Présentation de l’intervention
Le groupe Facebook « Je ne fume plus » et la Plateforme E-médiation
Le groupe « Je ne fume plus ! #jnfp » est un groupe fermé francophone sur Facebook, de plus de 22 200 membres actifs (plus de 48 000 membres sont passés sur le groupe JNFP), notamment investi par des personnes vivant leurs premiers mois de sevrage. Toutes les méthodes d’arrêt y sont représentées. Il a été créé en 2010 en tant que page d’information, puis en 2012 en tant que groupe auto-support. Plus d’une quarantaine de bénévoles participent au quotidien à l’animation du groupe, répartis-en plusieurs équipes, selon leurs compétences et champs d’intérêt, dont des patients experts. C’est un espace grand public visant l’information, l’entraide et la parole autour du sevrage tabagique. »
La plateforme collaborative en ligne, d’e-médiation, communauté de pratiques et d’usages, offre un espace privé, sur invitation, accessible 24/7 depuis un ordinateur ou un smartphone, sans partage de données avec les « géants du web » : avec les fonctionnalités suivantes :
- Groupes généraux, thématiques ou projet,
- Fil d’actualité,
- Gestion d’événements,
- Gestion de projet,
- Espace documentaire collaboratif et de référence,
- Messagerie instantanée,
- Vidéo ou audioconférence,
- Veille scientifique et événementielle, retours d’expériences
Le tout sur la problématique du tabac fumé et du sevrage tabagique.
Origines du projet :
Les enquêtes annuelles menées sur le groupe Facebook Je ne fume plus ! #JNFP depuis 2020 montrent, année après année, qu’environ 80% des membres ont arrêté de fumer. Ces « défumeurs » sont environ 85% à utiliser toutes les formes de substitution nicotinique (substituts oraux, patchs, inhaleurs, spray, vapotage), souvent en association. Autre caractéristique importante : environ 45% des défumeurs ont fait appel à un professionnel de santé (10% en population générale). Les 15% qui ont réussi sans nicotine non fumée témoignent de l’intérêt d’un soutien motivationnel entre pairs (3 à 5% de réussite sans substitution et sans accompagnement en population générale).
Ceci a amené l’équipe à proposer un dispositif d’e-médiation entre ces groupes d’auto-support et les professionnels de promotion de la santé, par une meilleure interconnaissance autour d’une plateforme collaborative en ligne, communauté de pratiques et d’usages, favorisant deux stratégies de marketing social qui se nourrissent l’une de l’autre : une stratégie « push » d’incitation des membres des groupes à la consultation de professionnels de santé identifiés, une stratégie « hold » de la part de ces professionnels incitant à l’inscription sur les groupes auto-support pour le maintien de la motivation entre deux rendez-vous de suivi.
Comme le soulignent le chef de projet et la directrice de l’association, 3 raisons intrinsèques ont amené à ce développement.
La première raison, c’est « que l’auto-support sur le groupe, ça marche ». Il était important d’informer et de rassurer les professionnels de la promotion de la santé sur l’intérêt à conseiller à leurs patients de s’inscrire sur un groupe d’auto-support, pour maintenir leur motivation.
La seconde raison, c’est « la substitution nicotinique, ça marche ». Et c’est remboursé, pour les patchs et substituts oraux prescrits. Il est important d’en informer les membres des groupes auto-support, mais aussi les professionnels de santé, notamment relevant de la santé au travail, qui ne sont pas toujours au courant de leur capacité à initier des sevrages et à prescrire, puis à suivre et orienter.
La troisième raison, c’est « l’accompagnement par un professionnel de santé, ça marche ». Il est important d’informer les membres du groupe sur les ressources à leur disposition, du médecin traitant aux services spécialisés, comme les CSAPA et les consultations hospitalières, les infirmières ASALEE.
