Equipe Mobile Santé Mentale Intersectorielle pour les 16-25 ans – Tourcoing-Vallée de la Lys

L’Établissement public de santé mentale de Lille-Métropole a accompagné son virage ambulatoire par la création de plusieurs équipes mobiles. L’EPSM en compte une trentaine.

Dans son parcours de création d’une filière spécifique pour la tranche d’âge des 16-25 ans, l’EPSM Lille-Métropole a spontanément constitué une nouvelle équipe mobile, dédiée à ce public particulier, pour les secteurs de psychiatrie du territoire de Tourcoing-Vallée-de-la-Lys.

Cette fiche de capitalisation décrit la création et le rôle primordial d'une équipe mobile modélisée spécifiquement pour les jeunes, avec des interventions d’aller-vers et des actions de prévention et de soins dans la cité et à l’hôpital, auprès de nouveaux publics ou d'usagers des services psychiatriques. Elle explique comment cette équipe est devenue indispensable de par son positionnement, dans un contexte difficile de pénurie de personnel hospitalier.

27/02/2024

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Macabiau Frédéric
Directeur Délégué
Frederic.MACABIAU@ghtpsy-npdc.fr

Lalaux Nicolas
Pédopsychiatre

Danset Isabelle
Pédopsychiatre

Merenda Alain
Psychologue

Cette fiche de capitalisation a été produite dans le cadre d’un projet initié et financé par la Fondation de France et coordonné par la Société Française de Santé Publique.

Présentation de l’intervention

L’équipe mobile dédiée aux 16-25 ans, à l’EPSM Lille-Métropole, est un dispositif unique en son genre dans la région Hauts-de-France. Elle est adossée à une unité hospitalière de 10 lits, spécialement conçue pour la prise en charge des jeunes du même groupe d’âge. Cette unité est située sur l’un des sites d’hospitalisations de l’EPSM Lille-Métropole, connu sous le nom de Unités Tourquennoises Psychiatriques (UTP). Cette nouvelle unité a été inaugurée en 2019, tandis que l’équipe mobile a débuté ses opérations en mai 2022.

Selon la réglementation en vigueur en 2019, à partir de 16 ans et 3 mois, un patient devait être pris en charge au sein d’un secteur de psychiatrie adulte. L’ambiguïté a été depuis levée depuis juin 2023 avec une prise en charge des 16-18 ans qui est à relier avec la pédopsychiatrie.

Sur un de ses territoires de couverture, L’EPSM Lille-Métropole a fait le choix de créer une sorte d’inter-secteur intermédiaire, s’intercalant entre deux classes d’âge, schématisée en fig.1. Cette décision vise à améliorer la prise en charge des jeunes patients en répondant à leurs besoins spécifiques et à faciliter l’articulation de prises en charge entre les âges, afin de fluidifier les parcours.

L’équipe mobile, attachée à cette initiative, incarne cet objectif d’une prise en charge distinctive pour les 16-25 ans. Cette équipe se caractérise par une composition intersectorielle et des actions s’adressant à tous les jeunes de cette tranche d’âge, qu’ils soient déjà en contact avec les services de santé mentale ou qu’ils en aient besoin pour la première fois, ou qu’ils soient « dans la Cité » ou en hospitalisation.

 

Présentation de la structure

L’établissement public de santé mentale Lille-Métropole est la principale institution dédiée à la prise en charge des troubles de santé mentale dans la métropole lilloise, couvrant une population de 1,182 million d’habitants (chiffres INSEE 2020). Deux autres établissements, l’EPSM de l’Agglomération Lilloise et le CHU de Lille avec ses unités psychiatriques, sont également actifs dans la Métropole européenne de Lille.

L’EPSM Lille-Métropole dont le siège est à Armentières est l’établissement support du groupement hospitalier de territoire, GHT de Psychiatrie Nord Pas de Calais.

Il fait direction commune avec deux autres EPSM. La prestation des soins en santé mentale est organisée selon une approche sectorisée. L’EPSM Lille-Métropole gère neuf secteurs de psychiatrie générale adultes et un secteur de psychiatrie pour enfants et adolescents.

