Amélioration de l’accès au dépistage des cancers du col utérin des populations fragilisées en Isère

Le projet d’Amélioration de l’accès au dépistage des cancers du col utérin des populations fragilisées en Isère (DOCCU) a été élaboré en 2011 et mis en œuvre de 2012 à 2014 par l’Office de lutte contre le cancer (ODLC) – Isère . Il avait pour objectif d’améliorer l’accès au dépistage cytologique du cancer du col utérin (test de dépistage de référence à cette période) et d’augmenter la participation au frottis des femmes peu ou pas suivies dans trois territoires en sous-dépistage de l’Isère.

Afin de mener à bien ce projet, l’ODLC – Isère a étudié et pris en compte les caractéristiques des trois territoires et des populations cibles afin de mettre en œuvre des stratégies spécifiques.
Durant la mise en œuvre de DOCCU, l’ODLC – Isère s’est notamment appuyé sur les professionnels relais locaux (généralistes, sages-femmes, gynécologues) et acteurs du champ médico-social. Il a également diffusé des informations pratiques (recensement des opérateurs du dépistage, explication du parcours à suivre, etc.) et adaptées (multilingue) à destination des bénéficiaires et des professionnels relais.

Les meilleurs résultats ont été obtenus dans l’Oisans, grâce à la participation des professionnels de santé relais du territoire. Par ailleurs, la stratégie qui consistait à envoyer des courriers avec des rendez-vous préfixés aux femmes peu ou mal suivies est celle qui a le moins porté ses fruits.

Présentation de l’intervention

Présentation de la structure

L’Office de lutte contre le cancer – Isère (ODLC), désormais Centre Régional de Coordination des Dépistages des Cancers (CRCDC) AuRA – Site de l’Isère depuis 2019, met en œuvre les programmes de dépistage organisé (sein et colorectal) et anime un programme expérimental pour le dépistage organisé du cancer du col utérin, DOCCU (invitations des femmes non participantes selon 3 tranches d’âge) dans le département. Il poursuit des objectifs de promotion de ces 3 programmes de dépistage, (sensibilisation des populations et information des professionnels de santé sur le territoire).

Contexte

Dans le cadre de l’évaluation de l’impact du programme expérimental du DOCCU, une analyse du taux de couverture de ce dépistage réalisée à partir des données de la CPAM a montré une progression du taux en Isère entre 2007 et 2009. Cependant, de fortes disparités existent et trois territoires se caractérisent par un sous dépistage : l’Oisans, l’Isère Rhodanienne (les pays de Vienne et du Roussillon) et deux quartiers de Grenoble (Mistral et Grenette). Afin de lutter contre les inégalités territoriales de santé et promouvoir la participation au dépistage du col de l’utérus des habitantes peu ou pas suivies dans ces trois territoires, trois actions différentes ont été mises en œuvre.

Présentation générale du projet

Carte du projet

Objectifs

Le projet visait l’amélioration de l’accès au dépistage cytologique du cancer du col utérin et l’augmentation de la participation au frottis des femmes peu ou pas suivies dans les trois territoires en sous-dépistage dans l’Isère. Trois modalités d’actions ont été envisagées, selon les caractéristiques (nombres d’opérateurs du dépistage, nombre de professionnels de santé, situation géographique, freins aux dépistages recensés) des territoires concernés. L’évaluation a consisté à comparer l’efficience des trois stratégies mises en œuvre.

Calendrier du projet

Principaux acteurs et partenaires

Au sein des trois territoires, l’ODLC s’est appuyé sur le maillage local et les liens préexistants entre les structures d’appui (l’IREPS d’Auvergne-Rhône Alpes, les ASV en Isère rhodanienne et à Grenoble), les groupes de travail locaux (Ressource Santé[1], Collectifs Santé) et l’ensemble des acteurs de santé, sociaux et médico-sociaux du territoire (travailleurs sociaux, associations caritatives, conseillers Economie Sociale et Familiale, professionnels de santé, CMS, maisons de quartier) afin de les recenser, contacter et mobiliser.