Ces raisons sont également combinées au constat que beaucoup de gens sont isolés dans leur projet de sevrage. : « Les gens sur Facebook, ce ne sont pas les gens qui vont consulter pour arrêter de fumer, hein, c’est pour ça qu’on y est, nous sur Facebook. On a des gens qui sont terriblement seuls dans leur sevrage tabagique, et terriblement éloignés de l’aide. On a des gens pour qui, le fait de discuter en réseau social, est quelquefois leur seul contact social ! » FG
Ainsi, la création de cet espace d’e-médiation provient de cette combinaison de facteurs. Il faut noter que dans le cadre des stratégies « push » et « hold » il n’y a pas d’échange de données entre les professionnels de la promotion de la santé et l’équipe d’animation du groupe auto-support.
Le lancement de la plate-forme s’est effectué en 2020, avec la réalisation d’une quinzaine de webinaires à destination des professionnels de santé (pour se faire connaitre). Ainsi, en 2022, ce sont plus de 40 structures, représentant plus de 90 points d’accueil, ainsi que 4 entreprises, représentant 11 établissements et un service interentreprises représentant 600 entreprises qui sont incluses dans le dispositif, en dehors des personnes qui viennent chercher de l’information sur le tabac.
« On essaye de mobiliser l’ensemble des acteurs et cette notion qui est très importante pour nous, qui est la notion de service. C’est-à-dire que nous sommes au service des personnes qui arrêtent de fumer, mais au service, aussi, des acteurs quels qu’ils soient, sur la Région. On a cette casquette multiservices » AD
Objectifs :
« Je ne fume plus ! #JNFP, c’est d’abord un groupe d’auto-support pour le sevrage tabagique, avec plus de 22 200 membres. C’est aussi une association qui porte la voix des défumeurs auprès des pouvoirs publics et se déploie en mode projet avec les réseaux de soins et d’accompagnements sur le tabac. »
Participer au dispositif régional d’aide à l’arrêt du tabac en aidant à la diffusion d’un dispositif d’e-médiation à haute disponibilité (24/7) et à haute connectivité (avec les dispositifs existants en soins et en accompagnement tabacologique et addictologique des Pays de la Loire).
- en animant et développant des actions dans des groupes de parole auto-support sur les réseaux sociaux :
- Faciliter le pouvoir d’agir (enpowerment) des fumeurs ligériens souhaitant arrêter de fumer
- Apporter une information et un soutien « juste à temps »
- en fluidifiant le recours aux structures de soins et d’accompagnements dans les territoires :
- Stratégie « push » : réduire le délai d’accès aux soins par l’encouragement des membres des groupes auto-support à la consultation.
- Stratégie « hold » : permettre aux professionnels de soins et d’accompagnements de maintenir la motivation des personnes en sevrage tabagique en les encourageant à participer aux échanges sur les groupes auto-support entre deux rendez-vous.
- en réduisant ainsi le poids des inégalités sociales et territoriales dans la prévalence tabagique et leur impact sur l’emploi
- Stratégie de réduction des risques et des dommages en outillant les personnes dont le tabagisme est un frein pour le maintien ou l’accès à l’emploi dans certaines filières industrielles.
- Réduire les inégalités géographiques : métropoles, quartiers de politique de la ville, collectivités rurales.
- enfin en travaillant sur une « montée en compétences » de patients ex fumeurs
- Accompagnement vers la Certification de Patient-Expert Addictions « Exercer une activité de patient-expert dans le champ des addictions » mise en œuvre par France Patients Experts Addictions.
Calendrier
Principaux acteurs et partenaires
Le partenariat prend plusieurs formes :
- Financier, notamment par le biais de l’agence régionale de santé Pays de la Loire (Fonds de lutte contre les addictions),
- Méthodologique : SRAE Addictologie des Pays de la Loire
- Collaboration professionnelle avec des professionnels soignants, des structures de prévention des addictions (plus de 40 structures, plus de 90 points d’accueil), des services RH, SST et SQVT des entreprises, des collectivités locales et organismes consulaires : échanges sur la plateforme e-médiation en ligne, co-intervention auprès des publics, formation de professionnels de la santé au travail.