La majorité des personnes qui sollicitent les services de l’EPSM reçoivent des soins, à proximité de leur lieu de résidence, grâce aux dispositifs de prise en charge ambulatoire. L’EPSM compte près de 70 dispositifs pour la prévention, le diagnostic, le soin et le suivi. Il se démarque par son grand nombre d’équipes mobiles actives sur son territoire d’intervention, soit environ une trentaine d’équipes.

Seules environ 10% des sollicitations nécessitent une hospitalisation. S’agissant de l’hospitalisation, l’établissement dispose de 4 sites d’hospitalisation temps plein.

Le projet capitalisé concerne les Unités Tourquennoises Psychiatriques (UTP), situées au sein du centre hospitalier de Dron, à Tourcoing. Ces UTP disposent de lits couvrant les secteurs adultes 59G16, 59G17 et 59G18 ainsi qu’une dizaine de lits réservés au nouveau pôle créé en 2019, lequel est destiné aux jeunes de 16-25 ans. C’est ce pôle qui est à l’origine de l’équipe mobile intersectorielle 16-25 ans, objet de cette fiche de capitalisation. Le schéma-ci-dessous résume la vision globale de prise en charge de cette population, en plus de présenter l’organisation des UTP.

Contexte

Le contexte local et la problématique de départ

Un constat a émergé au sein des Unités Tourquennoises Psychiatriques (UTP) : une tranche d’âge pose des défis particuliers aux experts, celle des personnes âgées de 16 ans et plus.

Le Dr. Nicolas Lalaux, pédopsychiatre et responsable du pôle tourquennois, a souligné que chez cette tranche d’âge les symptômes et leur lecture « ne sont pas tout à fait les mêmes » que ceux que l’on observe en psychiatrie adulte[1]. Pourtant, la réglementation stipulait que toute personne âgée de 16 ans et 3 mois devait être dirigée vers un secteur de psychiatrie adulte pour sa prise en charge.

Cette réglementation a eu pour conséquence de susciter une interprétation erronée des symptômes chez les jeunes patients, ce qui a entraîné des diagnostics incorrects et des traitements inadaptés à leur santé.

De plus, cette situation a donné lieu à une confusion entre les experts en psychiatrie infanto-juvénile et ceux en psychiatrie adulte, qui se renvoyaient la responsabilité de la prise en charge de cette tranche d’âge. Cette confusion a conduit à l’occupation de lits d’hospitalisation au sein des mêmes unités par des jeunes dont le diagnostic est flou, voire inexistant, aux côtés de personnes en situation de crise ou souffrant de psychose établie.

Enjeu, objectif

Ainsi, il s’est avéré pertinent de créer un dispositif mobile en complément d’une filière distincte destinée à une tranche d’âge spécifique : les jeunes âgés de 16-25 ans du territoire de Tourcoing-Vallée de la Lys. L’objectif recherché est la maîtrise des premiers épisodes psychiatriques, l’évitement de l’hospitalisation ou la réduction des temps en institution hospitalière et enfin la fluidification des parcours de soins entre l’adolescence et l’âge adulte.

La question de capitalisation

Comment mettre en place un dispositif complet de prévention et de soins des troubles psychiques chez un public jeune et d’âge intermédiaire au sein d’un EPSM, ayant déjà réalisé son virage ambulatoire ?

Objectifs

  • Aller-vers des jeunes repérés pour leurs troubles psychiatriques, sans délai ou dans un délai réduit
  • Évaluer rapidement ces troubles en vue d’orientations adaptées
  • Procéder à des interventions brèves correspondantes, à cette classe d’âge, afin d’éviter l’entrée en institution hospitalière ou de prolonger la durée de séjour, pour des raisons thérapeutiques
  • Intervenir auprès des jeunes déjà hospitalisés afin d’apporter une expertise liée à cette tranche d’âge, auprès des équipes soignantes
  • Améliorer le taux de satisfaction des publics pris en charge

Calendrier, émergence de l’Equipe Mobile (EM) 16-25 ans

Principaux acteurs et partenaires

Principaux éléments saillants

Le DAC, place et rôle clé dans la prise en charge

Les Unités Tourquennoises psychiatriques disposent d’un ensemble d’accueil de crise disponible 24h/24h qui comprend un centre d’accueil de crise (CAC) disposant de lits d’urgence ainsi que d’un DAC (dispositif d’accueil et de crise) Le DAC est un dispositif à part entière qui possède une adresse et une entrée spécifique sur le site des UTP. Ce dispositif préexistait dans la cité avant la construction des UTP.

