Gestion supervisée des consommations d’alcool en CAARUD

L’originalité du CAARUD YUCCA est qu’il s’agit d’un Centre d'Accueil et d'Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues ouvert aux usagers pour qui le seul produit psychoactif consommé est l’alcool. En 2021, il s’agissait du seul CAARUD de Seine-Saint-Denis à le proposer.
Cette fiche présente une des modalités d’accueil en CAARUD autorisant la consommation d’alcool. Le projet de gestion supervisée des consommations d’alcool porté par le CAARUD s’appuie sur un triptyque :
- autorisation de consommer à l’intérieur du CAARUD, de façon encadrée
- supervision des consommations lors de l’accueil collectif (verre vert, contrôle du nombre d’unités servies)
- accompagnements individuels en réduction des risques liés à l’alcool (RDRA).

25/04/2023

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Béranger Gwendal
Chef de service
gwendal.beranger@groupe-sos.org

Membres de l’équipe et usagers du CAARUD YUCCA

Présentation de l’intervention

Le CAARUD YUCCA

Ce Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues (CAARUD) est situé à Bondy, en Seine Saint-Denis. Sa spécificité parmi les structures du département est qu’il accueille des usagers dont le seul usage de produit psychoactif est la consommation d’alcool.

L’équipe est composée d’un chef de service, d’éducateurs et éducatrices spécialisées, d’une assistante sociale, d’une infirmière et d’une médiatrice artistique.

Caractéristiques principales des usagers du CAARUD

Sur une file active composée aujourd’hui d’environ 220 personnes, 80% environ sont consommatrices d’alcool. Poly-consommateurs et consommateurs d’autres produits (cannabis principalement, crack, héroïne, etc.) sont également accueillis.

Certains usagers fréquentent le CAARUD depuis de nombreuses années, parfois depuis sa création. Il s’agit en majorité d’un public vieillissant, marginalisé, multiculturel (communautés Tamoules et Sikhs) et très précaire. Une partie importante vit à la rue (35% de la file active est sans domicile fixe) ou en structures d’hébergement (foyers, centres d’hébergement d’urgence, etc.). Très peu de femmes fréquentent le centre. Seules 3 ou 4 participent à la gestion supervisée d’alcool.

Calendrier

2006 – Création du CAARUD, à l’origine sous la forme d’un camion itinérant sur Clichy sous-Bois et ses alentours.

Septembre 2018 – Déménagement et installation dans le pavillon actuel, 92 rue Louis Auguste Blanqui, à Bondy (93), et mise en place de la gestion supervisée d’alcool.

Contexte

Plusieurs CAARUD sont implantés en Seine-Saint-Denis et répondent aux besoins des usagers de drogues illicites. Le CAARUD YUCCA est le seul à proposer la supervision « alcool » dans l’offre bas seuil dans le département.

Conformément aux missions d’un CAARUD[1], les activités à YUCCA incluent : 

  • un accueil collectif le matin (9h-13h), durant lequel plusieurs services sont accessibles (cuisine, laverie, pièce de repos à l’étage, salle informatique et accès internet, etc.) et différentes activités sont organisées (par exemple, atelier d’écriture). Contrairement à d’autres CAARUD, l’accueil est fréquenté par des usagers qui peuvent rester longtemps, parfois toute la matinée.
  • un accueil individuel des personnes qui rentrent au CAARUD, avec proposition d’accompagnements individuels dans l’accès aux soins et aux droits
  • la possibilité d’avoir des entretiens individuels avec les personnes l’après-midi également
  • une activité de maraudes, d’aller vers et de médiation sociale avec l’extérieur l’après-midi.

Objectifs

La gestion supervisée des consommations d’alcool est au cœur du projet du CAARUD. Elle est portée par l’ensemble de l’équipe. Il s’agit de proposer à la fois un accueil collectif autorisant la consommation d’alcool selon des modalités encadrées et un accompagnement individuel RDRA.