Un Groupe de travail du « Dépistage du Cancer du Col de l’Utérus[2] », issu du Conseil d’Administration de l’ODLC, a représenté le comité de pilotage de cette étude.

Les structures et professionnels opérateurs des dépistages (sages-femmes, gynécologues, médecins généralistes, CPEF) ont également été des partenaires. Ils ont participé à des actions de sensibilisation communes avec l’ODLC, proposé des créneaux réservés et ont été des relais dans la transmission d’informations auprès des professionnels relais. La participation au projet des acteurs du dépistage a également permis d’améliorer l’adhésion et la mobilisation des professionnels relais.

Les structures et professionnels relais de l’aide sociale, du médical, et du médico-social (travailleurs sociaux, conseillères en économie sociale et solidaire, médecins généralistes ne pratiquant pas eux-mêmes les frottis, kinésithérapeutes, infirmières, pharmaciens, CIDAG, PMI, les Maisons Médicales), quant à eux, ont été les relais intervenant auprès des bénéficiaires. Ils ont aidé à adapter les outils, les contenus, pour communiquer efficacement aux populations cibles. Ils ont par ailleurs permis à l’ODLC et aux professionnels opérateurs du dépistage de se rendre au sein de leurs structures afin d’organiser des actions de sensibilisation (présentation du dépistage, distribution de documents, stands).

Principaux éléments saillants

Élaboration du projet

Lors de l’élaboration de ce projet, en 2011, l’ODLC – Isère s’est appuyé sur ses propres données, celles de la CPAM et celles de la Mutualité Sociale Agricole (MSA), afin de déterminer les territoires au sein desquels le taux de dépistage aux cancers sur col de l’utérus est faible, puis a élaboré une réponse adaptée à chaque territoire. Par la suite, en 2012, l’ODLC a été retenu dans le cadre de l’appel à projet de l’INCa : « Accompagnement des politiques de prévention et de dépistage des cancers. Soutien aux études et actions pour améliorer la prévention, le dépistage et la détection précoce des cancers ». Grâce à ce financement, le projet a pu être mis en œuvre et la chargée de projet recrutée.

Stratégies de mise en œuvre et mobilisation des différents acteurs

Afin d’atteindre les bénéficiaires, l’ODLC a utilisé une stratégie de sensibilisation en cascade. La chargée de projet s’est ainsi appuyée sur les structures d’appui (ASV, IREPS, Collectifs Santé) afin d’identifier et rencontrer des professionnels relais de 1ère ligne, pour les sensibiliser au dépistage du cancer du col de l’utérus, afin qu’à leur tour ils sensibilisent et informent les bénéficiaires.

Les différentes étapes du projet :

Dans un premier temps, en 2012, l’ODLC a échangé avec différentes structures d’appui du territoire (ASV, IREPS, …) et a utilisé diverses bases de données (Ameli, Les Pages Jaunes, référencement du Conseil de l’Ordre) afin d’identifier les différents professionnels à contacter, futurs relais locaux. Les structures d’appui ont pu faire bénéficier l’ODLC de leurs connaissances des territoires, notamment les principales difficultés auxquelles les professionnels relais sont confrontés. En effet, ces structures d’appui connaissent et sont reconnues des structures d’aide sociale locales et de santé du territoire. Elles possèdent également des compétences en éducation à la santé, en prévention et en promotion de la santé. Elles ont ainsi pu aider à adapter les outils et supports partagés par la chargée du projet, qu’ils soient à destination des professionnels relais ou des bénéficiaires. Enfin, elles participent à des groupes de travail pluriprofessionnels locaux, permettant ainsi à l’ODLC d’y présenter le projet.