Les UTP ont résulté de la réunion et la collaboration de deux secteurs psychiatriques 59G16 et 59G17. Lors de la création des UTP, les équipes des CMPs des deux secteurs ont été regroupées pour ne former qu’un unique CMP. La question de la destination du DAC s’est posée à ce moment-là. Selon Dr. Lalaux, offrir un accès sans rendez-vous aux services psychiatriques pour la population locale au cœur des UTP est une idée de génie. Le DAC a permis cela.

« [..] La clé de l’organisation d’un tel système réside dans le temps médical psychiatrique, assuré ici par une permanence 24h/24. Un interne de site supervise les 50 à 60 lits d’hospitalisation validés dans le projet initial. En parallèle, une permanence de soins avec des seniors dont je fais partie, est en place de 9h à 18h. Ainsi, le DAC est adossé à cette permanence continue de soins ». – Dr Nicolas Lalaux, Pédopsychiatre, responsable du pôle Tourquennois

Le DAC assure une liaison entre la médecine de ville et l’établissement de santé mentale, pour les premières demandes et les états de crise. Il garantit une prise en charge urgente sur le site des UTP avec une équipe polyvalente d’accueil composée d’infirmiers, de psychologues et de travailleurs sociaux. Ces derniers ont été formés de manière approfondie par les psychiatres sur place à réaliser des entretiens initiaux déterminants. Cette équipe de professionnels aguerris propose des orientations vers l’hospitalisation, le CMP Arthur Rimbaud ou l’équipe mobile. Bénéficiant d’une forte présence médicale psychiatrique disponible, elle peut faire appel aux psychiatres séniors sur place en journée et à l’interne la nuit.

Le DAC, sorte de guichet unique, partenaire clé de l’équipe mobile

Agissant comme un guichet unique, le DAC joue un rôle clé en tant que partenaire médical de l’équipe mobile. Il sert de porte d’entrée claire, accélérant l’accès aux soins et facilitant les redirections vers divers dispositifs, dont l’équipe mobile pour les jeunes. Cet ensemble évite toute perte de chance pour l’ensemble des habitants du territoire de Tourcoing-Vallée de la Lys, y compris les plus jeunes, dont l’orientation est critique lors des premiers épisodes psychiatriques.

L’annexe 1 montre le parcours d’un Hikikomori ; H., jeune cloîtrée à domicile, depuis plusieurs années, qui à partir d’un appel au DAC, est parvenu jusqu’à l’équipe mobile qui l’a pris en charge, jusqu’à la mise en place d’un protocole complet de soins psychiatriques.

L’équipe mobile en santé mentale intersectorielle 16-25 ans de l’EPSM Lille-Métropole peut intervenir dans la cité mais également dans les structures de soins dont l’unité hospitalière 16-25 ans, située aux unités tourquennoises basées au sein du CH Dron.

Au-delà des acteurs médicaux, l’EM peut compter et collaborer avec d’autres types de partenaires tels que les acteurs éducatifs et d’insertion, les acteurs sociaux et familiaux ainsi que d’autres acteurs ou dispositifs institutionnels (cf. fig. 4).

Point de départ / Émergence du projet

De la prise en charge des adolescents de 12 à 18 ans vers celles des 16-25 ans

A partir de 2012, les équipes pédopsychiatres de l’établissement de santé mentale de Lille-Métropole organisent un dispositif réservé aux adolescents âgés de 12 à 18 ans autour de trois modalités principales, présentée dans la figure ci-après.

