L’aide à l’arrêt du tabac chez les publics prioritaires en Loir-et-Cher

L’Association VRS porte depuis 2019 le projet d’aide à l’arrêt du tabac chez les publics prioritaires en Loir-Et-Cher. Ce projet vise à accompagner vers la réduction ou l’arrêt de la consommation de tabac des personnes en situation de précarité et vivant dans trois territoires isolés du département, marqués par de fortes inégalités sociales de santé.

Pour atteindre les populations concernées, une infirmière-tabacologue et une chargée de prévention de l’Association VRS interviennent au sein des Maisons de Service au Public des territoires, en partenariat avec les professionnels de ces structures.

Dans ce cadre des sessions d’information grand public, des consultations individuelles et de la délivrance d’ordonnances pour des produits de substitution sont proposées pour accompagner celles et ceux qui le souhaitent.

Présentation de l’intervention

Présentation de la structure

L’Association Vers un Réseau de Soin (VRS) est composé de trois pôles :

  • un CSAPA (Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie)
  • un CAARUD (Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des Risques pour Usagers de Drogues)
  • un service prévention – formation, qui pilote le projet d’aide à l’arrêt du tabac chez les publics prioritaires en Loir-et-Cher.

Les professionnels du service prévention – formation réalisent des actions de prévention et de développement des compétences psychosociales en milieu scolaire, de la maternelle au lycée. En ce qui concerne les formations, elles sont réalisées auprès d’acteurs de première ligne, professionnels du social et du médicosocial, afin de les former à sensibiliser, repérer, et orienter le public sur les addictions.

Contexte

Au sein du CSAPA et du CAARUD, l’association VRS reçoit des personnes qui font face à des multiples difficultés (non-emploi, isolement, faibles revenus, sans-abrisme) et qui sont des consommateurs de substances addictives, dont le tabac. Alors que la lutte contre le tabagisme des personnes en situation de vulnérabilité est un axe prioritaire des politiques nationales de santé publique, celle-ci n’était que peu abordée au sein des activités de prévention de l’association. Afin de contribuer à l’effort national de lutte contre le tabagisme, l’association a souhaité mettre en œuvre ce projet d’aide à l’arrêt du tabac chez les publics prioritaires en Loir-et-Cher.

Objectifs

Le principal objectif est d’accompagner vers l’arrêt les fumeurs de trois territoires présentant des inégalités sociales de santé en Loir-et-Cher : les cantons du Perche et de la Sologne, ainsi que la communauté de communes du Val de Cher-Controis. Pour ce faire des sessions d’information au sein des MSAP , des suivis individuels et collectifs, sensibilisation de professionnels relais ainsi que la délivrance d’ordonnances pour des traitements de substitutions sont réalisés.

Calendrier

Partenariats

Plusieurs partenaires concourent à la réalisation de ce projet, dont notamment les Maisons de Service au Public (MSAP[1]). Ces structures regroupent de nombreux services administratifs tels que La Poste, la CAF, Pôle Emploi, et offrent la possibilité d’utiliser des ordinateurs. Ces structures permettent aux personnes habitant des territoires isolés de retrouver les différents services publics au sein d’un même lieu.

Sur le territoire de la Sologne, particulièrement peu peuplé, les agents des différents services tiennent des permanences uniquement une à deux demi-journées par semaine. Les trois MSAP de ce territoire, situées dans les villes de Neung-sur-Beuvron, Lamotte-Beuvron et Salbris ont accueilli les professionnelles de l’Association VRS afin qu’elles puissent intervenir au plus près des populations.

Elles ont ainsi collaboré avec l’association VRS pour :

–             Mettre un bureau à disposition afin que l’infirmière-tabacologue de l’association puisse y tenir des permanences hebdomadaire. Organiser des journées de sensibilisation sur le tabac, et mettre en place des stands d’information au sein de la structure,

–             Sensibiliser les agents des structures sur la thématique du tabagisme, afin que ceux-ci sensibilisent à leur tour les publics et informent des services proposés par l’infirmière-tabacologue (permanences, ordonnances de produits de substitution, counseling, suivi individuel).

Les professionnels de santé et du social des territoires sont également des partenaires du projet. Ces derniers ont pour rôle d’identifier au sein des personnes accompagnées, celles qui souhaiteraient diminuer ou arrêter leur consommation de tabac et être suivies par l’infirmière-tabacologue de l’Association VRS.