- Partenaires bénévoles : Des anciens fumeurs, intéressés par l’animation du groupe auto-support, reçoivent une formation à l’animation, aux méthodes d’arrêt du tabac, à la posture d’accompagnement en ligne, et peuvent s’orienter vers un parcours de certification de patients-experts addictions « Exercer une activité de patient-expert dans le champ des conduites addictives » (France Patients-Experts Addiction et AP-HP). Ils peuvent appuyer l’équipe salariée du projet lors d’interventions auprès des publics, en « aller vers » et RPIB, en co-intervention avec des professionnels de santé.
Principaux éléments saillants
L’élaboration de l’action :
- La génèse :
Le principedu groupe Facebook est de proposer 24h/24 et 7J/7 un espace d’échange, de support et de discussions autour du sevrage tabagique. Chaque personne qui souhaite recevoir de l’information peut librement s’inscrire sur le groupe et suivre les activités proposées par le groupe.
Ces activités sont :
- Des réponses à des questions sous forme de discussions ;
- Des discussions sur des thématiques spécifiques : Par exemple :
- Les bénéfices pour la santé de l’arrêt du tabac ;
- La dépendance physique ;
- La dépendance psychologique ou comportementale
- Arrêter sans substituts nicotiniques
- « Bonnes pratiques » dans l’utilisation des substituts et aides nicotiniques
- La référence et l’orientation vers des structures ou professionnels pour obtenir de l’aide ;
- Des présentations en live
Ainsi tout ce qui est proposé sur le groupe autosupport se fait principalement autour de trois principes structurants :
La communauté d’entraide : Celle-ci est à la base du groupe. Des personnes soignantes ou non, anciens fumeurs ou non, vont échanger avec les personnes souhaitant arrêter ou réduire leur consommation de tabac, ou tout simplement vont chercher des informations, partager leur crainte, etc… L’idée principale est que groupe soutienne la démarche de sevrage.
Le principe du lien : l’autre élément structurant, basée là aussi sur le recueil de l’expérience est tisser un lien avec les personnes, en échangeant avec elles, pour qu’elles ne se sentent pas seules dans cette démarche. Ce lien peut aussi amener et accompagner l’orientation. Si l’association n’indique pas de noms de professionnels, elle oriente vers les structures au plus proche du territoire des personnes. Le lien peut aussi favoriser l’émergence de nouvelles communautés comme : les femmes enceintes, les personnes souffrant de pathologies évitables.
L’accès à l’information « à juste temps ».
2. La mise en œuvre du projet :
L’idée est donc de transposer ces principes à la plateforme e-médiation :
La communauté de pratiques et d’échanges : Partage d’expériences et d’informations, échanges sur les pratiques, webinaires thématiques, groupes généraux et spécifiques.
Le principe du lien : un espace qui casse un peu le fonctionnement en silo, dans son service, dans sa structure, dans son réseau. S’ouvrir à d’autres expériences, bâtir des ponts entre des contextes différents : structures de soin et médicaux sociales et services SST et SQVT des entreprises, collectivités, organismes consulaires, pour un parcours plus fluide des personnes souhaitant arrêter de fumer.
L’accès à l’information « à juste temps » : veille scientifique, clinique, événementielle, retours d’expériences mis à disposition pour réflexion et échanges.
Ce principe de communauté s’appuie donc sur des communautés de professionnels de santé, de représentants des services de santé au travail des entreprises qui échangent sur leurs difficultés, questionnements, etc. Comme le souligne Françoise Gaudel : « On fait communauté, ils font partie de la communauté ». De même, selon les questions posées, il peut y avoir des principes d’inter communautés.