Dans un deuxième temps, l’ODLC a répertorié l’ensemble des opérateurs du dépistage et des effecteurs des frottis (sages-femmes, gynécologues, hôpitaux, CPEF) sur les territoires. Ces partenariats ont notamment permis de faciliter l’accès aux dépistages pour les bénéficiaires (plages de rendez-vous réservées, prises de contact facilités, collaborations avec des professionnels relais) et d’organiser des actions de sensibilisation communes. Par ailleurs, l’objectif était également de partager un carnet d’adresses à jour des opérateurs du dépistage aux professionnels relais, afin qu’ils conseillent au mieux leur patientèle. De même, il a également été nécessaire de recenser les laboratoires d’analyse biologique du territoire en capacité de prélever des frottis afin d’orienter au mieux les professionnels relais et les bénéficiaires.

La mobilisation des opérateurs du dépistage s’est faite sans difficulté. En effet, ces acteurs souhaitaient être mieux connus des professionnels relais du territoire ainsi que de la population. Ils ont ainsi été partie-prenante des différentes actions de communication, en participant aux campagnes de sensibilisation, que ce soit auprès des professionnels relais ou aux différentes actions au sein des structures sociales et médico-sociales dans lesquelles l’ODLC s’est rendu. Par ailleurs, en janvier 2013, un CPEF (planning familial) a ouvert à Bourg-d’Oisans. L’ODLC s’est alors appuyé sur ce nouvel acteur qui avait besoin de se faire connaitre,et qui a été un moteur important pour sensibiliser les professionnels relais du territoire.

« Il y avait vraiment une dynamique locale, avec la naissance de ce CPEF. Donc voilà, le démarrage de cette action, conjointement avec le démarrage du CPEF, je trouve que ça a été très porteur, pour tout le monde. »

Karine Zysman

Dans un troisième temps, à partir de 2013, une fois identifiés les professionnels relais de premières lignes (médecins, infirmières, kinésithérapeutes, travailleurs sociaux, pharmaciens) et les groupes de travail pluriprofessionnels identifiés (groupes Ressources Santé, Collectif Santé, etc.), la chargée de projet les a contactés afin de les rencontrer au sein de leurs structures et les sensibiliser.

« Si on fait une action dans un quartier, dans un territoire, il faut tenir compte du calendrier des personnes – à la fois du public qu’on veut toucher et des professionnels. Là, pendant le ramadan, on ne prévoit pas d’actions pour les femmes ; le ski, c’est les médecins qui font de la traumato tout le temps. Dans la construction du projet, c’est important d’aller tenir compte des différents calendriers sur un territoire. […] On ne peut pas se passer d’aller sur le terrain, aussi, d’aller rencontrer les gens du territoire, les professionnels du terrain. Qui mieux qu’eux vont vous parler de leur territoire ? Ils le connaissent au quotidien. »

Karine Zysman

Pour préparer au mieux ces visites,  la chargée de projet s’est appuyée sur les premiers retours qu’elle a pu recueillir auprès des structures d’appui et de professionnels relais qu’elle a rencontrés en amont. Ces derniers ont notamment souligné le peu de temps disponible qu’ils ont à consacrer à la prévention et à la promotion du dépistage lorsqu’ils sont en rendez-vous avec les bénéficiaires.

Prenant en compte ces retours, l’ODLC a élaboré un calendrier et des outils adaptés aux professionnels relais et aux bénéficiaires :

  • Pour les professionnels relais, une pochette était distribuée. Elle comprenait des cartes du territoire recensant les acteurs du dépistage (CPEF, sages-femmes, centres d’analyses), de la documentation sur les différents rôles de ces derniers, et des goodies (post-it, stylos). La distribution de ces goodies avait pour objectif de rappeler la thématique du dépistage au quotidien, et d’être un support pour évoquer le sujet lors des consultations.
  • Pour les bénéficiaires, des supports visuels, (bandes dessinées trilingues, cartes recensant les acteurs du dépistage du territoire, schémas explicatifs du parcours du dépistage, documents d’information, maquettes et planches anatomiques), simplifiés ont également été utilisés ou distribués.