Pour les 16-25 ans, Dr Danset explique que l’équipe a très vite compris qu’elle devait « travailler différemment, organiser une prise en charge spécifique […] pour des adolescents qui avaient des histoires de vie terribles et de multiples traumatismes ».. La clinique de 8 lits à Armentières n’était pas suffisante, en terme d’espace mais également en terme d’approche et de traitement thérapeutiques.

Il s’est avéré que la prise en charge des adolescents de la clinique était davantage adaptée aux enfants placés souffrant de troubles du comportement ou de pathologies marquées, alors que celle des 16-25 ans nécessitait une approche psychiatrique atypique, en raison de l’entrée nouvelle dans un processus psychiatrique, lié à leurs situations de vie particulières.

De plus, les professionnels faisant le constat d’un rajeunissement de la prise en charge, démarrant vers 8-9 ans, ne souhaitaient pas mélanger ces classes d’âge avec les 15-17 ans. De même, ils ne souhaitaient pas mixer les jeunes à partir de 15-16 ans avec des publics de 40-50 ans.

La problématique rencontrée par la classe d’âge des 16-25 ans en psychiatrie adulte s’avérait la même « avec des populations et des paysages différents » a souligné Mr. Macabiau. Face à ces constats et expériences multiples, la nécessité d’une prise en charge spécifique pour les 16-25 ans s’est renforcée.

Compte tenu de la présence d’équipes mobiles dans l’ADN de l’EPSM Lille-Métropole, la création d’une nouvelle équipe mobile pour les 16-25 ans est apparue naturelle, répondant ainsi aux besoins et au mode de vie de cette population.

« Il est bien entendu nécessaire d’avoir des lits d’hospitalisation, c’est une porte d’entrée. Cependant, pour des jeunes adultes ou des adolescents, une approche psychiatrique traditionnelle ne convient pas. Prendre rendez-vous, consulter un psychiatre en blouse blanche derrière un bureau, cela ne fonctionne pas.
L’équipe mobile nous a enseigné qu’il faut aller vers le lieu de vie. »

– Dr Nicolas Lalaux, Pédopsychiatre – responsable du pôle Tourquennois

Élaboration du projet

La culture de l’approche « aller-vers » au sein de l’EPSM Lille-Métropole tire son origine dans la transformation des pratiques en psychiatrie, initiée par l’ancien Président de la commission médicale de l’établissement, Dr. Jean-Luc Roelandt.

Dans le cadre de voyages d’observation à l’étranger, notamment en Angleterre et au Québec, il a découvert les approches de l’aller-vers qu’il a ensuite expérimentées au sein du secteur G21 situé à Lille.

Mr. Macabiau rapporte que dans ce cadre, il a introduit de nouvelles modalités d’organisation « en fermant des lits, en sortant les patients au long cours, accentuant le virage ambulatoire de l’établissement », avec la création ou le renforcement d’équipes mobiles.

Cette nouvelle approche de la prise en charge psychiatrique, d’abord testée au sein du secteur G21, s’est progressivement étendue au fur et à mesure aux autres secteurs de l’établissement de santé mentale Lille-Métropole.

Dès la création du pôle hospitalier des 16-25 ans, mi-2019, l’intégration d’une équipe mobile adjacente a été envisagée.

L’EPSM a cherché à obtenir des financements complémentaires pour élargir l’approche intersectorielle de l’équipe mobile par l’ajout d’un éducateur. Après le dépôt d’un dossier non retenu au Fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie (FIOP), l’équipe, qui connaissait l’intérêt de la Fondation de France pour la santé mentale des jeunes, a déposé, une demande de financement, qui a été acceptée, en réponse à son appel à projets : « Soutenir les jeunes en souffrance psychique », en 2021.

Financement de l’équipe mobile intersectorielle 16-25 ans

L’EPSM Lille-Métropole est un établissement « qui se porte bien » sur le plan financier, selon son Directeur Délégué, Mr. Frédéric Macabiau. L’EPSM a planifié le lancement de l’Equipe Mobile 16-25 ans en intégrant des financements d’appels à projets dans l’optique d’améliorer l’approche intersectorielle du projet. Il obtient 40,000€ pour une seule année auprès de la Fondation de France ; ce qui a permis de tester et financer le poste d’une éducatrice, au sein de l’équipe mobile, à partir de septembre 2022.