Les stratégies développées
- Sur le groupe auto-support
Une première stratégie : ritualiser l’accueil. Pour les personnes souhaitant avoir des informations ou du soutien, celles-ci demandent à entrer dans le groupe en motivant cette demande. Le principe du volontariat (« opt-in ») est essentiel. A partir de ce moment-là et selon leurs questions, elles sont à la fois « prises en charge » par leurs pairs (les professionnels présents sur le groupe conseillent comme membre lambda, ils sont souvent anciens fumeurs eux-mêmes, ils ne revendiquent leur statut qu’en cas de rares discussions autour de méthodes de type « pensée magique » ou relevant de l’abus de faiblesse), mais aussi orientées vers des communautés thématiques (occupationnelles ou méthodologiques) sur le groupe. Ainsi, elles ont des réponses adaptées à leur demande, qui mêlent à la fois expertise scientifique mais aussi savoirs expérientiels.
A l’entrée sur le groupe, un accueil spécifique est réservé aux nouveaux entrants, ce qui permet de ritualiser l’entrée dans la démarche. Des informations leur sont données sur le fonctionnement du groupe, où aller chercher de l’information, etc. Et d’autres anciens et actuels fumeurs viennent à la rencontre du nouvel arrivant.
« Il va y avoir une identification, vous allez vous soutenir soutenu ». FG
Ainsi, l’accompagnement se fait à la fois au regard des questions des personnes, qui obtiennent une réponse de la part d’anciens fumeurs mais aussi d’éléments scientifiques.
La seconde stratégie – qui accompagne le cheminement de la personne – est la distribution de badges, au fur et à mesure de la défume. Ainsi, les personnes reçoivent une notification Facebook pour leur indiquer : « Félicitations, cela fait un mois que tu as arrêté de fumer ». Cela permet un processus d’identification, mais bien aussi un élément positif dans la réussite du sevrage tabagique. Dans ce cadre-là, l’association a inventé un dispositif pour suivre les personnes qui doivent être félicitées. Elles obtiennent un « Piou je ne fume plus ».
« Un dispositif qu’on a appelé « Les fêtés du jour » avec les « Colibris » : des gens qui étaient là, quand ils avaient du temps, ils allaient notifier les autres. Et ça, ça fonctionne, maintenant, depuis cing ans. Et c’est une communauté dans la communauté, qui fonctionne parfaitement ; ça roule ! Tous les jours, les gens sont félicités. Et pendant 120 jours, pendant les cent premiers vingt jours, de la défume, tous les jours. » AD
La troisième stratégie – complémentaire aux autres – est le conseil de substitution nicotinique, sous toutes ses formes, et l’orientation vers les structures proches du lieu de vie des personnes, liées aux addictions : le recours aux soins et aux accompagnements.
Plusieurs autres éléments structurent ces stratégies.
- Tout d’abord, ces espaces de discussion sont régis par des règles de débat qui sont présentées aux nouveaux entrants, et rappelées en cas de souci.
- Les personnes sont libres d’entrer et de sortir du groupe, d’y revenir par la suite pour d’autres questions,
- C’est un espace de parole protégé, c’est-à-dire non accessible aux proches, ce qui permet de dire le vécu du sevrage et la résolution de difficultés par des personnes ayant vécu la même situation et ce sans jugement.
- Les animateurs bénévoles sont formés, tant sur la question des avancées scientifiques sur les questions de tabac, que sur les modalités de régulation et d’accompagnement motivationnels des personnes. (Il ne saurait être question de diagnostic ou de prescriptions « sauvages ».)
- Bien que les orientations puissent être proposées, il n’existe aucune donnée de santé échangées entre le groupe, l’association et les professionnels de santé. C’est une orientation vers des lieux ressources, au plus proche du territoire des personnes concernées.
- Selon les questions et les échanges entre personnes, d’autres groupes et/ou thématiques peuvent être créés.
