Nutrition et rythmes de vie des enfants de Rillieux-la-Pape 2016-2021

La Ville de Rillieux-la-Pape (69) a été retenue dès 2016 pour participer au programme expérimental régional de prévention et de promotion de la santé ‟Périscol‟, porté par l’Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes (ARS ARA). L’objectif était de promouvoir la nutrition et les rythmes de vie favorables au développement des enfants accueillis en périscolaire. L’ARS ARA a mandaté l’Instance Régionale d’Education et de Promotion de la Santé (IREPS Auvergne-Rhône-Alpes) pour accompagner le Service Enfance et Education de la ville de Rillieux dans la construction et la mise en œuvre du projet. Le projet a été reconduit pendant 5 années au cours desquelles il s’est étendu au-delà du périscolaire, et de nombreuses actions ont été mises en place pour développer les environnements favorables à la nutrition et aux rythmes de vie des enfants de Rillieux-la-Pape.

08/11/2022

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Charib Nahel
Coordonnateur Atelier Santé Ville et Contrat Local de Santé

Hamida Anissa
Directrice adjointe périscolaire

Quinson Cindy
Coordonnatrice périscolaire

Kamdjadji Salim
Coordonnateur périscolaire

Peyronnet Quentin
Animateur et animatrice périscolaire

Tebri Mourad
Référent du secteur animations scolaires

Torres Hervé
Chef du Service Enfance et Education

Junet Astride
Chargée de projets et coordinatrice IREPS Auvergne Rhône-Alpes
contact@ireps-ara.org

Veau-Perrier Laurence
Directrice accueil de Loisirs
education@rillieuxlapape.fr

Présentation de l’intervention

Présentation de la structure

Rillieux-la-Pape est une commune de la Métropole de Lyon, qui compte plus de 30 000 habitants. C’est une ville qui allie un important territoire urbain et de nombreuses zones agricoles et espaces extérieurs (parcs, berges du Rhône, etc.). Le Centre aéré des Lônes par exemple, où s’est déroulée une grande partie du projet, s’étend sur 6 ha en pleine nature, à l’écart du centre-ville. Il existe une importante diversité parmi ses habitants, avec une partie d’entre eux qui vit dans les quartiers de la Ville Nouvelle, Quartier Prioritaire de la politique de la Ville (QPV).

La Ville gère 10 groupes scolaires répartis sur le territoire. Depuis 2014, le Service Enfance et Education vise l’épanouissement et la réussite des enfants et élèves de Rillieux, en favorisant une cohérence des postures entre les professionnels des trois temps de vie de l’enfant : scolaire, périscolaire, et extrascolaire. Il comprend environ 150 professionnels de différents métiers, notamment des animateurs, coordonnateurs, ATSEM et agents de restauration.

Contexte

Dès 2010, un diagnostic local de santé (DLS) mené par l’Observatoire de la santé Auvergne-Rhône-Alpes mettait en lumière les nombreuses ressources existantes pour les habitants et la solidarité qui caractérise les liens entre eux. Le DLS soulignait également les difficultés sociales et économiques rencontrées par une partie d’entre eux et notamment une prévalence importante du diabète et des déséquilibres alimentaires.

Initié pour donner suite à ces constats par les professionnels du service Enfance et Education, le projet « Nutrition et rythmes de vie » vise à réduire les inégalités sociales de santé en matière de surpoids et d’obésité. Il a été impulsé par le Directeur Général des Services et porté conjointement par le Service Enfance et Education de la Ville et l’IREPS ARA. Il a initialement été financé dans le cadre du programme expérimental régional de prévention et de promotion de la Santé « Périscol » porté par l’Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes. Le projet « Tout fruité » en 2017-2018 et le projet global « Nutrition et rythmes de vie des enfants de Rillieux-la-Pape » 2018-2021 ont été financés également par ARS ARA et un complément de financement a été apporté sur certaines formations par la Ville de Rillieux-La-Pape.

Son objectif est de promouvoir des rythmes de vie et une nutrition favorable à la santé des enfants à travers 5 axes stratégiques, dans une perspective de promotion de la santé :

  • Le travail sur la posture éducative des professionnels,
  • Le renforcement du lien entre professionnels et parents,
  • Le travail sur l’environnement d’accueil proposé aux enfants (coin calme, coin pour se défouler, etc.),
  • Le développement d’une organisation favorable aux rythmes de vie des enfants (temps calme/activité plus dynamique, adaptation des séances à l’état de l’enfant, prise en compte de l’individu dans le groupe, vigilance à la sédentarité, etc.),
  • L’amélioration des connaissances des enfants sur la nutrition.


Cinq ans après le début du projet, cette capitalisation d’expérience vise à mettre en lumière les savoirs d’expérience des professionnels, en creusant «comment » ces axes de travail ont été concrètement mis en œuvre par les professionnels de la Ville de Rillieux-la-Pape, accompagnés par l’IREPS ARA.

Afin de donner une vision globale des leviers mobilisés pour la réalisation de ce projet, les professionnels de différents niveaux d’intervention au sein de la Ville ont été interviewés (animateurs, coordonnateur, cadres et direction du service, et coordonnateur de l’Atelier santé ville), ainsi que la chargée de projets de l’IREPS ARA impliquée dès le début du projet.

Calendrier

Le projet s’est déroulé en trois phases :

– le projet « Périscol » en 2016-2017,
– le projet « Tout fruité » en 2017-2018,
– le projet global « Nutrition et rythmes de vie des enfants de Rillieux-la-Pape » à partir de 2018.

Les principales étapes et activités du projet sont résumées dans la frise en page suivante.

Principaux acteurs et partenaires

Principaux éléments

Type d’activités mises en œuvre

Des activités variées ont été menées au cours du projet, permettant de toucher plusieurs niveaux de déterminants de la santé, ce qui est recommandé pour agir sur la nutrition des enfants et des jeunes[1],[2]. Le schéma ci-dessous donne des exemples d’activités qui ont été mises en œuvre sur ces différents niveaux. Les leviers sur lesquels elles reposent sont détaillés dans le chapitre suivant.

Schéma adapté du schéma des déterminants sociaux de la santé (Whitehead et Dahlgren, 1991).

Principaux leviers d’action

DES LEVIERS POUR FAVORISER L’IMPLICATION DE CHAQUE PROFESSIONNEL A SON NIVEAU

Animateurs comme coordonnateurs et directeurs interrogés ont tous et toutes évoqué combien ce projet était marquant. Ils s’y sont beaucoup impliqués. Quels sont les éléments qui ont facilité cet engagement ?

  • La nutrition et les rythmes de vie : au cœur de l’accueil de l’enfant

Cantine, temps de repos, activités physiques… on touche là au cœur des missions de l’accueil de loisirs et périscolaire, et au métier même d’animateur. Les professionnels soulignent que « certains enfants sont en périscolaire de 7h à 17h30, et le mercredi au centre aéré, on a besoin d’avoir des réflexions sur les rythmes de vie » (Animateur). Il semblait donc assez cohérent pour eux de s’emparer d’un projet en lien avec ces questions potentiellement problématiques. Pour autant, cet accompagnement de l’enfant au quotidien n’est pas forcément perçu comme en lien avec la « nutrition » ou les « rythmes de vie », et ces professionnels ne se sentaient pas spontanément légitimes ou compétents pour aborder ces thèmes, notamment avec les parents.

  • Une réponse aux besoins en termes de posture et de repères sur la nutrition-rythmes de vie 

Comment gérer le bruit à la cantine, l’excitation d’après le repas, les conflits entre enfants lors de jeux compétitifs par exemple ? Comment aborder avec les parents la question des goûters, qui semblent parfois décalés ou inadaptés par rapport à l’âge ou aux besoins des enfants ? Autant de questions qui se posent au quotidien et s’avèrent parfois compliquées pour les professionnels. Ils ont pu trouver à travers ce projet un espace pour échanger sur ces difficultés, se former et co-construire des solutions.