Afin de construire ces documents trilingues et BD, la chargée du projet a collaboré avec l’association Cap Santé 49. Cette association a produit par le passé différents documents de promotion de la santé, en plusieurs langues, dont une BD faisant la promotion de la participation au dépistage et expliquant les différentes étapes, et déjà traduite en 10 langues. L’ODLC, en prenant en compte les avis des professionnels relais et des structures d’appui rencontrés, a alors commandé auprès des dessinateurs, une BD adaptée et produite en trois langues : arabe, turque et français. Cette BD pliable en accordéon a le format d’une carte de crédit, afin d’être facilement distribuée, transportable et discrète.

Dépliant trilingue de promotion du dépistage du CCU de l’ODLC

Enfin, dans un quatrième et dernier temps, entre 2013 et 2014, l’ODLC a utilisé différentes stratégies pour mobiliser et atteindre les bénéficiaires :

  • Dans l’ensemble des territoires, la chargée de projet a participé à des journées de promotion des dépistages, en collaboration avec les opérateurs de frottis locaux. Durant ces journées, elle avait notamment la tâche de sensibiliser le public via un stand d’information.
  • La sensibilisation des bénéficiaires par les professionnels relais de première ligne a été la principale stratégie dans l’Oisans et l’Isère rhodanienne.
  • Dans l’Isère rhodanienne et dans les quartiers grenoblois de Mistral et de Grenette, des séances de sensibilisation ont également été mises en œuvre dans les structures d’aide sociale, avec une diffusion de l‘information en amont par les professionnels des structures.
  • Des courriers accompagnés de coupons rappelant la gratuité pour les femmes en CMU-c en Isère rhodanienne, ou indiquant des rendez-vous préfixés modifiables pour les femmes ciblées des quartiers Grenette et Mistral ont été envoyés.
Coupon de gratuité en Isère Rhodanienne

« Dans ce courrier, on leur rappelait qu’il y avait eu une animation au mois de mai dans la Maison des habitants ; ça rappelait l’importance de faire le frottis. il y avait aussi cet encart avec, bien identifié, le lieu du Planning (CPEF), son adresse, le numéro de téléphone où elles pouvaient appeler pour modifier le rendez-vous ; et en leur disant qu’il fallait qu’elles se présentent avec cette lettre, la carte Vitale, etc. On leur donnait également notre numéro de téléphone, la ligne directe du service « Dépistage de Cancer du Col de l’utérus », pour nous joindre en cas de difficulté ou avoir plus de précisions. »

Karine Zysman

Les envois de courriers étaient accompagnés de sessions de sensibilisation grand public dans les structures sociales locales ainsi que de la distribution de flyers dans les boîtes aux lettres par le principal bailleur social du quartier Mistral. Pour organiser ces rendez-vous préfixés, le CPEF a prévu des plages de consultation réservées durant deux semaines. Afin d’augmenter les chances que des bénéficiaires se présentent aux horaires réservés, trois femmes étaient inscrites pour un même créneau.

Principaux enseignements

Résultats observés

Dans l’Oisans

  • Au total, 33 professionnels de santé ont été contactés.
    • L’action a permis de sensibiliser les professionnels de santé et les a conduit à plus communiquer sur la prévention et le dépistage auprès des femmes. Elle a aussi permis de faire connaître le nouveau CPEF et sa mission de dépistage cytologique.
    • La quasi-totalité des professionnels de santé parle désormais régulièrement du dépistage à leur patientèle alors que c’était le cas pour un tiers d’entre-deux avant le projet. De même, un peu plus de la moitié des professionnels de santé adresse leur patientèle au CPEF ou à la sage-femme libérale, alors que presqu’aucun ne le faisait avant le projet.
  • Le nombre de consultations médicales au CPEF de Bourg-d’Oisans est passé de 60 à 177 entre 2013 et 2014.
  • En Oisans le taux de participations des femmes invitées (tranche d’âge de 25 à 39 ans) ayant réalisé un frottis est passé de 17,2% à 26,8% entre 2010 et 2013.