Du bénévole actif au patient expert : « Les membres actifs et bénévoles vont avoir des missions par petits groupes. Des groupes qui sont assez autonomes autour de l’animation de cette communauté. Donc, il y aura des gens qui seront plus spécialisés, par exemple, sur le vapotage, d’autres qui vont passer du temps à collecter les dates d’arrêt du tabac ; déjà, pour qu’on les fête tous les jours, chaque personne est fêtée chaque jour et obtient un certain nombre de badges. On a toute une infrastructure qui a été travaillée au fur et à mesure des années. On a une trentaine de publications qui sont récurrentes, tous les jours, sans compter les posts des membres, et des demandes. On a une activité qui fonctionne sept jours sur sept, 24h sur 24, on est d’activité, la nuit. » FG Les bénévoles sont souvent sollicités par l’équipe salariée. Ils sont repérés comme étant assez actifs, disponibles. Ils sont alors rapprochés et une formation de modération et d’animation leur est proposée, ils peuvent être orientés vers un parcours de certification comme patient expert : Donc, il y a cette première étape et puis, après, les animateurs vont passer par les formations et après, on va leur parler de la certification, de cette démarche de certification. Et pour certains d’entre eux, ils vont pouvoir s’en emparer et cette fois, passe la main à France Patients-Experts Addictions, qui va les accueillir dans le nouveau parcours. (…) elle est organisée en trois temps et avec deux jurys. Il y a un jury de recevabilité qui va vérifier trois pré requis : – un pré requis de conduite addictive et de rétablissement par rapport à ces conduites addictives ; – un pré requis d’expérience d’animation de pairs, d’intervention auprès de pairs…donc, étayée, quand même ; – un pré requis d’avoir un projet. D’avoir un projet d’utilisation de cette certification. Et puis, ensuite, la personne qui est recevable, à qui on donne un statut de pair aidant, on va l’accompagner. Il y a un tuteur ou une tutrice qui va l’accompagner et on va lui proposer des formations complémentaires en fonction du projet. |
2. Sur la plateforme e-médiation, communauté de pratiques et d’échanges
Nous sommes ici en présence d’un public différent, de professionnels de la promotion de la santé, dans les structures de soins, structures médico-sociales, maisons et centres de santé, dispositifs mobiles, services RH, SST, SQVT des entreprises, des collectivités locales et organismes consulaires.
Pour autant un certain nombre de bonnes pratiques, ou stratégies issues de l’expérience de l’animation du groupe peuvent ici trouver un écho :
- Ritualiser l’accueil de nouveaux professionnels, en leur donnant l’occasion de présenter leurs activités et leurs questionnements.
- Faciliter la prise en main de la plateforme, en organisant des webinaires d’intégration et d’information collective.
- Permettre des échanges horizontaux entre les professionnels issus de différents contextes, en les accueillant sur un groupe ouvert généraliste, sorte de « machine à café virtuelle ».
- Proposer des groupes contextuels, comme « structures de santé et d’accompagnement », « entreprises et santé au travail » et des groupes spécifiques réseaux comme « les centres de santé » ou projets « Mois sans tabac », « Journée mondiale sans tabac ».
- Proposer des « live », webinaires ouverts, sur des thématiques trans-contextes « prise en charge des femmes enceintes fumeuses », « les patients-experts addictions », « les nouveaux produits du tabac », où peuvent s’échanger des expériences issues du regard patient auto-support et de la pratique clinique.
- Offrir un espace de veille scientifique, événementielle et retours d’expériences (mise en valeurs des initiatives locales) sur le groupe généraliste et les groupes contextuels.
- Disposer d’un espace documentaire permettant la co-construction de documents, et un espace de référence documentaire.
Principaux enseignements
Les résultats du projet
S’ancrant dans la dynamique du lien et de l’entraide par les pairs du groupe auto-support, qui permet un soutien permanent avec les personnes souhaitant arrêter ou réduire leur consommation de tabac, la plate-forme e-médiation, communauté de pratiques et d’usages, et les espaces de discussion permettent aux professionnels des ouvertures et des échanges sur leur clinique et leurs accompagnements de ces personnes, c’est le premier résultat.