Conjointement, cela vise à :

  • Réduire les risques et les dommages lies à des consommations répétées et/ou importantes d’alcool.
  • Valoriser et développer les compétences des usagers et aider à mettre en place des stratégies de gestion de leurs consommations (posture éducative et tenant compte de l’expertise de l’usager).
  • Favoriser et accompagner l’accès vers le soin et l’accès aux droits des usagers les plus précaires.

Principaux partenaires

Le CAARUD YUCCA est en lien avec plusieurs types de partenaires, afin de remplir ses missions :

  • un réseau des partenaires médicaux (détaillés ci-dessous), vers qui orienter les usagers pour entamer un parcours de soin.
  • un réseau des partenaires médicaux-sociaux, vers qui orienter les usagers pour répondre aux demandes sociales : domiciliations, ouverture de droits d’accès à la santé (CMU-C, AME), etc. L’objectif est d’orienter au maximum vers les structures de droit commun pour ce volet social.
  • plusieurs partenaires (intervenants listés ci-dessous) assurent ponctuellement une présence directement au CAARUD : permanences, ateliers avec les usagers, etc.
  • un réseau de proximité, composé par exemple des commerçants des territoires de maraude, de la boulangerie « d’à-côté »,  avec qui se développent des actions de médiation sociale. Elles visent à améliorer l’intégration dans le quartier, sensibiliser sur la consommation d’alcool et développer un autre regard sur les usagers.
  • des partenaires institutionnels, dont principalement la MMPCR – Mission métropolitaine de prévention des conduites à risque (dispositif propre à l’Ile-de-France) et l’ARS Ile-de-France.

Principaux éléments saillants

Émergence du projet

« L’objectif était de voir si on pouvait mettre en place un dispositif adapté pour vraiment considérer et aider, soutenir, dans une réduction des risques alcool, les usagers. »

G. Béranger, chef de service du CAARUD

La consommation d’alcool était repérée comme principale problématique parmi les usagers du CAARUD dès la création de la structure en 2006, mais « peu de choses » étaient en place pour ce public : peu d’entretiens spécifiques, peu d’orientations ou d’accompagnements efficaces. De plus, l’interdiction de consommer ses boissons alcoolisées à l’intérieur des précédents locaux du CAARUD n’était pas un mode de fonctionnement satisfaisant :

  • les règles étaient contournées, des canettes et bouteilles étant fréquemment retrouvées à l’intérieur,
  • les rassemblements d’usagers devant le centre, pour finir ensemble leurs boissons avant de rentrer, étaient sources d’importantes tensions avec le voisinage.

Pour concevoir le projet de gestion supervisée, l’équipe de YUCCA s’est inspirée du modèle des salles de consommation à moindre risque, dont elle a retenu le principe de consommation supervisée. Elle a également rencontré l’équipe du CAARUD AXESS, qui appartient au même groupe SOS, pour s’inspirer de leur expérience de RDRA. Le principe de mettre en place une charte d’accueil a été retenu, mais avec des modalités pratiques du fonctionnement du CAARUD différentes de celle de cet autre CAARUD.

La volonté et les réflexions pour créer des pratiques de réduction des risques (RDR) pour l’alcool ont pu se concrétiser lors du déménagement du CAARUD dans la maison occupée actuellement, où la configuration et l’espace disponible rendaient l’expérience possible. La mise en place de la gestion supervisée s’est faite progressivement, avec au début très peu d’outils, et ont marqué l’amorce d’une approche de réduction des risques liée à l’alcool (RDRA) au CAARUD.

La RDRA mise en œuvre au CAARUD  

L’autorisation de consommer dans les locaux, sous une modalité spécifique, celle de la gestion supervisée des consommations, est un élément central de l’approche réduction des risques liés à l’alcool au CAARUD YUCCA.

Toute l’équipe est à même d’accueillir et de porter la gestion supervisée d’alcool.