Intervenant en dehors du CAARUD et du CSAPA de l’Association VRS, l’infirmière-tabacologue n’a pas le droit de délivrer des médicaments et peut seulement délivrer des ordonnances. Afin de permettre aux personnes sans couverture maladie, ou ne pouvant pas avancer les frais, d’obtenir rapidement des médicaments, des accords ont été passées entre l’Association VRS et les pharmacies du territoire. Lorsqu’une personne présentait une ordonnance signée par l’infirmière-tabacologue, la facture était envoyée directement à l’association, qui réglait la somme, et la personne obtenait immédiatement les médicaments.

L’ARS Centre-Val de Loire a mandaté un cabinet de conseil pour accompagner l’Association VRS dans l’élaboration des outils d’évaluation du projet.

Principaux acteurs et partenaires

Principaux éléments saillants

Émergence du projet

Dans le cadre du plan national de lutte contre le tabac 2018-2022[1] et du fonds de lutte contre le tabac[2], l’ARS Centre – Val de Loire a lancé un appel à projet à l’été 2018[3] afin de financer des projets visant à « Aider les fumeurs à s’arrêter ». Cet appel à projet porte notamment sur des actions réalisées auprès des publics prioritaires, dans une volonté de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. L’Association VRS a saisi cette occasion pour proposer un projet visant à réduire le tabagisme chez les habitants des zones isolées et défavorisées du département du Loir-et-Cher.

Élaboration du projet

Afin d’identifier les territoires isolés et présentant de fortes inégalités sociales, l’association s’est appuyée sur les cartes de l’Observatoire Régionale de Santé[4]. Trois zones défavorisées et dépourvues de structures de santé ont ainsi été localisées : les cantons du Perche, de la Sologne et la communauté de communes du Val de Cher-Controis.

Afin d’assurer une présence hebdomadaire au sein des territoires, il est prévu dès le départ d’intervenir sur un territoire par an, en commençant par le canton de la Sologne, de mars à décembre 2019.

On a souhaité informer tous nos partenaires locaux afin qu’ils passent l’information. Le but, c’était vraiment de réaliser un travail partenarial ; on ne voulait pas juste venir sans s’organiser avec eux. De notre côté, on passe l’information au public. De leur côté, les partenaires pouvaient déceler quelque chose pendant leurs permanences, ou les usagers pouvaient parler de leur consommation de tabac. Donc, c’était l’occasion de passer l’information, d’informer de la permanence dans les mêmes locaux.

Clarisse Perruchot, chargée de prévention des conduites addictives


Mobilisation du public

Afin de mobiliser le public, l’Association VRS met en œuvre plusieurs stratégies :

  • Des stands sont installés dans les halls d’accueil des MSAP, et sont tenus durant une demi-journée par la porteuse du projet ainsi que par l’infirmière-tabacologue. La présence des deux professionnelles est complémentaire : la porteuse de projet, par ses compétences d’animatrice, attire les usagers des MSAP, en les invitant notamment à utiliser les différents outils ludiques présents sur les stands (testeur de monoxyde de carbone, flyers, des cartes INFO-INTOX[5], etc.). La présence de l’infirmière permet, quant à elle, de pouvoir prendre immédiatement rendez-vous pour une consultation individuelle et éviter ainsi que les personnes concernées aient à rappeler ou à revenir plus tard. Des gâteaux sont également distribués sur le stand pour faciliter les premiers échanges avec les usagers des MSAP.
  • Les responsables et les professionnels des MSAP ont pour rôle de repérer durant leurs entretiens avec les usagers des MSAP, ceux qui souhaitent arrêter ou réduire leur consommation de tabac. Dans ce cas, ils les orientent vers l’infirmière-tabacologue et proposent un rendez-vous dans la demi-journée si elle est sur site. Ils informent également les personnes de la présence du stand de l’association VRS lorsqu’il est en place et les invitent à s’y rendre.
  • Des campagnes de communication ont été mises en œuvre. Des campagnes sont réalisées sur les réseaux sociaux des MSAP et sur les pages Facebook des mairies et structures médico-sociales des territoires. Des affiches sont également posées à l’extérieur des MSAP ainsi que dans les différentes communes des territoires alentours. Des campagnes de mailing et d’appels téléphoniques ont également été mises en œuvre auprès des professionnels de santé (pharmaciens, médecins généralistes, infirmiers) du territoire.
  • Afin de permettre à un maximum de personnes de s’engager dans un suivi individuel, la participation est volontaire. Les personnes sont immédiatement informées qu’elles peuvent arrêter les suivis individuels dès qu’elles le souhaitent.
  • Une campagne téléphonique de sensibilisation auprès des professionnels de santé (généralistes, infirmiers, pharmaciens) du territoire a également été mise en œuvre. L’Association VRS les a contactés durant les campagnes de communication afin les inviter à informer leurs patientèles sur les activités réalisées au sein des MSAP et de les sensibiliser à la problématique du tabagisme.