  • Un écho à des projets ou intérêts personnels et professionnels

Sport, art, ou encore projet de diplôme professionnel… Le fait que le projet soit co-construit et adaptable dans sa forme a permis de valoriser certains centres d’intérêt ou compétences individuelles des animateurs. Par exemple, une professionnelle passionnée de modélisme a pu mettre son talent à profit pour travailler avec les enfants à la construction en miniature de leur « chambre idéale » pour travailler sur le sommeil. Une autre professionnelle a pu développer en lien avec le projet une action de plusieurs séances sur la relaxation et les rythmes de vie dans le cadre du passage de son Brevet d’État de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (BEJEPS). L’intégration de ces aspirations individuelles des professionnels dans la mise en œuvre du projet a clairement favorisé leur engagement.

D’une façon générale, la nutrition et les rythmes de vie sont des dimensions chargées d’affect et soulèvent des questions personnelles et intimes. Le lien entre objectifs professionnels et sphère personnelle est ainsi également évoqué spontanément par le responsable du service, « Ce projet est utile professionnellement, mais vient aussi soutenir des évolutions personnelles » (Chef du service).

  • Pour les coordinateurs, directeurs et cadres, une entrée en résonnance avec le processus de professionnalisation à l’œuvre dans le Service

Depuis 2014, le Service Enfance et Education s’est engagé dans un processus de structuration et de formalisation des projets, à partir notamment des principes de la « méthodologie de projet ». Du point de vue des coordinateurs et directeurs, le projet « Nutrition et rythmes de vie » s’est inscrit en cohérence avec ce processus de professionnalisation et de structuration des pratiques. Ceux qui s’y sont engagés y ont vu une occasion supplémentaire de mettre en valeur les pratiques et la réflexion systématique sur le sens des actions et activités menées au quotidien par les animateurs. À partir de l’entrée « nutrition et rythmes de vie », le travail qu’il a permis d’engager sur la « posture éducative » est ainsi venu en résonance de ce que ces managers impulsaient au sein de leurs équipes. Au-delà des évolutions individuelles des postures éducatives, l’intention dans le projet, mais plus largement au sein du service était la cohérence de postures entre les différents professionnels qui interviennent auprès des enfants.

  • L’accompagnement par une « personne extérieure »

Dans le contexte de ce renforcement de la professionnalisation, la mobilisation de chacun a également été favorisée par l’accompagnement par une personne extérieure aux services de la Ville, la chargée de projet de l’IREPS ARA. « Le fait qu’il y est une personne extérieure ça a permis de légitimer l’approche portée par le service » (Chef du service). « La 1re et 2e année, les animateurs avaient du mal à changer de posture, le fait qu’une association extérieure vienne et corrobore le discours des coordonnateurs, ça a permis de modifier les pratiques. » (Coordinateur)

Cet accompagnement a pu remplir ce rôle dans la mesure où le projet était adaptable aux réalités des professionnels (voir chapitre suivant), et que les valeurs et principes du projet étaient en complète cohérence avec ceux du Service. On peut citer parmi ceux-ci la place centrale des enfants, la réflexion sur le sens des pratiques, la participation de chacun, et l’appui sur la méthodologie de projets. 

DES LEVIERS POUR FAVORISER LE POUVOIR D’AGIR DES PROFESSIONNELS

  • La formation

Au cours du projet, plusieurs sessions de formation ont été organisées auprès de professionnels du Service. Ces formations ont été animées par la chargée de projets de l’IREPS ARA, en partant autant que possible des besoins de ces différents professionnels. Pour cela, elles ont été préparées en co-construction avec le Service Enfance- et Education. L’objectif était que les formations puissent partir des préoccupations très concrètes des professionnels et de situations vécues au quotidien qui pouvaient leur poser problème, de comprendre les réalités de travail et de s’y adapter. « L’important, c’est de partir de là où en sont les gens » (Chargée de projets IREPS ARA).


Au niveau des contenus, ces formations ont porté sur différentes dimensions :

* Un apport de connaissances : les connaissances apportées lors des formations étaient centrées sur l’alimentation, l’activité physique, mais aussi les rythmes de vie de l’enfant de manière très globale et toujours dans la perspective de renforcer la capacité d’action des professionnels « La formation a permis aux animateurs de mieux comprendre le développement de l’enfant et de mieux s’y adapter » (Coordonnateur). Par exemple ont été abordés : l’équilibre d’un repas sur plusieurs jours, le rôle du sommeil, ce que signifie concrètement « 5 fruits et légumes par jour » et les portions associées, etc. En fonction des attentes des professionnels, des thèmes plus spécifiques ont été abordés (comme le refus alimentaire et la néophobie[3] par exemple). La formation a notamment permis de déconstruire certaines idées reçues. « Expliquer que l’équilibre alimentaire ça ne se joue pas sur un seul repas, la saisonnalité des légumes, l’importance de montrer les fruits ou légumes mangés à l’enfant, des choses comme ça » (Chargée de projet IREPS ARA).

* Un travail d’identification et de réflexion sur les représentations des professionnels, en lien avec la nutrition et les pratiques des parents par exemple. L’objectif est notamment « de se décaler de ses propres représentations et notamment de tout ce qui peut être projeté sur les parents. Et aborder aussi les fonctions de l’alimentation. L’alimentation, ça ne sert pas qu’à manger équilibré. Il y a beaucoup d’autres choses qui se jouent finalement entre le parent et l’enfant, notamment quand le parent vient le chercher le soir avec un goûter. » (Chargée de projet IREPS ARA). C’est une première étape de la formation, qui va permettre aux participants de ne pas « projeter sur le parent ou sur l’enfant ce qu’on aimerait qu’il mange », mais de se sentir en capacité d’entrer dans un échange avec lui.

* Ensuite, le travail sur les postures éducatives est aussi central. Cela peut concerner le rapport aux parents, mais aussi et surtout le lien aux enfants. Comment s’exprimer de manière positive et cadrante lors d’un conflit entre enfants ? Comment gérer l’excitation des enfants au moment de retourner en classe après la pause méridienne ? Ou encore favoriser l’exploration et le fait de goûter plutôt que forcer les enfants à finir leurs assiettes ?… sont autant d’exemples où la posture est mise en jeu. Selon C. Rogers, une posture « éducative » favorisant l’apprentissage, est caractérisée par 3 « manières d’être » : l’authenticité, la considération inconditionnelle (considération de l’autre pour ce qu’il est, sans porter de jugement), et l’empathie[4]. Pour travailler les postures, les échanges de pratiques entre professionnels et la co-construction de pistes de solutions concrètes sont essentiels, chacun pouvant apporter son expérience aux autres. Il s’agit de travailler non seulement sur les postures individuelles, mais aussi une « posture éducative partagée » « Si à la cantine une des ATSEM dit à un enfant “Si tu ne manges pas t’auras pas de dessert”, alors qu’une autre va plutôt donner du pain [à la place du plat que l’enfant ne souhaite pas manger], les enfants ne savent plus trop où ils en sont et ça ne facilite pas leur quotidien. […] Souvent, le travail de groupe permet de se mettre d’accord sur les pistes, car les postures éducatives sont souvent une question de bon sens. […] Après, moi je vais appuyer sur ce à quoi il faut être vigilant et ce qui est plutôt favorable par rapport à la posture » (Chargée de projet IREPS ARA).