Selon le rapport d’enquête réalisé par l’Association en décembre 2021, les 1375 répondants sur 20 500 membres actifs d’alors du groupe d’auto-support, sont majoritairement des femmes (89 %) et sont des personnes souffrant de pathologies somatiques et mentales liés au tabac fumé et ce avec une dépendance accrue à ce produit. L’importance du groupe est à la fois soulignée par sa bienveillance, son entraide mais bien aussi comme un élément « déclenchant » dans le sevrage tabagique (67 % des déclarants indiquent que leur appartenance au groupe leur a permis d’arrêter de fumer). Les conseils donnés par le groupe, en étant associé à des post créés selon leur demande, permet une complémentarité forte dans l’accompagnement à l’arrêt. Les répondants insistent sur le fait que la lecture de témoignages, le sentiment d’appartenance à un groupe, et la solidarité et l’entraide constituent des socles essentiels à cette démarche de sevrage. L’enquête 2022 confirme ces résultats.
De même, et c’est le second résultat, les professionnels de santé et spécialistes des addictions utilisent ce groupe d’auto-support, comme un moyen complémentaire dans l’accompagnement des personnes désirant arrêter de fumer. Cette pratique permet ainsi de montrer la plus-value de l’utilisation des réseaux sociaux dans le cadre d’un projet adapté et structuré autour de la notion d’entraide. Dans le prolongement de cette démarche, des formations ont pu être organisées sur l’utilisation à la fois de la plate-forme, mais bien aussi sur l’utilisation des réseaux sociaux.
La plate-forme e-médiation permet ainsi d’être un lieu d’observation de l’évolution des pratiques et des représentations concernant le tabac fumé. Ainsi, certaines personnes peuvent faire remonter que les des professionnels de santé spécialistes de pathologies évitables, selon les pathologies annoncées ou traitées, induisent un contexte injonctif à l’arrêt du tabac fumé, cette injonction étant souvent une « auto-injonction » : « Je dois arrêter de fumer » concomitante à la sidération de l’annonce ou aux difficultés rencontrées dans les soins.
Cet aspect peut être alors retravaillé et discuté avec des professionnels de santé sur la question de la forme de l’orientation vers une prise en charge du sevrage tabagique, dans un contexte de formation de spécialistes des pathologies évitables concernées. Dans une autre démarche, les professionnels de santé peuvent aussi intervenir dans la plate-forme e-médiation pour communiquer des informations sur l’utilisation de tel ou tel produit de substitution, en prenant en compte le savoir expérientiel des personnes et ce afin d’améliorer les conseils qu’ils pourront donner à des personnes souhaitant arrêter de fumer.
La plateforme e-médiation permet une adaptation à la diversité des acteurs, une mise en lien de ces acteurs sur des thèmes autour du tabagisme et du sevrage, prise en compte des spécificités régionales et locales, réponses aux différents besoins : stands, formations, espaces de parole, diversification des actions en fonction des attentes, etc.
L’inscription dans les politiques publiques, notamment dans la région Pays-de La Loire donne aussi une légitimité à l’action dans les stratégies et plans concernant les addictions.
Une « certaine » reconnaissance pour l’auto-support numérique :
Depuis sa création, l’équipe au cœur de l’animation du groupe auto-support travaille à la reconnaissance de la légitimité de ses pratiques auprès des professionnels de santé mais également de financeurs. En effet, par méconnaissance des réseaux sociaux, il a souvent été retourné à l’équipe un amateurisme et la non prise en compte de la pertinence de ce média comme moyen de réduire le tabagisme. Cependant, depuis la montée en charge de l’activité mais également la structuration des activités, l’équipe a une expertise reconnue en matière de modération numérique pour l’utilisation de Facebook comme moyen d’aide. A titre d’illustration, quelques structures régionales pilotées par Santé Publique France (Tabac Info service) ont eu fait appel à l’appui de l’association pour compléter l’animation des groupes Facebook régionaux Mois sans Tabac concernés. Les professionnels se voient également proposer des temps d’accompagnement pour mieux appréhender les outils numériques existants afin de développer de nouvelles formes de pratiques de prévention et d’accompagnements.