Dans l’Isère rhodanienne

  • Au total, 66 professionnels de l’aide sociale et du médical ont été contactés.
    • 21 d’entre eux ont déclaré avoir une meilleure connaissance de la prévention et du dépistage des cancers du col de l’utérus.
    • 12 d’entre eux ont déclaré avoir pris connaissance du fait que les sages-femmes étaient habilitées à réaliser des frottis.
  • Dans les communes où des actions de sensibilisation ont été réalisées, le taux de participation des femmes invitées (tranche d’âge de 25 à 39 ans) ayant réalisé un frottis est passée de 24,2% à 28% entre 2010 et 2013, tandis qu’il est resté inchangé dans les autre communes.
    • Les professionnels relais et structures d’appui ont notamment évoqué la problématique des freins culturels et linguistiques comme explication à cette modeste évolution.

Dans les quartiers de Mistral et de Grenette à Grenoble

  • Sur les 313 femmes qui ont reçu un courrier d’invitation avec un rendez-vous préfixé, 20 se sont rendues aux CPEF ou ont appelé pour modifier l’horaire.

Pour mieux comprendre les raisons de ce faible taux d’efficacité, une enquête téléphonique a été réalisée. Cependant, seules 17 femmes ont accepté de témoigner. Au vu du faible nombre de retours, il n’a pas été possible de poursuivre l’évaluation.

Les supports pratiques et contenus adaptés (documents trilingues, flyers, cartes, BD) sont appréciés et demandés par les professionnels relais pour aborder la question du dépistage avec leur patientèle.

Les opérateurs de dépistage sur les territoires et leur participation à différentes actions de communication ont permis de renforcer l’impact de l’action. Leur aide a permis d’accroitre l’accès et la participation au dépistage des cancers du col du l’utérus sur les différents territoires.

Les professionnels de santé, du social et du médico-social ont été des relais permettant d’atteindre les femmes peu ou pas dépistées, de leur transmettre les informations nécessaires et de les orienter vers les acteurs du dépistage locaux.

Principaux freins et leviers

Plusieurs freins, spécifiques à chaque territoire, ont limité la sensibilisation des professionnels et des bénéficiaires :

  • Dans l’Oisans, rencontrer les professionnels sur place a demandé de long temps de transport, démultipliés durant la saison hivernale (enneigement, congestion des routes). De plus, à cette période les professionnels sont peu mobilisables, pris par d’autres urgences (grippes, accidents de ski, etc.). Afin de pallier ce frein, l’ODLC a organisé des visites groupées de professionnels (au sein de cabinets, de maisons de santé) et est intervenu en dehors de la haute-saison autant que possible.
  • Par ailleurs, les professionnels relais ont mis en avant le fait qu’il existe des freins culturels chez les femmes situées en zone montagneuse

« J’ai trouvé qu’en Oisans, comme c’est un territoire qui est un peu à l’écart, dans une zone difficile d’accès,  qu’on vienne à eux, ça a été plutôt bien perçu, l’accueil était bon. Il existe aussi ce contexte des problématiques propres aux gens de la montagne,  avec de la précarité, et des attitudes « un peu dures à cuire »: on ne va pas consulter sans une bonne raison.  J’ai aussi essayé de venir, avec humilité, en ayant, finalement, besoin d’eux pour mener à bien le projet et améliorer la prévention. »

Karine Zysman

Dans l’Isère rhodanienne et à Grenoble, au début du projet, des formations à la promotion du dépistage pour les travailleurs sociaux étaient prévues. Cependant ces derniers ont souligné que, d’une part, ils avaient peu de temps disponible pour cela, et que, d’autre part, ils restaient peu légitimes pour aborder ce sujet. Ils ont par ailleurs partagé le fait que les publics qu’ils accompagnent sont en situation de forte précarité et sont davantage préoccupés par la résolution d’urgences du quotidien (difficultés financières, logement, travail, famille), plutôt que des problématiques à « long terme ».