La posture éducative : éléments apportés par les professionnels pendant les temps de sensibilisation

Posture à privilégier :
–  Écoute
–  Bienveillance
–  Activité adaptée à l’état de l’enfant
–  Respect des émotions
–  Temps de transition entre les activités
–  Valoriser
–  Encourager
–  Se donner un cadre commun avec des règles
–  Accompagner et ne pas faire à la place
–  Accompagner à l’autonomie
–  Aider l’enfant à s’exprimer devant le groupe
 
Posture à éviter :
–  Presser
–  Crier
–  Juger
–  Dévaloriser
–  Rabaisser

* Un autre levier très important pour favoriser ce travail est la cohérence entre la posture des animateurs des formations et leur discours. Comme cela est développé dans les travaux sur les programmes de développement des compétences psychosociales[5], les intervenants ont une « fonction de modèle » : « de façon générale, et encore plus dans le cadre d’interventions expérientielles, les intervenants, dans leurs façons d’être et de faire, représentent la première source d’apprentissage pour les participants […] Ayant fonction de modèle, les intervenants sont ainsi engagés professionnellement et personnellement. »[6].

* Un travail sur le sens des activités proposées aux enfants. Cela peut consister notamment à relier systémiquement les activités prévues à un ou des objectif(s) pédagogique(s), de manière articulée sur une journée. Il s’agit notamment de voir l’activité comme un élément d’une démarche plus globale, et de réfléchir à l’environnement qu’on proposera pour sa mise en œuvre (taille de la salle, possibilité de sortir, coin calme…), ainsi que l’approche pédagogique (alternance de rythmes dans la séance, temps de transition entre les activités, etc.). Travailler sur le sens consiste aussi à réfléchir aux valeurs transmises au cours des activités : par exemple, on peut favoriser la coopération davantage que la compétition tout en gardant un aspect ludique dans les activités physiques proposées[1]. « La plupart des activités correspondaient à ce qu’on faisait déjà, mais sans y mettre le sens ou les mots dessus. On n’a pas inventé, on a modifié, adapté » (Directrice accueil de loisirs).

Au niveau de l’approche pédagogique mobilisée en formations, elles ont toutes été animées de manière expérientielle et participative. « On a abordé des notions précises et adaptées à nos publics et nos pratiques, avec une animation ludique qui nous a bien fait avancer » (Animateur). Pour cela, de nombreux outils d’animation ont été mobilisés (blason, world café, etc.).

Le cadre d’échange, posé dès l’introduction de la formation, permet de se donner ensemble les règles permettant à chacun de participer, de rappeler qu’il n’y a pas de « bonnes » ni de « mauvaises » réponses, et que les échanges restent confidentiels.

Enfin, l’un des leviers du projet, rendu possible par sa durée, a été de former un maximum de professionnels différents qui interviennent tous auprès des mêmes enfants. Ils ont entendu les mêmes choses et ont travaillé à partir de la même approche de la nutrition, des rythmes de vie et de la posture éducative, ce qui est central pour favoriser la cohérence éducative.

L’expérimentation et le partage pour montrer que « c’est possible »

Si le projet « Tout fruité » a été fondateur pour le développement du projet, il a pu, à ce moment-là, se créer un décalage entre les professionnels qui montaient en compétences et étaient très motivés,z et les autres acteurs du service.

« Les autres animateurs ne se sont pas saisis du projet au début, ils l’ont pris comme une information »(Coordonnateur) ; « Le fait que tout le monde ne soit pas formé dès le départ peut poser des problèmes de cohérence entre personnes formées/non formées » (Chef de service).  

Le projet « Tout fruité », une étape déterminante pour la suite du projet Mené sur l’année scolaire 2018-2019, il a mobilisé la directrice de l’accueil de loisirs ainsi que 4 animateurs et animatrices volontaires les mercredis après-midi. Toute l’équipe s’est très fortement impliquée et investie dans ce projet. De nombreuses activités ont été proposées aux enfants par les animateurs (Olympiades participatives, réalisation de goûters, construction d’une maquette de « chambre idéale » par les enfants, ateliers cuisines, etc.). Un jardin potager a été créé par les enfants qui ont été impliqués dans toutes les étapes de sa mise en place. Au-delà de ces activités, une réflexion sur l’organisation favorable au rythme des enfants a été conduite (mise en place un temps calme après le repas par exemple). Les professionnels ont pu observer les effets du projet sur les connaissances et attitudes des enfants, ce qui a encore renforcé leur motivation et implication (Ex. « Dans leur chambre idéale, aucun enfant n’avait placé d’écran ! »(Référent des animations scolaires).  Ce projet a également été marquant, car il a permis d’impliquer les parents, ce qui est une difficulté récurrente pour les équipes. Les parents ont été invités à plusieurs reprises à venir voir et goûter les productions des enfants, ce qui leur a permis d’échanger avec l’équipe sur les questions en lien avec la nutrition.

L’enjeu a donc été de partager cette expérience et de la rendre inspirante pour les autres professionnels du service, afin d’étendre progressivement le projet. Comme dans la littérature sur la transférabilité des interventions7, la place du contexte est très importante. Il ne s’agissait pas de reproduire à l’identique le projet « Tout fruité » dans tous les accueils périscolaires, mais bien que les coordonnateurs et animateurs se projettent dans ce « qu’ils pourraient faire dans leurs contextes avec les mêmes principes de promouvoir la nutrition et les rythmes de vie » (Chargée de projet IREPS ARA)[7].

Pour faciliter ce processus, une journée de partage et d’échange rassemblant les coordonnateurs et animateurs des périscolaires de l’ensemble des écoles de la Ville a été coconstruite par le chef du service Enfance-éducation, le référent des animations scolaires et l’IREPS ARA, et réalisée en février 2019. Pour cette journée, la chargée de projet de l’IREPS ARA et les cadres du service ont accompagné les coordonnateurs et animateurs les plus impliqués, qui avaient déjà mis des choses en place des actions sur la nutrition et les rythmes de vie sur leur terrain, à s’exprimer devant leurs collègues. Ils ont ainsi raconté de manière très concrète quelles actions ils avaient mises en œuvre, le sens de ces actions, comment ils s’y étaient pris, et quels effets ils observaient. « On a pu valoriser tout ce qu’on avait fait et c’est devenu vraiment plus concret pour les autres animateurs. Ça a pu changer le regard de certains animateurs qui ont vu par exemple l’intérêt du jardin au-delà du côté “jardinage” ». (Directrice accueil de loisirs).

L’après-midi, les professionnels ont été répartis en petits groupes pour réfléchir à comment s’approprier le projet et à ce qui pouvait être fait dans son contexte, en identifiant des pistes d’actions concrètes pour renforcer la nutrition et les rythmes de vie favorables à la santé dans son service. Cette journée a permis de donner une impulsion nouvelle au projet qui s’est étendu à d’autres équipes qui ont mis à leur tour des actions en place.

Afin de maintenir cette dynamique, une deuxième journée d’échanges a eu lieu en novembre 2019, autour du retour d’expérience de deux coordonnateurs qui avaient mené des projets avec leurs équipes à la suite de la première journée :

– Le projet « Attitude Cool » sur les rythmes de vie, ayant impliqué 14 enfants volontaires : découverte d’activités de détente, apprentissage de techniques de retour au calme et aménagement des espaces de détente dans la salle périscolaire et la cour de récréation.

– Un projet de mise en place d’ateliers jardinage et ping-pong sur le temps de pause méridienne, et d’instauration d’un temps calme avant le retour en classe.

En mars 2020, une nouvelle journée d’échanges entre les coordonnateurs périscolaires a été organisée pour partager ce que chacun avait pu concrètement mettre en place et envisager les suites à donner aux projets. Une autre journée devait être organisée en 2020 avec les animateurs, mais la crise sanitaire a empêché son organisation.

Ces journées de retours d’expériences et de partage de pratiques ont été des moments clés du projet pour beaucoup de professionnels. En plus de ces temps formels, le référent des animations scolaires a régulièrement informé les autres équipes des avancées du projet et des activités menées.