« Il y a eu une certaine reconnaissance, je dis bien une « certaine », parce qu’il y a toujours une méfiance par rapport aux réseaux sociaux. Il y a une méfiance par rapport à des acteurs non professionnels, quand ils ne travaillent pas dans les structures hospitalières, ou les structures Adhoc. Donc, il y a la casquette de gentil animateur, mais aussi de gentils amateurs… par rapport à tout ce qui est pratique d’accompagnement en ligne, comme ça. Il y a cette idée d’amateurisme… gentillesse, sympathique, disponible… mais amateur quand même. Et ce qui nous a vraiment permis d’avancer, c’est le mois sans tabac et les collectifs mois sans tabac dans les régions, qui nous ont sollicités » FG
Bien que les choses évoluent, ce manque de légitimité reste encore un frein auprès des institutions. Le projet e-médiation, par sa pratique d’une meilleure interconnaissance des deux « univers », le soin et l’auto-support, permet d’établir un lien de confiance et de légitimité de part et d’autre.
Des activités accessibles à différents publics sur le groupe auto-support :
Nous l’avons vu, l’utilisation de Facebook permet de toucher un public qui n’est pas atteint en première intention par les structures de prévention des addictions ou soignants. Et parmi les utilisateurs, une attention particulière est portée à l’accès aux informations pour des personnes qui s’expriment avec difficulté.
« D’abord, une règle a été établie : ne jamais se moquer de l’orthographe des publications sur le groupe auto-support. Cela permet d’assurer une ouverture sur le sujet le plus important : arrêter de fumer. Ensuite lorsque certaines personnes n’arrivent pas à écrire ou que les échanges semblent compliqués par ce biais, il est proposé un échange en visio afin que les personnes puissent poser leurs questions à l’oral. » AD
C’est l’opportunité pour les animateurs de conseiller le recours aux soins (stratégie « push ») pour ces publics souvent éloignés des soins. Cette orientation est facilitée, dans le contexte du projet en Pays de la Loire, par la bonne connaissance des dispositifs disponibles sur le territoire, connaissance acquise à travers la plate-forme e-médiation.
Des résultats concrets et reproductibles du projet e-médiation
Une compétence essentielle et reconnue d’un patient-expert addictions, c’est sa capacité de médiation entre une « vision soignante » et une « vision patient » des problématiques rencontrées lors des parcours de soins et d’accompagnements dans le champ des conduites addictives.
Cette capacité de médiation, qu’on pourrait appeler « collaboration-action » joue ici à plein, et dans plusieurs domaines :
- Témoigner des problématiques exprimées sur le groupe auto-support par les « défumeurs » lors de webinaires d’échange avec les professionnels de santé, et prendre en compte les témoignages de ces professionnels de santé de leurs pratiques cliniques pour améliorer la qualité des interventions « push » des animateurs du groupe auto-support vers le recours aux soins.
- Informer les professionnels de la santé au travail de leur capacité à initier des sevrages tabagiques et les former sur la prescription de substituts en prenant en compte l’expérience issue du groupe d’auto-support.
- Co-construire et co-animer avec les professionnels de l’addictologie dans les établissements de soins ou médico-sociaux, avec les professionnels de la santé au travail dans les entreprises, les collectivités locales et les chambres consulaires des actions « Aller-vers » et « RPIB » sur le terrain, au contact du public et des collaborateurs, avec des démonstrations, des partages d’expérience de fumeurs et de défumeurs, une mise à disposition d’échantillons de produits de substitution nicotinique, l’orientation vers un rendez-vous d’initiation avec ordonnance de prescription de substituts nicotiniques et organisation du suivi.