Stratégies de mise en œuvre

D’avril 2019 à janvier 2020, l’Association VRS est intervenue au sein de trois MSAP dans le canton de la Sologne, à Neung-sur-Beuvron, Lamotte-Beuvron et à Salbris. Afin de collaborer avec ces structures, l’Association VRS a présenté le projet aux responsables des MSAP. Or un des objectifs des MSAP est d’accueillir des acteurs de services publics, notamment médico-sociaux, afin qu’ils soient accessibles aux populations des territoires concernés. Ainsi, la MSAP a accueilli très favorablement l’Association VRS et a facilité l’organisation des différentes activités du projet.

« J’ai connu la première responsable MSAP par le bouche à oreille. Je l’ai contactée afin de lui proposer d’intervenir et d’utiliser ses bureaux disponibles. Je l’ai rencontrée et elle a été très ouverte au projet. Je lui ai présenté les différentes activités et elle m’a informée avoir des bureaux faits pour les partenaires : « Le but c’est de faire venir des professionnels sur place pour éviter que le public ait à se déplacer trop loin. On a remarqué qu’ils ne se déplaçaient pas du tout sinon ». Son but c’était de faire venir des partenaires donc elle était tout à fait favorable au projet. Ensuite, elle m’a donné le contact d’une collègue responsable de MSAP sur une autre maison de services au public dans une autre ville, et ça s’est passé de la même manière. Et puis, sur une troisième MSAP, et ça s’est passé de la même manière. »

Clarisse Perruchot

Lors des interventions dans le canton de la Sologne, il était initialement prévu la mise en œuvre de séances collectives d’informations auprès des usagers des MSAP. Cependant, trop peu de monde a souhaité participer. Pour parer à cette difficulté, les temps consacrés aux séances collectives ont été basculés en temps d’information. Ainsi, des stands ont été installés toutes les deux semaines au lieu d’une fois par mois comme cela était prévu initialement.

Mobilisée principalement au CAARUD de l’Association VRS, l’infirmière-tabacologue ne pouvait être présente aux MSAP que le mercredi. Afin de pouvoir offrir plus de créneaux aux usagers, l’infirmière-tabacologue a alors proposé des rendez-vous par visioconférence. Cependant, cette solution n’a pas trouvé suffisamment d’intéressés. En effet, les participants ont partagé le fait qu’ils souhaitaient uniquement réaliser les rendez-vous en présentiel, évoquant notamment le fait que cela rompt leur isolement.

Afin d’élaborer les grilles d’entretiens et de répondre aux demandes des participants, l’infirmière-tabacologue s’est notamment appuyée sur le livret « Accompagner l’arrêt du tabac avec succès » du RESPADD[6]. Durant les entretiens individuels menés par l’infirmière, la consommation de tabac est souvent apparue comme une porte d’entrée permettant d’aborder de nombreuses problématiques. Ainsi, lors de ces entretiens, les usagers évoquaient principalement la consommation de cannabis, mais également d’alcool, et moins fréquemment d’autres substances addictives.

Si les usagers souhaitaient être accompagnés dans le cadre de leur consommation de substances addictives autre que le tabac, il leur était proposé des rendez-vous dans les CSAPA ou CAARUD de l’association pour une prise en charge plus spécifique. Durant ces rendez-vous, les personnes partageaient également différentes problématiques que sont celles du logement, des relations familiale, ou encore du manque de revenus. Dans la mesure du possible, les personnes étaient alors réorientées vers les services sociaux compétents.

En ce qui concerne le territoire de la communauté de communes du Val de Cher-Controis, l’intervention a démarré en septembre 2020 et n’a pu durer qu’un mois, l’infirmière-tabacologue ayant quitté l’Association VRS en octobre. De ce fait, le projet est en pause le temps de trouver un ou une remplaçante.