Comment ça marche ? Les usagers du CAARUD ont donc la possibilité de boire sur le temps de l’accueil collectif, mais la fréquence et la quantité consommée est régulée par l’équipe. Un-e professionnel-le supervise le temps où l’usager se sert. Plus ou moins d’autonomie est donnée aux usagers pour se servir seul-e-s, selon l’évaluation que fait l’équipe de leur capacité à respecter les règles de quantité et de durée. Les professionnels présents sur le temps de l’accueil collectif peuvent donc se retrouver à échanger avec des usagers en train de boire.

Le terme de supervision a été adopté dans un second temps. Il est venu de l’infirmière de l’équipe, qui l’a préféré à celui de consommation contrôlée : « C’est plus adapté comme terme, « superviser », parce qu’on fait plutôt avec la personne, plutôt que de « contrôler » sa consommation. »

Au niveau de la structure

L’autorisation de consommer au CAARUD s’est accompagnée de la mise en place d’un protocole de l’accueil avec alcool, qui inclut :

  • la supervision de la distribution des boissons par l’équipe du CAARUD.
  • la distribution d’ « unités d’alcool » dans des verres verts, gradués pour mesurer le volume d’alcool distribué (une unité d’alcool), en tenant compte du degré d’alcool de la boisson versée.
  • le dépôt des boissons des usagers dans le frigo de la salle commune et le contrôle par l’équipe de l’accès à ce frigo.
  • la régulation de la distribution des unités selon la règle : « pas plus d’1 unité toutes les 30 min ».
  • le suivi de ces consommations sur un tableau tenu par l’équipe, à proximité du frigo (voir illustration ci-contre).
  • la mise en place d’ateliers et de temps occupationnels, auxquels il est possible de participer en consommant mais qui permettent également de différer les consommations.
Photo 1. Vue de la cuisine du CAARUD YUCCA (frigo, zone de distribution, tableau) – 2021

Confrontée à plusieurs cas de personnes arrivant avec des signes plus ou moins graves de sevrage d’alcool au CAARUD, l’équipe et en particulier l’infirmière en lien avec un médecin du CSAPA SOS 75, a mis en place un protocole de prise en charge des situations de pré-délirium tremens intégrant l’administration ponctuelle d’alcool. Ce protocole est en cours de validation par le Conseil Scientifique du Groupe SOS.

Au niveau individuel

L’accompagnement individuel de RDRA peut être conduit par l’infirmière du CAARUD, l’assistante sociale, mais également par l’un des éducateurs sur demande d’un usager.

Comment cela se passe-t-il ? L’équipe dispose d’un outil, le document individuel de prise en charge (DIPC), pour suivre et réévaluer les objectifs de la personne accueillie, théoriquement tous les 6 mois.  L’accompagnement se conduit également hors de ce cadre, au quotidien, en réaction par rapport aux demandes qu’exprime l’usager au fil des échanges. La possibilité d’évoquer les consommations d’alcool, qui se déroulent lors des échanges et sont devenues visibles, est un appui supplémentaire dans la relation.

L’accompagnement est pluridisciplinaire et forcément individualisé, tenant compte de chaque situation personnelle. Les parcours de vie des usagers et usagères sont complexes, le plus souvent marqués par l’expérience de la précarité et des difficultés importantes : vie à la rue, absence de logement, d’emploi, d’accès aux minimas sociaux, santé dégradée, etc., mais aussi parcours migratoires complexes,  expériences de violences, psycho-trauma, etc. La connaissance du volume consommé lors des temps d’accueil collectif est une information qui peut être mobilisée lors des temps d’entretien, plus « à titre indicatif », pour amorcer la discussion si une évolution est constatée, à la hausse comme à la baisse.

L’accompagnement individuel des usagers repose sur quelques principes :

  • accompagner d’abord la personne vers les objectifs et le projet qu’elle se donne, l’aider à gagner en « qualité de vie », plutôt que de viser un niveau de consommation d’alcool.
  • veiller à un travail important autour de la demande initiale des usagers vis-à-vis de leur consommation, qu’il faut parfois « détricoter » et « différer », notamment quand celle-ci est exprimée par « tout arrêter ».
  • convaincre qu’un travail sur soi et sur ses consommations est possible sans passer forcément par l’abstinence.
  • accompagner des parcours vers le soin, toujours selon la demande de l’usager, qui peuvent inclure l’accès à une cure, présentée comme une pause dans la consommation ou la possibilité de « faire une expérience d’abstinence ».
  • valoriser la personne, indépendamment de sa consommation.
  • travailler sur les sentiments de culpabilité ou de honte liés à l’alcool.