L’avènement de la crise sanitaire a retardé la mise en œuvre de l’équipe mobile. Elle a pu démarrer ses activités, à partir de mai 2022.

Professionnels et compétences mobilisés

En septembre, l’équipe intersectorielle se compose de 4,7 ETP rassemblant les disciplines de psychiatrie, éducation, sciences infirmières et psychologie (voir fig. 3. pour le détail des ETP). En tant qu’unité fonctionnelle du pôle 16-25 ans, l’EM peut mobiliser, lorsque cela est nécessaire, des compétences supplémentaires, localisées au cœur des UTP. Celles-ci sont mutualisables. Il s’agit notamment des compétences de : psychomotricien, ergothérapeute, assistante sociale.

Fig. 6. Zoom sur les secteurs couverts par l’EPSM Lille-Métropole (en jaune).
Source : F2RSM Psy – fiche 21835

De même, l’équipe mobile peut apporter son expertise aux différents dispositifs de l’établissement et sur les différents secteurs concernés, à savoir : G16, G17 et les « intersecteurs » 16-25 et I03. Le secteur G18 peut solliciter épisodiquement l’expertise de la filière 16-25 ans, dont l’EM pour soutenir la transition de jeunes vers leur secteur adulte. La prise en charge est rapide, transversale à l’établissement, et spécifique aux jeunes patients.

L’expertise de l’EM partagée par les deux « intersecteurs » s’appuie sur la maîtrise ou l’exploration d’une démarche clinique riche, dérivée de situations cliniques complexes, cf. annexe 1.

[…] « Donc, la complexité de la prise en charge émerge lorsque différentes problématiques se mêlent chez les personnes. Par exemple, une agression sexuelle peut évoluer vers une anorexie, qui peut ensuite se transformer avec des épisodes de dissociation. Discerner s’il s’agit de dissociations traumatiques ou d’une entrée dans la psychose devient complexe dans cette tranche d’âgeIl est crucial d’adopter une approche clinique riche, sans stigmatisation, en explorant diverses approches de prise en charge pour favoriser le dialogue.Les pathologies les plus fréquentes sont souvent entremêlées, mais c’est précisément l’intérêt de ces unités spécifiques – Dr Isabelle Danset, Pédopsychiatre – Intersecteur 12-18 ans

Des formations adhoc

Au sein des UTP, pour faire face à cette prise en charge au caractère particulier, susceptible de produire appétence ou aversion, de nombreux modules de formation ont été dispensés afin de soutenir le personnel et produire une culture commune.

Stratégies de mise en œuvre

L’EM dédiée aux 16-25 ans a la particularité de remplir, avant tout, le cahier des charges d’une véritable EM selon les trois déterminants mis en lumière par Vincent Garcin et schématisé, ci-contre, en fig. 6.

Respect du cahier des charges d’une EM en Psychiatrie

Ses actions sont alignées avec ces déterminants.

Parmi ses stratégies d’actions déployées, elle s’attache notamment à :

  • Aller à la rencontre des jeunes, à leur domicile, aussi longtemps que nécessaire ;
  • Prodiguer des soins attentifs pour les aider à aller vers l’extérieur, dans le lieu de leur choix ;
  • Prodiguer des soins d’arrimage, c’est-à-dire « accrocher fermement » le jeune à l’EM jusqu’à permettre une coordination de son parcours de soin ;
  • Assurer la continuité des soins : en intra et extra-hospitalier par un maillage fin du réseau des partenaires.

Interventions approfondies sur les environnements de vie

L’EM intersectorielle 16-25 ans de l’EPSM Lille-Métropole excelle dans la réalisation d’interventions approfondies sur les environnements des jeunes. Après avoir développé une compréhension fine des conditions de vie et du parcours de vie, elle peut offrir de nouvelles perspectives permettant d’ajuster les soins, tout en respectant les contraintes et capacités du jeune patient.