  • Un renforcement du pouvoir d’agir individuel, mais aussi collectif

L’intérêt pour ces journées montre bien que le pouvoir d’agir n’a pas été travaillé uniquement dans une logique individuelle, mais aussi collective. Lors de ces journées, les animateurs ont pu noter « qu’ils n’avaient pas toujours les mêmes manières de faire pendant les animations, mais qu’ils étaient très complémentaires. Ils ont également souligné le côté positif d’être en trinôme notamment pour passer le relais en cas de difficulté avec un enfant. Ils étaient aussi fiers de pouvoir dire : “C’est en équipe qu’on a trouvé toutes les activités” et ont tous souligné être “une équipe soudée” » [extrait du bilan du projet « Tout fruité »].

Le fait de se poser des questions sur le sens a aussi amené les animateurs à davantage communiquer entre eux sur l’articulation des activités pour respecter au mieux les rythmes de vie des enfants

Il s’agit ainsi non seulement d’assurer une cohérence entre les discours et les postures des différents professionnels, mais aussi de prendre en compte les dynamiques et travailler sur la cohésion d’équipe.

« C’est devenu vraiment un travail d’équipe. Avant c’était un coordo qui faisait son truc […]. Par exemple, un travaillait sur le bruit, l’autre sur l’aménagement de la salle. Mais il n’y avait pas de lien entre tout cela. […] Là non c’est un coordo avec toute une équipe qui a mis un projet en place » (Référent des animations scolaires).

  • Un accompagnement basé sur la co-construction

La co-construction des actions avec l’ensemble des différents acteurs du projet est également un levier pour favoriser le développement de leur pouvoir d’agir, et a été à la base de l’accompagnement réalisé par la chargée de projets de l’IREPS ARA. Pour les professionnels, il était très important que le projet soit conçu et présenté comme un cadre de travail au sein duquel une multiplicité d’actions était possible, plutôt qu’un projet standardisé qui se serait imposé à eux de l’extérieur. Tous ont souligné l’intérêt qu’une association extérieure accompagne, oriente et aide à la structuration du projet, sans imposer de « façons de faire » pensées à l’avance. C’est cette posture et cette adaptabilité qui a permis d’en faire un projet qui s’inscrive réellement dans les pratiques, porteur de sens pour les professionnels. « “Si l’IREPS était arrivée en disant voilà on a un projet ficelé, il faudra faire ça’, ça n’aurait pas fonctionné. Parfois on a des projets imposés ‘d’en haut’, standardisés […] eh bien ça ne marche pas parce qu’on n’est pas au départ du projet, on ne comprend pas forcément les objectifs, parfois on a avancé de notre côté dans une autre direction […]. Ça ne fait pas sens.” » (Directrice accueil de loisirs).


Concrètement, cette co-construction s’est opérée de l’orientation générale jusqu’aux activités menées avec les enfants et a pris la forme de très nombreux temps d’échanges -en présentiel et téléphoniques- entre les professionnels de la ville de Rillieux et la chargée de projets IREPS ARA. Par exemple, chaque réunion, formation et temps d’échange a été construit avec le chef de service, ainsi que des coordonnateurs et cadres de service, puis avec le coordonnateur ASV quand le projet s’est étendu à la ville. « Elle me donnait des idées sur lesquelles on pourrait travailler, après je réfléchissais pendant une semaine, j’en parlais à d’autres collègues, et on faisait évoluer le projet dans un échange entre nous » (Référent des animations scolaires).

Sur le terrain, les activités ont également toujours été conçues par les équipes d’animateurs, avec l’appui de la chargée de projets sur le sens des activités proposées et leur articulation. « On préparait les séances entre animateurs puis on faisait un point avec [la chargée de projets de l’IREPS ARA]. Elle était elle-même étonnée de voir les proportions que ça prenait ! Elle nous aidait sur le calendrier, avec des dates butoirs… » (Animatrice). Certains temps auprès des enfants et des parents ont également été coanimés, afin d’accompagner les acteurs jusque dans la mise en œuvre réelle des actions.

Pour la chargée de projets de l’IREPS ARA, cette manière d’accompagner en co-construction repose sur différents leviers :

* Prendre le temps de s’intégrer à l’équipe, de comprendre le contexte de travail, les enjeux et les réalités de chacun, ce qui nécessite un investissement important pour l’accompagnateur comme pour les personnes accompagnées. En ce sens, le soutien (financier et sur le fond) de l’Agence Régionale de Santé ARA et l’engagement de la Ville de Rillieux, qui ont permis que le projet se poursuive et s’étende sur 5 années, a été essentiels.  

* La construction de liens de confiance. Rester à l’écoute et accessible permet de développer progressivement ces liens et de se connaître et se reconnaître mutuellement, notamment au niveau des compétences des uns et des autres. « Chacun a son point fort et quand il y a des points faibles, on est assez à l’aise pour les partager et on s’entraide ». La qualité relationnelle entre les professionnels et l’accompagnatrice a été un levier clé du projet. « J’ai une idée d’où je veux les emmener, mais eux ils savent y aller. On va y aller ensemble. […] ça demande de cadrer, de réinterroger, mais pas de donner les réponses ».

* Le développement de ces liens avec les professionnels de tous les niveaux d’action, en s’adaptant à leurs différentes réalités. « C’est important que tous les échelons entendent la même chose et soient partie prenante de la même chose. » Cela permet en effet de « faire bouger un peu plusieurs lignes en même temps » et d’inscrire l’action de manière pérenne, malgré le turn-over qui peut exister parmi les animateurs.

* Une grande place laissée à l’informel. Se retrouver un peu avant et en restant un peu après les réunions par exemple est un moyen de partager sur un mode moins « formel » : « L’informel, ce n’est pas prendre un café pour prendre un café, c’est faire du lien, creuser, aller chercher l’info au bon moment, venir plus tôt pour sentir les choses, comprendre ce qui s’est joué lors des temps d’échange, des COPIL ».

* Une vision et des valeurs partagées. Cette qualité relationnelle a été également possible car les valeurs de la promotion de la santé et celles de l’éducation populaire portées par les professionnels du service étaient concordantes et incarnées par chacun. Parmi ces valeurs, on peut en citer deux fondamentales :

– L’engagement pour le bien-être de l’enfant, considéré comme étant au centre de toutes les actions menées.

 La valorisation des professionnels et le renforcement de leur pouvoir d’agir « Se dire que les professionnels font au mieux et si cela ne correspond pas “à ce qu’on projetterait qu’ils devraient faire”, c’est qu’il doit y avoir une raison. Donc on va aller chercher la raison (connaissances ? Environnement ? Organisation ?) et réfléchir aux moyens. » (Chargée de projets IREPS ARA).

  • Un portage institutionnel fort et un ancrage des responsables du service sur le terrain

Cet accompagnement s’est donc inscrit en pleine cohérence avec le mode de management du service qui est fondé sur l’intelligence collective, la co-construction et la participation des professionnels aux décisions : chacun participe ainsi à « faire bouger les lignes » (Chef du service). Pour la direction et les cadres du service, l’ancrage sur le terrain est aussi essentiel pour accompagner les professionnels à donner le maximum de sens à leur travail. Pour eux, il est à la fois nécessaire de valoriser les compétences des professionnels, mais aussi de donner un retour sur les pratiques et d’expliciter les choses, en ne « laissant rien passer au niveau des postures ». Il ne s’agit pas seulement de donner des objectifs aux équipes, mais de réfléchir ensemble sur « comment faire pour y parvenir », en partant de « là où en est chaque professionnel » (Chef du service).   

C’est notamment le chef du service qui a lui-même présenté le projet à l’ensemble des professionnels.