Pratiques et postures professionnelles

La gestion supervisée est portée par une équipe pluridisciplinaire. Selon les professionnels concernés, ils relèvent différents impacts de cette nouvelle approche sur leurs pratiques. Les éducateurs spécialisés valorisent les dimensions éducatives retrouvées dans leur travail depuis que l’alcool n’est plus interdit au CAARUD : pouvoir accompagner à « boire mieux » plutôt que devoir « fliquer les usagers » à l’intérieur.

La posture de non-jugement est partagée. Une grande attention est portée à ne pas tenir de propos qui peuvent culpabiliser la personne vis-à-vis de ses consommations.

La supervision des consommations durant l’accueil collectif demande des équipes :

  • un travail physique plus intense au quotidien : il faut mener de front l’animation « normale » du temps d’accueil collectif, le contrôle de la distribution des boissons suivant les règles décrites ci-dessus et l’activité de supervision et d’échanges avec les usagers.
  • une forme d’implication supplémentaire dans la relation avec les usagers : l’équipe côtoie des personnes alcoolisées, ce qui peut favoriser la levée d’inhibitions ou libérer des paroles fortes et intimes. De plus, les professionnels sont confrontés directement à l’usage, qui se déroule devant eux. G. Béranger formule ainsi un ressenti partagé par d’autres membres de l’équipe : « Du coup, on amène ça à nous, ils nous déposent leurs problèmes, ils nous montrent leurs problèmes, aussi, leurs problématiques. »

Des pratiques régulées collectivement

La gestion supervisée est une pratique élaborée, harmonisée et exercée en équipe. Le cadre actuel est le résultat de réflexions collectives, et la procédure mise en place visait aussi à lisser les « manières de faire ». Ces règles s’imposent à tous, et offre un cadre qui protège d’un contrôle arbitraire du niveau de consommation des usagers.

Au quotidien, les décisions, comme celle d’interrompre la distribution d’alcool à un usager lors d’un temps d’accueil en cas d’ivresse ou de comportement inapproprié par exemple, sont toujours prises collectivement, à 2 membres de l’équipe au moins, expliquées au usagers et sont revues en réunion d’équipe. La définition de l’état d’ivresse, ou d’ivresse avancée, qui peut justifier une telle interruption est aussi débattue collectivement, car tous les professionnels ne posent pas les mêmes limites à l’état d’alcoolisation tolérable pour une personne sur le temps collectifs (critères médicaux, comportementaux, etc.). 

Stratégies mises en œuvre 

Le verre vert

Les verres en plastique, de couleur verte et floqués du logo du CAARUD YUCCA, sont autorisés dans tous les espaces et tous les temps du CAARUD dans les bureaux, dans le jardin, au rez-de-chaussée, dans les ateliers. Ils sont également distribués lors des maraudes de l’équipe.

La mise en place du contenant « verre vert » est une stratégie longuement réfléchie, développée par l’infirmière et un ancien chef de service. Le choix a été fait de ne pas laisser les usagers consommer comme à l’extérieur, avec leurs contenants (bouteilles, canettes, etc.), mais de proposer un contenant distinct et commun à tous.

Photo 2 Le verre vert

« Pour savoir les unités, on a notre verre vert « CAARUD Yucca » ; et au dos, y a toutes les unités qui nous aident à savoir, en fonction du degré d’alcool, combien on va servir. »

G. Béranger, chef de service du CAARUD

En pratique, les usagers ont le réflexe de demander un verre à leur arrivée, l’emportent parfois avec eux à l’extérieur, comparent leurs consommations de façon ludique, l’ont intégré comme une des règles du lieu. L’objet permet aussi de faire de la RDR « à domicile », car les usagers peuvent l’emporter et s’en servir pour consommer avec plus de modération à l’extérieur.