« Intervenir au domicile apporte une autre dynamique, car nous sommes chez eux, pas chez nous. Lorsque nous arrivons et découvrons le petit ami, un ami proche ou une connaissance, nous adaptons l’entretien en conséquence.Cela devient souvent très enrichissant, car la famille détient une expertise véritable du patient, bien supérieure à la nôtre. Cela a conduit à une réévaluation complète de certaines prises en charge.Par exemple, je pense à ces jeunes qui étaient suivis ailleurs pour des symptômes psychotiques avec un traitement, mais en rencontrant la famille, nous avons découvert des informations cruciales non partagées en raison de la barrière linguistique. La famille ne parlait pas français.Travailler avec un interprète à domicile, un aspect négligé jusque-là, a révélé que la dissociation chez ce jeune était plus traumatique que psychotique, en lien avec le discours familial. »

– Mr. Alain Merenda, psychologue  – Equipe mobile 16-25 ans

Aller au-delà du soin

Sur un plan socioéconomique, avec l’appui de son réseau partenarial, notamment les dispositifs de formation et d’insertion professionnelle, l’EM mène des activités de soutien au projet professionnel du jeune afin de gérer ou prévenir toute rupture dans la scolarité ou la formation professionnelle.

Parallèlement à des interventions ponctuelles auprès de lycéens, l’EM 16-25 ans travaille avec les écoles de la seconde chance, les missions locales, les SAVS [dispositif médico-social « service d’accompagnement à la vie sociale » – plus d’informations sur les SAVS sur [https://sante.gouv.fr]

Elle s’attache à le rétablir le plus rapidement possible dans un environnement « naturel » de vie, notamment pour les raisons que souligne le Dr. Danset : « On constate cela notamment dans certaines situations de jeunes que nous avons eus ici, où l’offre de soins amène tellement mieux que ce qu’ils ont dans leur vie, que c’est très compliqué après de les réinsérer ailleurs ».

La promotion de l’EM

L’EM des 16-25 ans mène trois types d’activités pour promouvoir ses activités auprès des pairs, des partenaires extérieurs et également auprès des jeunes. Dans ce contexte d’autopromotion, elle :

  1. Participe aux « matinée des équipes mobiles » organisée par l’EPSM Lille-Métropole où elle peut présenter, ses interventions spécifiques et leur impact sur le recours à l’hospitalisation ;
  2. Participe au temps de supervision intra-hospitalier avec notamment l’analyse des pratiques et également apporte son expertise auprès des partenaires en difficulté ;
  3. Sur invitation, elle tient des ateliers de prévention et sensibilisation sur la santé mentale auprès de jeunes lycéens ; et présente les dispositifs dédiés disponibles sur le territoire. Par exemple, par le biais du conseil local en santé mentale de Tourcoing, l’EM a pu construire un atelier de déstigmatisation au sein d’un lycée, conjointement à la production de la pièce de théâtre “la belle histoire”.

Principaux enseignements

La nature du projet d’équipe mobile qui implique la nécessité d’aller-vers des usagers qui n’expriment pas nécessairement de demandes de soins réclame une posture de prudence et d’attention.

L’EM l’incarne par la construction d’une alliance basée sur l’expression de besoins et d’envies de l’usager, un monitoring précis de ses activités et des demandes de retour d’avis auprès des bénéficiaires de ses actions.

Les deux prochaines sections montrent les résultats et les effets de ce positionnement.

Mobilisation du public

L’usager au cœur du soin

Dans le cadre d’un accompagnement d’un jeune usager, au sein de l’EM, le psychologue Alain Merenda précise se concentrer sur « la question du patient, ce qu’il aime, ce qui l’intéresse, comment il imagine les choses ».

Par la suite, il ajoute : « On fait un ‘bricolage’ avec le patient, alors c’est un bricolage au sens noble, au sens clinique, de ce qu’on va bricoler avec lui pour avoir quelque chose qui va faire soin pour lui. On ne peut pas tout faire, mais ce qu’on peut faire, c’est cette mise en lien et penser avec lui ce qui est […] un soin pour lui. »

Par exemple, un usager évoque un souvenir de pêche avec son grand-père à tel étang, l’EM inclura dans son parcours de soin, le retour sur cet étang. Un autre évoque son amour pour les plantes, l’EM organisera une visite à un jardin botanique en mobilisant le partenaire approprié.