La Ville a également fortement porté le projet au niveau institutionnel, notamment en finançant les temps de travail des professionnels du service pour participer aux formations, mais aussi certaines formations, ainsi qu’en évoquant le projet dans différents documents et discours officiels. Par exemple, le Maire a évoqué le projet dans son discours d’ouverture, d’un nouveau bâtiment au centre aéré.

DES LEVIERS POUR FAVORISER L’AUTONOMIE ET LE BIEN-ÊTRE DES ENFANTS

La participation des enfants, au cœur du projet

Dans ce projet, le processus de co-construction s’est également opéré avec les enfants accueillis. Il s’agit d’un mode de travail assez habituel pour les animateurs du centre, mais qui a été encore renforcé à travers la mise en œuvre du projet. Ainsi, de nombreuses activités ont été décidées avec les enfants, en partant de leur niveau de développement, de leurs représentations, de la dynamique du groupe et de leurs envies. Leur autonomie a ainsi toujours été fa vorisée, quelle que soit l’activité menée.

Sur cette dimension également, le projet « Tout fruité », auquel les enfants ont participé de manière volontaire, a été une expérience très valorisante pour les professionnels et les enfants. Par exemple, les enfants ont fait les courses eux-mêmes au marché pour les ateliers cuisine ou les apéros avec les parents, avec un budget donné à l’avance. « On les a laissé faire, on les a laissés maîtres du projet en se disant on verra jusqu’où ça va aller. Et franchement ils ont vraiment adhéré, ils étaient partants tout le temps » (Animatrice) (voir aussi expérience du jardin ci-contre).

Au-delà de « Tout fruité », d’autres coordonnateurs et animateurs ont développé des actions participatives avec les enfants, à la suite de la journée d’échanges de février 2019. Certains animateurs ont par exemple réfléchi avec les enfants à des solutions pour atténuer le bruit à la cantine et en faire un moment plus agréable, en impliquant également les professionnels de la restauration scolaire.

 Les enfants ont par exemple décidé d’instaurer une « coupe de la meilleure table » à celle où il y avait le plus de calme, la plus propre et où il y avait le plus de collaboration et d’aide entre enfants. « On a rendu les enfants responsables, on n’a pas fait tout pour eux et on a décidé ensemble » (Animatrice).

La création d’un jardin potager : l’occasion de développer de nombreuses compétences Dans le cadre du projet « Tout fruité », un jardin potager a été créé dans l’enceinte du centre aéré. Les enfants, accompagnés par les professionnels, et en lien avec le gardien du site et le service « Espaces verts », ont participé à toutes les étapes :
– préparation du terrain,
– achat des plants et graines,
– semis et plantation,
– désherbage,
– arrosage,
– cueillette,
– cuisine de gâteaux avec les légumes récoltés (gâteau potiron/chocolat par exemple).

Les enfants étaient très intéressés par cette activité et demandaient à participer au jardin dès leur arrivée à l’accueil de loisirs. Cette action a permis d’aborder un grand nombre de dimensions en lien avec la nutrition (saisonnalité des fruits et légumes, compostage, lien avec la nature plus globalement : « Comme on a la ferme pédagogique à côté, quand les enfants désherbaient, ils les donnaient aux animaux » (Animatrice)). Toutes ces activités leur ont permis d’acquérir des connaissances et compétences tout en développant leur autonomie.
Il a permis aux professionnels de travailler à différents niveaux et d’aller plus loin que ce qu’ils imaginaient au départ : « Le jardin est né parce qu’on voulait mettre en place des activités scientifiques, sportives, culturelles, dans le prolongement des apprentissages scolaires. […] On s’est rendu compte qu’au-delà des apprentissages, ce jardin pouvait remplir d’autres fonctions, plus sociales, notamment en lien avec les émotions “Tiens tu es un peu énervé, va arroser les plantes” » (Coordonnateur). « On travaille sur comment ça pousse, d’où ça vient… avoir la patience d’arroser, de désherber. » (Directrice accueil de loisirs)
Le jardin a aussi été une occasion de renforcer les liens avec les parents qui ont pu le visiter et ont été impressionnés du travail mené avec les enfants.
Aujourd’hui, à la suite du projet « Tout fruité » et aux difficultés en lien avec la crise sanitaire, le jardin n’est plus entretenu.Pour les professionnels, il semble important que quelqu’un puisse être formé pour le faire vivre, mais cela leur semble tout à fait possible à l’avenir. 

  • Un apprentissage par l’expérience et la créativité, individuel et collectif

Cette autonomisation et le fait d’apprendre à travers des activités expérientielles et ludiques est un levier d’efficacité reconnu des actions de promotion de la santé sur la nutrition[8].   

Comme nous l’avons vu, le projet a surtout permis de renforcer la cohérence des activités menées avec les enfants et leur articulation au cours de la journée, plutôt que de mettre en place des activités nouvelles ou « en plus ». En lien avec le processus de professionnalisation déjà en cours, il a permis de travailler la formalisation des animations : « Avant toute activité, je fais une fiche-activité avec le matériel, le temps, la préparation de la salle, le déroulé, l’évaluation. Mais tout le monde ne le fait pas. […]  Il faut qu’il y ait un but, pas faire l’activité juste pour la faire » (Animatrice). 

« Le projet a aidé les animateurs à mettre du sens derrière les activités qu’ils mènent. Par exemple, derrière une chasse au trésor, on fait de l’activité physique, de la coopération, des alternances de moments de réflexion et d’action » (Directrice accueil de loisirs).

Parmi les nombreuses activités menées par les animateurs auprès des enfants, on peut citer par exemple :

– sur les rythmes de vie : réalisation de maquettes de chambres idéales en boîte de chaussure, jeu des « voleurs et amis du sommeil », ateliers relaxation, yoga…

– sur l’alimentation : ateliers cuisines, portrait à la manière d’Arcimboldo en pâte à sel…

– sur l’activité physique : olympiades coopératives, expérimentation de sports collectifs…

Toutes ces activités témoignent d’une approche positive de la nutrition et des rythmes de vie. Les animateurs se sont également appuyés sur la force du collectif et les dynamiques de groupe pour favoriser les apprentissages. Par exemple, les enfants qui ont participé au projet « Attitude cool » mené par une des coordinatrices « étaient ensuite les ambassadeurs de la détente. Ce sont eux qui présentaient aux autres comment la “salle détente” fonctionnait ». (Coordinatrice) Cela nécessite une attention aux relations entre les enfants et de poser un cadre fort. Il « faut faire attention à la cohésion et à la dynamique du groupe pour pouvoir aborder ces thèmes [en lien avec la nutrition et les rythmes de vie] Il faut tout de suite mettre un cadre de non-jugement » (Coordinatrice).

  • Cette approche ludique et expérientielle en collectif est très ancrée dans les pratiques d’éducation populaire portées par les animateurs. Ils témoignent ainsi d’une authenticité et d’une qualité relationnelle forte avec les enfants. « On a une façon de procéder avec les enfants. Quand ça commençait à partir dans le délire, dans le n’importe quoi [il y avait des sanctions] mais après, une fois que le problème était réglé, c’était réglé, on n’en reparlait plus […] Même s’il y avait des sanctions, les enfants revenaient le lendemain et nous sautaient dans les bras » (Animatrice). Des actions sur les environnements

Pour favoriser la nutrition et les rythmes de vie des enfants, en développant au maximum leur autonomie, les professionnels ont également apporté des évolutions au niveau de l’environnement d’accueil des enfants. Ainsi, à la suite de la journée d’échange de février 2019, de nombreuses actions ont été mises en place à ce niveau dans les équipes périscolaires, notamment :

– des aménagements « physiques » : par exemple, dans le projet « Attitude Cool » : « On sortait les transats et les livres, les enfants venaient eux-mêmes prendre un transat pour être au calme, dehors, avec un petit bouquin » (Coordonnatrice)
* mise en place d’un thermomètre sonore pour que les enfants limitent par eux-mêmes le bruit au restaurant scolaire

* Coin ou salle mis à disposition pour les enfants qui souhaitent un temps de repos ou de calme


– des évolutions organisationnelles :

* proposition d’activités physiques aux enfants de manière plus régulière,

* changement de l’organisation de la sieste : toute l’équipe participe au temps d’endormissement, 

* temps calme plus long,

* accompagnement des enfants vers leurs classes,  

* se donner un cadre de règles claires et le communiquer aux enfants : « goûter les repas à midi, rester assis à table avec une posture favorable au repas » (Coordonnatrice).