Des perspectives d’évolution :
« Il y a une tendance à voir de plus en plus de jeunes venir sur les groupes pour arrêter le tabac. C’est essentiel quand on sait qu’un rétablissement avant 35 ans permet de retrouver statistiquement l’espérance de vie d’un jamais fumeur. Ces jeunes utilisent aussi d’autres plateformes de médias sociaux. Ces espaces n’offrent pas toutes les fonctionnalités de Facebook mais peuvent être des moyens pour accrocher un nouveau public et les intégrer au groupe d’auto-support. » FG
La plate-forme e-médiation se pose alors comme un outil de veille sur ces évolutions, et les échanges en son sein permettent une meilleure prise en compte des nouveaux usages des réseaux sociaux par un nouveau public.
L’évolution peut aussi se décliner sur une prise en compte de l’ensemble des conduites addictives. On peut alors capitaliser sur les pratiques de collaboration mises en place entre des patients-experts addictions et des professionnels de la promotion de la santé, issus des structures de santé et médico-sociales, des entreprises, des collectivités locales et des chambres consulaires à travers ce projet d’e-médiation dans le sevrage tabagique, pour élargir à tout le champ des conduites addictives.
Les entreprises notamment sont en recherche d’accompagnements sur leur responsabilité sociale dans les conduites addictives parmi leurs collaborateurs. La connexion du projet avec Addict’Aide Pro permet d’accompagner ce développement, sans oublier la charte ESPER portée par la Mildeca.
Ces pratiques de collaboration entre professionnels de santé appartenant à des champs d’intervention et des cultures différentes est aussi une occasion d’enrichissement mutuel autour des pratiques et des usages.
Enfin, la possibilité d’héberger des réseaux avec à la fois leur propre groupe et leur présence dans l’agora des groupes ouverts, à l’exemple de la C3SI (Confédération régionale des Centres de Santé associatifs) et ses 52 centres adhérents, ouvre la voie à l’accueil coordonné de professionnels de santé de premier contact.
Reproductibilité du programme
La question de la reproductibilité du programme prend ici un sens différent car la plate-forme « Je ne fume plus » est unique sur la question du tabagisme dans ses modalités de fonctionnement. Pour autant, elle peut être déclinée pour d’autres thématiques en prenant en compte, certains éléments qui s’inspirent à la fois du « aller-vers » les lieux où les personnes sont ; son accessibilité pour des personnes ayant des niveaux de maitrise divers de l’expression écrite; mais aussi sur la prise en compte de la temporalité de l’action. En effet, réfléchir et agir sur le soutien, implique un temps long et permanent (le groupe auto-support est ouvert 24 Heure sur 24, et 7 jours sur 7). De même, la pertinence de l’action repose à la fois sur des règles connues et validées par l’ensemble des participants, mais aussi par un appui des professionnels de santé.
C’est ici qu’intervient l’intérêt d’une plate-forme d’e-médiation pour les professionnels, communauté de pratiques et d’usages. Elle permet ce temps d’interconnaissance, de croisement des regards patients et soignants, notamment sur les territoires. Il faut aussi prendre le temps de faire connaître l’existence de la plate-forme d’e-médiation et ses modalités d’utilisation et d’accompagnement.
Cette démarche se décline déjà sur le terrain, en direction du public et des professionnels des lieux de santé, des collaborateurs des entreprises, avec des interventions « Aller vers » et « RPIB » sur des stands où interviennent en complémentarité des patients-experts tabac et des soignants. Elles sont co-élaborées avec les équipes de tabacologie ou d’addictologie pour les lieux de santé, avec les équipes de santé au travail dans les entreprises (avec formation à la prescription de substituts nicotiniques), et visent à initier un sevrage tabagique pour les personnes rencontrées, ou à en donner envie, avec la prise en compte du suivi et de l’accompagnement : C’est ici que le dispositif d’interconnaissance cultivé sur le dispositif e-médiation prend tout son sens.