Pour autant, quelques activités ont pu être réalisées durant ce mois de mise en œuvre. Dans ce territoire plus urbain, il a été plus facile de mobiliser et d’attirer des usagers. D’une part, la MSAP est située au cœur d’un bourg, avec des passages plus important qu’en Sologne. D’autre part, contrairement aux trois précédentes MSAP où les professionnels des structures n’étaient disponibles qu’une ou deux demi-journées par semaines, ils sont présents tous les jours. Ainsi, il y a une fréquentation de la MSAP plus importante, notamment les jours de marché. En effet, la MSAP est située en face de la place du marché. De ce fait, de nombreuses personnes profitent de l’occasion pour se rendre à la MSAP. Par ailleurs, le jour principal du marché étant le mercredi, jour d’intervention de l’infirmière-tabacologue de l’Association VRS, de nombreuses personnes ont pu être sensibilisées. De plus, pour informer plus largement sur les différentes activités du projet et sensibiliser plus de monde, l’Association VRS s’est appuyée sur cette occasion pour installer un stand au sein du marché. Les élus de la commune, favorable au projet, ont facilité l’obtention et la mise en place du stand.

Principaux enseignements

Résultats observés

Afin d’évaluer les résultats du projet, l’Association VRS utilise un tableau de suivi des entretiens, comprenant plusieurs indicateurs : le nombre d’entretiens réalisés, le nombre d’ordonnances délivrées, le nombre de personnes toujours dans le suivi à trois mois, à six mois et à neuf mois et le nombre de personnes qui étaient toujours dans l’arrêt à trois mois, à six mois et à neuf mois. L’évaluation est actuellement en cours.

  • A travers les différentes activités du projet, et notamment les stands d’information, plus de 190 personnes ont été sensibilisées.
  • Parmi ces personnes sensibilisées,
    • une vingtaine ont participé à des entretiens individuels avec l’infirmière-tabacologue de l’Association VRS, dont 12 ont déclaré avoir diminué leur consommation de tabac. La majorité des personnes ont bénéficié de trois rendez-vous avec l’infirmière-tabacologue.
    • 24 professionnels et 5 élus ont été rencontrés lors de réunions d’information.
  • L’infirmière-tabacologue a orienté et accompagné des personnes sur de multiples problématiques, notamment la consommation de cannabis ou d’autres substances addictives.
  • Le projet a également permis de sensibiliser les employés des MSAP dont certains se sont engagés dans une diminution de leur consommation de tabac.
  • 178 professionnels de santé du territoire ont été contactés par email ou courrier afin qu’ils difusent largement les informations sur les activités du projet.

Leviers

  • Les professionnels et référentes MSAP sont favorables au projet et le soutiennent dans la mesure du possible dans leurs activités.
  • Les municipalités et leurs services sociaux soutiennent le projet et se mobilisent pour faciliter différentes activités telles que les stands au marché, les campagnes d’affichages ou la mise à disposition de locaux.
  • L’intervention de la hiérarchie, c’est-à-dire le directeur de l’Association VRS, auprès d’autres directeurs de service (municipalités, MSAP) permet de débloquer des situations et de faciliter les collaborations.

Freins

  • Les professionnels des MSAP manquent de temps pour évoquer la problématique du tabagisme auprès des usagers.

Les professionnels des MSAP de la Sologne ne sont présents qu’une à deux fois par semaine, ce qui limite grandement le nombre d’usagers s’y rendant le mercredi, jour d’intervention de l’infirmière-tabacologue.

« Ils ont des permanences très identifiés ; ça peut être qu’une demi-journée par semaine. Donc, le retour qu’ils nous ont fait, principalement, c’est : « Moi, si j’accueille un jeune pour trouver un emploi, je n’ai pas forcément le temps de lui parler du tabac. » »

Clarisse Perruchot
  • L’infirmière-tabacologue n’était disponible qu’un jour par semaine, ce qui a limité grandement les possibilités d’intervention.
  • Il existe une forte rotation des professionnels, que ce soit au sein des MSAP ou de l’Association VRS, ce qui entraine des ralentissements dans la mise en œuvre du projet.

[1] Lien vers le PNLT 2018-2022 : https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/addictions/article/lutte-contre-le-tabagisme

[2] Site web du Fonds de lutte contre le tabac, désormais Fonds de lutte contre les addictions : https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/addictions/article/fonds-de-lutte-contre-les-addictions

[3] Pour accéder à l’appel régional lancé par l’ARS Centre-Val de Loire : https://www.centre-val-de-loire.ars.sante.fr/appel-projet-regional-dans-le-cadre-du-fonds-de-lutte-contre-les-addictions-liees-aux-substances

[4] Site web de l’ORS de la région Centre-Val de Loire : https://orscentre.org/

[5] Cartes créées par l’association de santé et de solidarité du Centre-Val de Loire : https://apleat-acep.com/

[6] Site web du RESPASS : https://www.respadd.org/produits/accompagner-larret-du-tabac-avec-succes/