  • L’implication des parents

La participation et l’accompagnement des parents sont l’une des priorités du Service Enfance et Education. Cela fait aussi partie des recommandations pour la mise en œuvre d’interventions sur la nutrition des enfants et des jeunes[9]. Bien que cela soit souvent difficile à mettre en œuvre pour les professionnels, plusieurs leviers pour favoriser l’implication des parents[10] des enfants accueillis ont été mobilisés, en particulier dans le projet « Tout fruité ». « Dans ce projet, on a mis la famille au centre » (Référent des animations scolaires). Parmi les leviers mobilisés pour le faire, on peut souligner :

– L’appui sur les liens parents-enfants : au cours du projet, les enfants ont invité leurs parents à chaque veille de vacances scolaires à venir partager un « apéro » préparé par leur soin (achat des aliments, préparation, installation…), à observer les productions qu’ils avaient réalisées (maquette de chambre idéale…), à visiter le jardin potager qu’ils avaient créé, etc. « Les parents disaient au départ qu’ils n’avaient pas le temps. Ce sont les enfants qui insistaient pour que les parents restent, partagent le goûter, visitent le jardin. À 19-20h ils étaient toujours là, ils nous disaient que c’est extraordinaire ce qu’on fait » (Animatrice). Cela a été très valorisant pour les enfants, et leur a permis de vivre de réels moments de partage avec leurs parents autour de la nutrition.

 À partir des productions des enfants, des échanges ont pu être engagés. Par exemple, lorsque les enfants ont présenté leur « chambre idéale », des discussions ont pu avoir lieu sur l’intérêt des écrans et les impacts possibles sur le sommeil.


– L’apport non-jugeant et non-stigmatisant, d’informations concrètes, de manière bienveillante, sur des sujets qui touchent les parents dans leur vie quotidienne. Ces temps étaient ainsi l’occasion de faire passer des messages en s’appuyant sur les cultures des personnes, et en montrant qu’elles pouvaient réaliser des goûters à la fois appréciés des enfants, peu chers, simples et rapides.


– L’adaptation de la communication, afin d’être compréhensible par tous et de donner envie aux parents de participer au projet. Par exemple, l’invitation des parents à ces temps a été retravaillée en lien avec le Service communication de la Ville. « Au début on avait fait un courrier administratif. Les parents ne venaient pas. Avec [la chargée de projets IREPS ARA], on a retravaillé avec le service reprographie sur un flyer. Au début on n’était pas tous d’accord. Certains d’entre nous trouvaient qu’avec les images, les couleurs… c’était trop enfantin. Mais finalement ça a bien marché, les enfants étaient fiers de donner ce flyer et les parents sont venus » (Directrice accueil de loisirs).

– Un travail sur l’accessibilité physique du projet : l’accueil de loisirs est situé à l’écart du centre-ville et certains enfants viennent et repartent en car. Les professionnels n’ont donc pas toujours d’échanges directs avec les parents. Afin de donner la possibilité à chacun de venir aux temps d’apéros partagés, il a été envisagé de mettre en place un véhicule pour venir chercher les parents des Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville (QPV) qui n’avaient pas de véhicule pour se déplacer. Cependant, cela n’a pas fonctionné et toutes les familles n’ont pas participé à ce temps.

Malgré cela, le lien créé avec les parents au cours du projet « Tout fruité » a été très marquant pour les professionnels. « C’est ce qui a été le plus gratifiant pour nous dans le projet » (Animatrice). Suite aux journées de partage en 2019, d’autres équipes ont également travaillé sur ce lien avec les parents avec l’organisation de rencontres, de temps conviviaux (activité sportive parents/enfants, goûters partagés, etc.).

Les acteurs soulignent que « ça reste délicat » (Directrice adjointe périscolaire), mais témoignent qu’après les temps d’échanges et de formations, ils se sentent aujourd’hui plus à l’aise et légitimes pour aborder ce sujet avec les parents, lorsqu’ils viennent chercher leur enfant le soir par exemple (lorsqu’il y a une difficulté à la cantine, ou des goûters apportés par l’enfant qui ne leur semble pas adapté, ou autre). 

DES LEVIERS POUR ÉTENDRE LE PROJET À D’AUTRES ACTEURS DE LA VILLE

Cette partie fera l’objet d’une fiche de capitalisation complémentaire lorsque les actions auront été finalisées.

  • La formation d’autres professionnels du service

Depuis l’année scolaire 2019-2020, le Service a connu une importante réorganisation, l’ensemble des activités périscolaires en élémentaire et des loisirs ayant été externalisé à un opérateur privé. Deux temps de sensibilisation des professionnels de cette nouvelle structure ont été réalisés en 2021.

Cela a également eu pour conséquences de recentrer l’accompagnement sur les professionnels du service intervenant au cours de la pause méridienne. Ainsi, en 2021, suite à un recensement des besoins des ATSEM par questionnaire, une formation de deux jours à la nutrition et aux rythmes de vie sur le temps de la pause méridienne a été réalisée auprès de l’ensemble des 52 ATSEM et leurs 8 coordonnateurs intervenant dans les écoles publiques de Rillieux-la-Pape.

Des rencontres avec le responsable de la restauration collective ont également été réalisées pour former l’ensemble des agents en 2022.

  • L’extension aux autres acteurs de la ville

Afin d’assurer la pérennité du projet et de renforcer la culture commune et la cohérence des postures entre les professionnels du service, mais aussi aux autres professionnels de la ville qui interviennent auprès des enfants de 0 à 10 ans, plusieurs actions ont été menées. Si la question de l’alimentation et des rythmes de vie est au cœur de la pratique de nombreuses structures et acteurs, il n’est cependant pas toujours évident de mobiliser les partenaires autour de nouveaux projets. Afin de mobiliser le réseau partenarial des ASV et de favoriser une dynamique à l’échelle de la ville, le coordonnateur de l’Atelier Santé Ville (ASV) a été intégré dans le comité technique du projet à partir de 2019. Celui-ci a ainsi participé à la construction des différentes étapes et actions depuis cette date. Afin de sensibiliser et impliquer les structures, le coordonnateur mobilise les leviers reconnus du partenariat[11], notamment : la transparence des informations données à chacun, une attention à la qualité des relations interpersonnelles permettant de favoriser des liens de confiance, et l’accompagnement des acteurs à se sentir légitimes à intervenir sur les questions de nutrition. Il s’agit aussi d’être vigilant par rapport aux différents projets qui peuvent peser sur les acteurs. « Il faut être vigilant à la surmobilisation des acteurs qui interviennent au plus près des publics à qui on demande d’intervenir sur un nombre croissant de thématiques » (Coordonnateur Atelier Santé Ville (ASV)).

Un questionnaire a été envoyé aux structures partenaires de l’ASV pour repérer les besoins d’accompagnement sur la nutrition et des rythmes de vie des 0-10 ans, et plusieurs temps de réunions ont été organisés pour présenter le projet et les possibilités d’actions. Cette mobilisation prend du temps et la crise sanitaire de 2020-2021 l’a également rendue plus compliquée. Différentes perspectives ont toutefois pu être envisagées avec notamment des temps de formations auprès des professionnels des centres sociaux et de l’opérateur des activités loisirs et périscolaire élémentaire depuis 2021, Léo Lagrange.