Ils ne déposent dans le frigo que l’alcool qu’ils ont l’intention de consommer, rien ne les empêche de conserver avec eux le stock des boissons qu’ils prévoient de consommer plus tard.

L’usage des « verres verts » a plusieurs fonctions et produit plusieurs effets : 

– c’est devenu un « objet commun » du CAARUD.
– c’est un objet qui fait partie de l’identité du CAARUD YUCCA.
– c’est un contenant qui permet la standardisation des quantités consommées et une harmonisation des pratiques de supervision.
– c’est un outil support relationnel, qui aide à réguler les rapports entre usagers

Selon G. Béranger, l’adoption du verre vert a aussi permis de rassurer des usagers initialement réticents à la mise en place de la gestion supervisée, en permettant de préserver un cadre différent à l’intérieur du CAARUD, au sein duquel ils ne souhaitaient pas voir quelqu’un « boire sa bouteille » devant eux.

L’objet verre vert est aussi connu des partenaires et permet de matérialiser et leur rendre concret ce qu’est la gestion supervisée au CAARUD. Il renforce une perception positive du projet et tempère les préjugés laxistes.

Un langage commun

L’usage du verre vert s’inscrit dans une stratégie plus large qui vise à créer un langage commun entre usagers et professionnels, autour de la notion d’unité d’alcool consommée par exemple. Ce terme d’ « unités d’alcool » est mobilisé lors des échanges usagers-professionnels, pour amorcer des discussions sur l’état de la personne, comme accroche concrète avant d’entamer un entretien plus motivationnel. Il est aussi employé par l’équipe pour commenter les temps d’accueil ou objectiver l’évolution de la consommation d’un usager. « Et toi, t’es à combien d’unités ? » : ce terme est aussi approprié par les usagers, et fait partie du vocabulaire du groupe pour s’invectiver, se comparer, etc.

Veiller à préserver l’équité entre usagers durant les temps collectifs

Le cadre posé, avec ses règles qui s’appliquent également à tous, permet aussi d’assurer une forme d’équité de traitement des usagers durant le temps collectif. La modération des consommations est aussi une condition de possibilité de cohabitation des usagers et de partage de l’espace du CAARUD.

Faire connaitre la gestion supervisée grâce aux maraudes et l’aller-vers

Les après-midis, les travailleurs sociaux font des maraudes sur le territoire et distribuent aussi des verres verts en rue. L’objectif est alors de faire connaître aux personnes rencontrées le CAARUD ainsi que les principes de la gestion supervisée d’alcool.

Participation du public

Les usagers du CAARUD participent, en continu, dans les temps formels (réunions trimestrielles « Droits et expression des usagers ») ou de façon informelle lors des échanges avec l’équipe, à l’ajustement du dispositif. L’adoption du verre vert a été discutée et présentée aux usagers.

C’est notamment à l’initiative des usagers que le tableau d’équivalence des degrés d’alcoolémie des bières a été conçu. Les questions d’équité sont très présentes dans les relations entre usagers et entre usagers et l’équipe au sein du CAARUD et se manifestent sur cet enjeu d’égalité de traitement à nouveau.

Principaux enseignements

Résultats observés

Un espace et un temps d’accueil approprié par des usagers consommateurs d’alcool

Le premier résultat observable est la fréquentation du CAARUD par des usagers d’alcool, pour certains très gros consommateurs d’alcool. En cela, le CAARUD YUCCA remplit ses objectifs de dispositif bas seuil, première porte d’entrée vers un accès aux soins ou aux droits.

Les usagers réguliers témoignent unanimement de l’apaisement des temps d’accueil collectif depuis le déménagement et la mise en place de la gestion supervisée. Le premier bénéfice perçu de tous : avoir accès à un lieu apaisé, où il est possible d’avoir un temps de repos dans sa journée, entouré d’une équipe bienveillante.