Pour pallier ces freins, des sessions d’informations pour les bénéficiaires ont été organisés, mobilisant des outils pratiques et visuels accessibles au grand public. Or, il est apparu que les femmes présentes aux sessions de sensibilisation étaient déjà informées ou concernées par la thématique du dépistage, limitant l’impact de ces réunions grand public. L’ODLC et les structures d’aides sociales ont alors collaboré afin d’inclure les actions de sensibilisation au sein d’autres ateliers (sur la nutrition, la petite enfance, la santé sexuelle, etc.) organisés au sein des structures.

« Cela pouvait être lors d’un atelier lors duquel elles avaient l’habitude de se réunir pour discuter de choses diverses… Par exemple, il y avait un centre social, il faisait des ateliers en lien avec une épicerie solidaire qui ouvrait à côté. Du coup, je me suis greffée sur un moment comme ça. Pour ces actions, je venais toujours avec une clé USB et un diaporama que je projetais. J’avais du mal à imaginer le faire sans support. Je venais aussi avec une planche anatomique, par exemple, parce que toutes les femmes ne maîtrisent pas forcément l’anatomie féminine. Donc je venais avec le matériel pour vraiment leur expliquer qu’est-ce que c’est que le frottis, presque comment on le fait, pour démystifier un peu la chose. Parce que quand une femme va chez le gynécologue, il n’explique pas forcément ce qu’il fait, donc y a aussi un peu d’éducation à faire. Ce que je faisais aussi, c’était comme des travaux pratiques : je venais avec un spéculum, la brossette, le tube pour le frottis, l’écouvillon, pour leur montrer les objets du gynécologue, en quoi ça consiste et essayer d’avoir le discours le plus rassurant possible... »

Karine Zysman


Pour l’ensemble des territoires :

  • La mise en œuvre d’ateliers, de sessions de sensibilisation, de rencontres avec les différents professionnels relais, notamment dans des zones isolées ou difficiles d’accès, ont été particulièrement chronophages pour l’ODLC.
  • Les groupes de travail pluriprofessionnels (Collectif Santé, groupes Ressources-Santé) et les structures d’appui ont été des leviers permettant de recenser et de faciliter les rencontres et écoutes des professionnels de santé et de l’aide sociale des territoires.
  • Les actions collectives d’information ont pour la plupart mobilisé parmi les femmes en situation de vulnérabilité celles déjà suivies ou sensibilisées. Afin d’atteindre les femmes les plus éloignées et qui ne sont pas sensibilisées, une collaboration entre la structure de dépistage et  les professionnels relais est un levier plus efficace.

« Dans ce projet, ce qui est ressorti dans les grandes lignes pour moi, c’est l’importance du rôle des professionnels de santé – de tous les professionnels de santé – et là, c’est vrai que je suis totalement convaincue de l’importance du rôle à jouer, notamment, des généralistes, des pharmaciens, des infirmiers, des kinés, etc. Ce qui ressort également c’est l’importance du rôle des centres de planification pour le dépistage, et également l’importance des sages-femmes, et donc de communiquer, de marteler que ce sont des alternatives aux médecins. »

Karine Zysman

[1] Les groupes « Ressources Santé » regroupent des référents d’allocataires du RSA au sein desquels ils peuvent échanger et partager différentes informations relatives à la santé. Les « Collectifs Santé » regroupent des professionnels de santé et du médico-social afin d’échanger des ressources, informations et de participer à des projets en commun.

[2] Ce groupe est composé de professionnels de santé, de la promotion de la santé et de la prévention. Il a pour objectif l’amélioration et la promotion de la participation au dépistage du CCU.