  • L’articulation avec d’autres projets sur le territoire

Depuis 2020, l’ADES du Rhône et de la Métropole de Lyon met en place le projet « Recettes pour bien grandir » à Rillieux, financé dans le cadre du programme « PACAP » (Petite enfance, alimentation, corpulence, activité physique) de l’ARS ARA. Initialement mis en œuvre auprès des écoles des QPV de la ville, ce projet visant la santé globale des 3-6 ans et la réduction des inégalités sociales de santé s’est élargi à d’autres structures petite-enfance.

Plusieurs réunions de concertation ont été réalisées entre le Service Enfance et Education, l’IREPS ARA et l’ADES pour articuler ces actions et le projet « Nutrition et rythmes de vie ». Ainsi pensés en complémentarité, ces deux projets permettent une approche globale et cohérente de la communauté éducative, en s’appuyant sur les mêmes stratégies de formation et d’accompagnement des professionnels, aussi bien en milieu scolaire qu’en péri- et en extrascolaire. L’accompagnement des acteurs du territoire intéressés pour travailler la nutrition et les rythmes de vie est actuellement réparti par binômes en fonction de l’âge des enfants concernés avec des binômes Ville/ ADES, ou Ville/IREPS ARA, avec la création d’un comité technique de suivi réunissant les référents des 3 groupes pour s’articuler.

Les liens sont également créés au niveau de la Ville avec d’autres dynamiques en cours comme le projet de « Cité éducative ».

  • L’inscription de la promotion de la nutrition et des rythmes de vie dans les politiques publiques

La pérennisation des projets et l’action durable sur les environnements en matière de nutrition impliquent d’agir non seulement au sein des différentes structures du territoire, mais aussi sur les dimensions politiques et programmatiques. Depuis l’automne 2020, un nouveau Diagnostic local de santé (DLS) est réalisé par l’Observatoire régional de la santé, et un Contrat local de santé (CLS) est en cours de formalisation entre la Ville de Rillieux-la-Pape et l’ARS ARA. Dans ce cadre, une fiche-action spécifique à la nutrition et aux rythmes de vie sera rédigée en 2022, en co-construction entre la ville, l’ARS, l’ADES et l’IREPS ARA.

  • La préparation de la fin d’accompagnement par l’IREPS ARA

La pérennisation des projets de promotion de la santé implique une autonomisation de plus en plus importante des acteurs du territoire et un retrait progressif de l’accompagnement. Elle est essentielle pour que les effets d’une intervention puissent perdurer alors même que les financements ou accompagnements extérieurs se terminent. C’est une donc une étape clé qui nécessite d’être anticipées et évoquées clairement dès le départ à toutes les parties prenantes. Plusieurs leviers d’efficacité ont été mobilisés tout au long du projet, et dès son démarrage, pour favoriser cette pérennisation [12]:

– le partage du pilotage du programme dès le démarrage, pour favoriser son appropriation par tous. Cette dimension a été centrale dans le projet, permettant que les acteurs aient été dès le départ dans une situation d’autonomie vis-à-vis du programme, et puissent ainsi plus facilement le faire perdurer,

– Le travail de partage d’expérience et de co-construction entre les différents professionnels impliqués dans le projet leur a permis de « donner un sens au programme en lien avec leurs missions, intérêts et publics propres »,

– L’inscription de la nutrition et des rythmes de vie dans le CLS traduit également l’intégration dans les politiques publiques de cette question non seulement au sein du Service Enfance et Education, mais sur le territoire plus largement, enjeu clé pour la pérennisation des actions,

– Enfin, la formation des professionnels, ainsi que les modifications physiques et organisationnelles (jardin, temps calme instauré avant le retour en classe, etc.), sont des actions qui perdurent et ont des effets bien au-delà de la fin de l’accompagnement.

Principaux freins rencontrés et limites du projet

Malgré un contexte très favorable, plusieurs freins rencontrés et limites du projet peuvent être soulignés :

  • La réorganisation du service et l’arrivée d’un prestataire externe pour la gestion du périscolaire en élémentaire et des loisirs. Celui-ci répond à un cahier des charges rédigé en partie par le chef du Service Enfance et Education et intègre notamment les objectifs du projet nutrition et rythmes de vie, et plusieurs professionnels ont été recrutés parmi l’équipe d’animateurs qui travaillaient déjà au sein du service. Cependant son arrivée reste encore récente et son organisation est différente de celle qui existait précédemment. Cette restructuration a nécessairement impacté le service et le projet. En particulier, elle a entraîné un resserrement de l’accompagnement sur le temps méridien, ce qui a pu mettre au second plan la question de la participation des parents
    • La crise sanitaire liée au coronavirus et les différentes périodes de confinement ont rendu difficile l’organisation de temps collectifs en 2020-2021, et freiné la construction d’une dynamique au-delà du Service à l’échelle du territoire. Elle a par ailleurs renforcé le turn-over et les difficultés à recruter des professionnels dans certaines structures. Même si certaines pratiques semblent aujourd’hui bien instituées, ce turn-over des acteurs peut induire un risque que certains acquis, en termes de postures notamment, se perdent au cours du temps.
    • Plusieurs professionnels ont indiqué qu’ils aimeraient avoir davantage de temps de coordination et d’échanges de pratiques en dehors des temps d’animation auprès des enfants. Malgré la prise en charge par la Ville de plusieurs journées d’échange et temps de formations, plusieurs temps d’échanges et activités ont été préparés sur leur temps personnel.
    • Malgré tout l’intérêt que peuvent y trouver les professionnels au niveau éducatif, il est difficile de faire vivre le jardin après la fin du projet « Tout fruité ». Comme vu plus haut, il semblerait important que quelqu’un soit formé et puisse avoir du temps dédié à cette tâche et les compétences pour s’en acquitter.
    • Le financement du projet sur plus de cinq ans a été déterminant pour sa réussite. Il faut toutefois souligner qu’il n’a pas été prévu dès le départ sur cinq ans, mais a été reconduit d’année en année au cours des trois premières années. La planification du projet aurait été différente si cela avait été le cas, la dynamique de ville et le lien avec l’ASV auraient notamment pu se faire plus en amont.   
    • Bien que le projet ait pris une ampleur importante en termes d’évolution des environnements et de complémentarité des professionnels formés, il est plus difficile d’agir sur certains éléments plus « structurels », sur lesquels le service n’a pas de marge de manœuvre comme la qualité des locaux des cantines par exemple. L’inscription des principes du projet dans le futur Contrat Local de Santé (CLS) est toutefois un levier pour des perspectives d’évolution à ces niveaux.

Principaux effets observés par les professionnels

Parmi les effets que les professionnels citent comme ayant perduré suite au projet, on peut citer :

AU NIVEAU DES PROFESSIONNELS

  • Une intégration dans les pratiques quotidiennes

Cela se traduit notamment par une prise en compte du rythme et de l’état de fatigue des enfants, avec la proposition d’activité pour se défouler ou au contraire plus calmes. « Avant on établissait le programme d’activité pour la semaine, maintenant on s’adapte constamment au rythme et aux besoins des enfants. J’ai vraiment évolué par rapport à ça. » (Animateur).

Les animateurs réfléchissent aujourd’hui à comment installer la salle de telle ou telle manière pour favoriser les rythmes de vie des enfants « [une animatrice] par exemple, quand elle installe son bâtiment, elle prévoit toujours une salle pour ceux qui veulent se reposer. Il y a toujours un petit coin. » (Directrice accueil de loisirs).