« On boit moins vite, plus raisonnablement ! Mais surtout, on essaye de se respecter les uns les autres.»

R., Usagère du CAARUD depuis 2007

Sur les trajectoires individuelles

Les usagers rencontrés dans le cadre de cette capitalisation ont témoigné de situations personnelles et d’histoires de vie douloureuses et marquées par de multiples précarités (économique, sociale, affective, etc. chez des personnes vivant à la rue, en hébergement, connaissant des parcours d’exil et d’accueil défaillant, etc.). Au regard de ces situations, leurs motivations à fréquenter le CAARUD qu’ils ont exprimé portaient principalement sur la possibilité d’accéder à un espace de répit et d’accompagnement. Les règles concernant la gestion supervisée des consommations sont bien perçues, car elles leur permettent d’accéder au dispositif mais ne sont pas la motivation principale de le fréquenter.

Les données recueillies, grâce au tableau de suivi des consommations durant le temps d’accueil par exemple, ne permettent pas à ce jour de produire des statistiques sur les parcours individuels des usagers, notamment leurs parcours de consommation.  L’évaluation des bénéfices retirés par un usager de l’accompagnement qu’il peut recevoir au CAARUD n’est pas mesuré par l’équipe, ni en termes quantitatifs par rapport à un niveau de consommation, ni en terme d’objectifs par rapport à un parcours accompli (parcours de soin, comme accès à une cure, par exemple ou parcours médico-social, comme l’accès à un hébergement, par exemple). Les données du tableau de suivi des consommations peuvent être utiles, et alors recueillies plus rigoureusement, pour un usager qui est en demande d’orientation vers un sevrage. Ces orientations sont le plus souvent présentées comme des temps de « pause dans la consommation d’alcool » aux usagers, sans pression et avec l’assurance que ces usagers seront toujours bienvenus au CAARUD ensuite.

S’inscrivant dans une approche qui vise au rétablissement de la personne, elle observe d’abord les progrès en termes de participation au sein de la structure, de confiance développée en soi et en autrui, de bien-être gagné, dans tous les aspects de la vie de la personne.

Toutefois, le chef de service du CAARUD relève une augmentation du nombre d’entretiens avec les usagers qui portent spécifiquement sur l’accompagnement autour de l’alcool et du nombre de demandes de rencontre avec l’infirmière pour parler soin et orientations depuis 2018.

Freins et leviers

En plus des stratégies décrites précédemment, différents leviers contribuent à la réussite de l’expérience au YUCCA :

  • avoir la place pour : le CAARUD occupe un pavillon, c’est-à-dire un espace avec jardin et plusieurs étages, où devient possible la mise en œuvre de la gestion supervisée. Très concrètement, la configuration du rez-de-chaussée permet d’aménager un grand espace cuisine/lieu de vie et d’y placer un frigo assez grand pour recueillir l’alcool des personnes ; les nombreux espaces autres que la cuisine d’ateliers permettent d’organiser différentes activités.
  • constituer une équipe « à l’aise » avec les consommations d’alcool : la gestion supervisée demande de l’équipe une capacité à être en proximité d’usager-e-s en train de consommer de l’alcool et un degré d’implication dans la relation important.
  • renforcer les compétences de l’équipe par des formations, sur la réduction des risques liés à l’alcool, l’entretien motivationnel, le rétablissement, etc.

Éléments à partager

G. Béranger, chef de service, souligne qu’il s’agit de « l’expérience singulière » d’un CAARUD, dans un environnement donné : « en toute modestie, c’est une expérience qui marche sur un terrain par rapport à des usagers et un environnement précis ». Le cadre qu’offre le CAARUD, « une maison, comme un petit lieu de vie », parfois qualifié de « très familial », a trouvé son public, qui accepte ce cadre de fonctionnement, sans violence.


[1] Les 7 missions des CAARUD sont détaillées dans le code de la santé publique (articles R3121-33-1 à R3121-33-3).