Au-delà de l’écoute des besoins et des désirs, l’EM veille à organiser des activités pour mobiliser l’énergie des usagers. Elle met en place des outils de redistribution d’énergie corporelle, tels que des décharges motrices ou la libération de tensions accumulées. Elle s’assure que les usagers puissent utiliser ces mobilisations de manière autonome, chaque fois que nécessaire.

L’avis des usagers

Des questionnaires de satisfaction sont recueillis tout au long des mois de prise en charge. Le graphique ci-après présente une analyse statistique des questionnaires de satisfaction retournées avec 100% de satisfaction recueillis en terme d’écoute et de disponibilité de l’EM intersectorielle. [Données : Du 1er septembre 2022 au 30 juin 2023. 32 questionnaires récupérés : 24 patients et 8 familles].

Résultats observés

Une équipe à plein temps, plébiscitée

Largement reconnue par son réseau, ses actions suscitent de la satisfaction chez les usagers. On observe une fidélisation réussie des membres de l’équipe dont le fonctionnement est celui d’une équipe à plein temps. L’encadré ci-contre présente les principaux chiffres à retenir.

Des résultats qualitatifs notables

Après un an d’existence, l’EM est parvenue à assoir un positionnement clair en tant qu’acteur incontournable dans la prise en charge d’une population complexe, dans le respect du virage ambulatoire adoptée par l’EPSM.

La figure 10 ci-après montre l’impact des actions de l’EM 16-25 de l’EPSM Lille-Métropole.

Freins et leviers

Réaliser une analyse des freins et leviers concernant l’EM 16-25 ans demande d’évoquer également ceux liés à l’unité hospitalière dans la mesure où il s’agit de dispositifs intrinsèquement liés à un écosystème unique pour la prise en charge des 16-25 ans. La figure 11 ci-après en est un résumé.

Le mot de la fin revient à Monsieur Frédéric Macabiau, Directeur délégué et référent du pôle 16-25 ans qui réalise à la fois une autoanalyse de l’action et les conditions de sa duplication.

[…] « Ce genre de projet ne peut pas être porté par un seul secteur. Il doit être un projet collectif soutenu institutionnellement. La structure, en particulier l’équipe mobile, n’est pas suffisante. Plus généralement, cela concerne le public, l’hospitalisation, et tout ce qui en découle.Nous, dans notre cas, l’erreur peut-être a été de commencer seulement avec l’unité d’hospitalisation, sans considérer le reste. Nous aurions dû avoir une vision plus globale, prendre davantage de temps pour réfléchir, en disant : ‘L’hospitalisation est fondamentale, mais il y a l’amont et l’aval.« 

– Mr. Frédéric Macabiau, Directeur délégué EPSM Lille-Métropole  – Référent pôle 16-25 ans

Frédéric Macabiau a ajouté : « Nous le savions, mais nous avons décidé de le faire dans un deuxième temps. Je pense que si nous avions envisagé l’ensemble dès le départ, nous n’aurions peut-être pas rencontré les difficultés actuelles concernant l’hospitalisation.

Il y a aussi la réflexion sur un hôpital de jour, de crise, pour éviter d’en arriver à l’hospitalisation. Si nous avions mis cela en place, cela aurait peut-être réduit la pression sur l’équipe hospitalière.

C’est vraiment une vision institutionnelle d’ensemble qui doit être partagée. »

Modalités d’action

Ce schéma décrit les actions développées dans le cadre de ce programme afin de mettre en exergue leurs contributions aux cinq axes de la promotion de la santé définis par la charte d’Ottawa.

Légende des publics concernés par chacune des actions :

  • La population cible jeune et son entourage
  • Les professionnels de santé, les partenaires de l’EPSM : associations

[1] Pour aller plus loin : D. Marcelli « La spécificité de la psychiatrie de l’adolescent ». https://www.academie-medecine.fr/la-specificite-de-la-psychiatrie-de-ladolescent/. Communication scientifique. Séance du 30 avril 2002. Web. 12 fév. 2024.