  • Le sentiment d’avoir plus de connaissances et de compétences en lien avec la nutrition, ce qui leur permet d’être plus attentifs à ce que mangent les enfants, et à pouvoir aborder plus facilement ce sujet avec les parents.
  • Une évolution des postures éducatives 

Les animateurs observent qu’ils ont aujourd’hui une manière plus positive de gérer les conflits, en encourageant les bonnes postures plutôt que de les sanctionner. « Tout a changé. Concernant la pause méridienne, on aborde les choses différemment maintenant. Le rapport avec l’enfant a changé. On est plus seulement en situation d’adulte qui interpelle un enfant sur une situation conflictuelle, on est plus sur un échange » (Directrice adjointe périscolaire). Ils donnent aussi plus de sens au quotidien, par exemple, au moment du repas « au lieu de dire “On mange”, on se demande “Qu’est-ce qu’on mange.” » (Animatrice).

  • L’articulation des professionnels entre eux et la cohésion d’équipe

Le projet a parfois permis de faire évoluer les postures des coordonnateurs : « Finalement cette expérience m’a apporté plus de confiance dans mon équipe. [J’ai appris à] lâcher du lest, être plus dans l’échange » (Coordonnateur). De plus, le fait de se poser des questions en lien avec le projet a amené les professionnels à communiquer et à se coordonner entre eux sur les activités pour respecter au mieux les rythmes de vie des enfants. (En se disant par exemple, « toi tu fais une activité calme sur l’alimentation, je vais faire ensuite une activité physique à l’extérieur » (Directrice accueil de loisirs). « Je pense qu’au niveau de leurs postures aussi, ils ont bougé en collectif, d’une manière globale » (Chargées de projet IREPS ARA). Cela a pu les amener aussi à communiquer sur ces sujets auprès d’autres professionnels, qui ont pu de leur place également valoriser le travail des animateurs. Certains enseignants ont par exemple dit aux animateurs que les enfants étaient plus calmes en classes suite aux évolutions sur le temps méridien.

AU NIVEAU DES ENFANTS 

Les professionnels rapportent aussi d’autres évolutions au niveau des enfants :

  • Un climat plus favorable avec plus de calme au moment de la cantine par exemple : « le travail réalisé par [l’une des animatrices] a permis de désengorger mon bureau. […] Il y a moins de disputes, moins d’incidents » (Coordonnateur).
  • Plus d’autonomie et de responsabilité des enfants qui débarrassent leur table, compostent et retournent le tas de compost, ou qui vont spontanément et en autonomie arroser les plantes ou faire un temps calme.
  • Une évolution des connaissances des enfants sur l’alimentation et un vocabulaire plus riche.
  • Des changements de pratiques observés dans les goûters apportés par les enfants. De plus « Pour certains enfants qui n’ont pas de goûter on récupère des fruits à la cantine et on leur distribue, même ceux qui ont des goûters ils sont demandeurs, c’est là où on a vu… » (Animateur).

AU NIVEAU DES PARENTS (projet « Tout fruité » principalement)

Selon les professionnels, l’implication des parents dans le projet « Tout fruité » a permis :

  • Des prises de conscience par rapport à l’alimentation par exemple, avec des découvertes et partages d’idées de goûters rapides à faire avec des produits simples, ou « de nouvelles façons de faire un apéritif entièrement à base de légumes et sauces yaourt » (Animatrice).
  • Des goûters plus adaptés apportés à l’école : « Il n’y a plus de chips, plus de nouilles » (Animateur).
  • Une évolution des perceptions : lesparents se sont dit étonnés de ce que pouvaient goûter et apprécier leurs enfants, ou de ce qu’ils avaient pu réaliser notamment au jardin potager.
  • Une évolution des liens parents-professionnels. À la suite du projet, les parents ont pu mieux comprendre qu’il y a un sens derrière les activités en lien avec la nutrition, qu’elles ne sont pas juste occupationnelles. Ils ont aussi été rassurés de voir que les animateurs étaient à l’aise avec ces questions. Au cours du projet, lorsque les parents venaient chercher leur enfant, « parfois ils allaient s’asseoir pour finir l’activité avec l’enfant avant de partir. Avant ils s’arrêtaient au portail, donc c’était quand même un changement dans la manière de voir les choses. » (Chargée de projets IREPS ARA).

Cela s’est traduit plus largement par un renforcement des liens de confiance, bien au-delà du projet : « Suite à ça on a eu des relations, je ne dirais pas amicales, mais le contact se fait mieux […] Ces moments permettent aux parents de voir que les enfants sont bien [à l’accueil de loisirs] » (animatrice). « Du coup derrière, ça débloque plein de choses par rapport à quand ça se passe mal avec un enfant » (Chargée de projet IREPS ARA).

Conclusion

Le projet « Nutrition et rythmes de vie à Rillieux » est un projet de promotion de la santé co-construit pour s’adapter au mieux au contexte et à la réalité des acteurs, tout en mobilisant des leviers d’actions probants (formation des professionnels, inscription dans la durée, activités expérientielles et autonomisantes menées auprès des enfants, actions sur les environnements physiques et organisationnels, participation des parents et articulation entre activités physiques, nutrition et rythmes de vie favorables à la santé[13]). Ces leviers ont permis de produire des effets notamment au niveau des postures des professionnels et des attitudes des enfants accueillis.  

En conclusion, plusieurs éléments clés peuvent être soulignés :

– L’investissement de tous les professionnels de la Ville, acteurs auprès des enfants, ainsi que les cadres et responsables de service fortement mobilisés et ancrés sur le terrain. Il faut souligner également le soutien institutionnel fort dont a bénéficié le projet (financement de formation pour l’ensemble des ATSEM, restauration collective, etc.). Cela a permis que le projet se poursuive et s’étende malgré les importants changements organisationnels au niveau des loisirs et du périscolaire.

– Un contexte favorable avec notamment un lien fort entre les habitants et professionnels de la Ville, beaucoup d’animateurs et également de responsables qui sont issus du territoire, un espace d’accueil de loisirs de plusieurs hectares en pleine nature, etc.

– Un accompagnement fondé sur la co-construction et l’adaptation aux réalités des professionnels.

– Un financeur qui a soutenu fortement le projet depuis le départ, et qui est resté à l’écoute des réajustements nécessaires notamment au niveau de la temporalité et la réorientation de certaines actions.


[1]SIPrev Nutrition.- Chaire de recherche en prévention des cancers INCa/IReSP/EHESP, 2017

[2] Recensement et propositions pour le développement d’interventions efficaces sur l’alimentation et l’activité physique en direction des jeunes. – Santé publique France, 2017

[3] Réticence à goûter des aliments nouveaux/inconnus, courante entre 18 et 24 mois

[4] Rogers C R.- Liberté pour apprendre.- Dunod, 2013

[5] Lamboy B, Shankland R, Williamson M-O.- Les compétences psychosociales : Manuel de développement.- DeBoeck, 2021

[6] Ibid, p. 33

[7] Villeval M.- Définitions et enjeux autour de la transférabilité des interventions en promotion de la santé.- IREPS ARA, 2018

[8] Savoirs d’intervention.- IREPS ARA, 2022

[9] Op. Cit.- Santé publique France, 2017

[10] Savoirs d’intervention / Nutrition : Stratégie probante. Mise en œuvre d’activités interactives.-  IREPS ARA, 2022

[11] Cornibert A-C, Pelosse L.- Le partenariat en promotion de la santé : Ce qu’il recouvre, ce qu’il produit et le faire vivre en pratique.- IREPS ARA, 2019

[12] You C, Joanny R, Ferron C, et al.-  Intervenir localement en promotion de la santé : Les enseignements de l’expérience du Pays de Redon-Bretagne Sud.- Chaire « Promotion de la Santé » à l’EHESP ; EHESP, 2017, pp. 128-143

[13] Op. Cit.- Santé publique France, 2017