliorer l’accès à une prise en charge des personnes âgées ayant des conduites addictives :

  • l’accès aux soins et à l’accompagnement RDR de ce public spécifique :

Le projet a permis également de construire une modalité d’aller-vers un public peu connu pour le champ de l’addictologie, en prenant en compte des freins d’accès aux structures d’addictologie de ce public soit liés à des caractéristiques des personnes elles-mêmes (difficultés de mobilité, public perçu comme « vulnérable », perte d’autonomie, etc.) ou au mode de fonctionnement des structures addicto (et à son public, en majorité plus jeune, plus précaire) ou aux représentations sur le champ addictologique (réticence à orienter vers une structure qui accueille aussi des usagers de drogue, crainte de violences, d’abus de la faiblesse sur les personnes âgées, etc.). Partant du constat que les accompagnements de RDRD autour de l’alcool mis en place pour les résidents ont été fructueux, et qu’ils pourraient être précieux pour d’autres pratiques addictives (achats compulsifs, tabac, etc. ), les partenaires du projet souhaiteraient poursuivre les réflexions pour renforcer les moyens et modalités d’accès à une prise en charge par des professionnels spécialisés de ce public.

  • l’aval des parcours des personnes âgées ayant des conduites addictives accompagnées :

C’est un enjeu repéré par le service personnes âgées du CCAS de Rouen, qui pose le constat que la majorité des établissements pour personnes âgées dépendantes sur le territoire rouennais sont réticentes à accueillir des personnes âgées consommatrices. Selon V. Petit, « il est essentiel d’avoir des solutions en aval d’avoir des EHPAD qui vont aussi accueillir des personnes qui souffrent d’addictions ». Cela a un impact pour la qualité de vie des personnes, mais également au niveau des admissions de ces personnes âgées, car sinon, accueillir ces personnes pourrait être considéré comme une prise de risque pour ces établissements : « si jamais il y a un problème de santé, que la personne âgée devient vraiment dépendante, on va avoir beaucoup de mal à faire en sorte qu’elle intègre un EHPAD, une structure médicalisée qui répondra à ses besoins en termes de prise en charge santé ».


[1] Pour en savoir plus : https://rouen.fr/hebergement-seniors

[2] Pour en savoir plus : https://laboussole.asso.fr/

[3] Pour en savoir plus : https://laboussole.asso.fr/service-prevention-formation/

[4] Objectifs du projet « Prévention addictives et personnes âgées »

[5] Pour en savoir plus :  https://www.bib-bop.org/base_bop/bop_detail.php?ref=6957